Jean-Baptiste Pellerin – #Backtothestreet : “Ce que je prends à la rue, je le lui rends”
Jean-Baptiste Pellerin, 51 ans, également connu sous le nom #Backtothestreet, est un artiste parisien qui, d’une part, réalise des photographies de rue, et d’autre part, les fixe, tels des objets précieux, entre céramique et verre, dans la rue, la ville devenant une exposition à ciel ouvert.
Pouvez-vous nous présenter votre activité ?
Je suis photographe professionnel. Si je gagne ma vie en réalisant des photographies de commande (décoration, photographies d’entreprise, etc), je réalise également des photographies de rue pour mon plaisir. La nuit venue, je retrouve une excitation proprement adolescente en partant fixer illégalement les photos issues de mon travail personnel dans les rues des villes. Vous trouverez ainsi mes photos de rue à Paris, Marseille, Lyon, Arles, Londres, New York, Lisbonne, Bombay, Tokyo, etc. J’ai réalisé à ce jour plus de 4 000 installations de ce type.
Vous considérez-vous comme un street artiste ?
Je suis avant tout un photographe de rue. Je n’avais pas eu l’occasion d’exposer mon travail personnel jusqu’à il y a six ans où j’ai décidé de fixer dans l’espace urbain mes photos de rue prises aux quatre coins du monde. Cela s’est fait sous l’impulsion du film Faites le mur ! de Banksy et de l’idée de réaliser un véritable objet de valeur dans la rue. Tel Invader qui utilise la mosaïque, j’utilise le verre pour exposer mes photos sur le mur et créer ainsi un contraste entre le béton et un matériau délicat. Enfin, je colle la photo sur du carrelage ce qui donne à l’ensemble une véritable consistance. J’ai conservé le format relativement petit de la photo 10×15 cm pour lui conférer un aspect raffiné. Et puis, j’aime l’idée que le passant ne la voit pas immédiatement même si elle est fixée à hauteur des yeux. Il doit prendre le temps de se rapprocher pour la contempler dans l’immensité de la ville.
Pour quelles raisons signez-vous vos œuvres de rue “#Backtothestreet” ?
Parce qu’avant tout, je ne souhaitais pas connaître l’expérience des travaux d’intérêt général. Je souhaitais ainsi garder mon anonymat. Je ne savais pas ce que signifiait véritablement le hashtag, je l’ai choisi uniquement pour le caractère graphique du dièse. Quant à “Backtothestreet”, cela me semblait logique, puisque je prenais des photographies de rue que je replaçais dans l’espace urbain.
À votre insu, le choix d’utiliser le hashtag s’est révélé très positif pour votre travail qui est devenu viral sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, nous pouvons y voir une mise en abyme et un dialogue qui s’instaure entre vos sujets et vous-même via les réseaux sociaux.
En effet, on peut y voir des allers-retours : je prends des photos de passants puis j’expose ces photos dans la rue – d’ailleurs, certaines personnes s’y reconnaissent avec joie – et les passants vont à leur tour prendre des photos de mes propres photos ainsi fixées et les poster sur Instagram avec le fameux hashtag. C’est très stimulant. Et pratique. Tout mon travail est ainsi répertorié sur Instagram.
Vous avez développé un rapport très fort avec la rue et ses passants.
Ce que je prends à la rue, je le lui rends et ce à plusieurs niveaux : en exposant les photos sur les murs des rues mais également en remettant un tirage au passant photographié. Je me balade la journée dans Paris avec tous les tirages de personnes que j’ai pu prendre en photo et auxquelles je n’ai pas pu les remettre. Celles-ci n’ont pas nécessairement d’adresses mail sur lesquelles je pourrais les leur envoyer. Donc, je garde toujours dans ma sacoche, tous ces tirages, dans l’espoir de recroiser tel passant pour lui remettre en main propre sa photo.
Prenez-vous tout type de passants en photo ?
Comme la plupart de mes contemporains, j’ai des préjugés qu’il s’agisse des policiers, dealers ou curés. Je perçois par ailleurs les SDF, les réfugiés, les personnes qui vivent dans la rue, telles des silhouettes chinoises. Lorsque je m’approche avec mon œil de photographe et mon appareil photo de ces différentes personnes, je me dois d’abandonner tous mes préjugés, de me montrer tolérant afin d’établir une relation de confiance, je leur demande alors leur autorisation, je tente de les rendre beaux et avant tout visibles à leurs propres yeux et à ceux des autres.
Vous parlez d’autorisation. Demandez-vous toujours l’autorisation préalable des passants que vous prenez en photo ?
Auparavant, je ne demandais jamais l’autorisation des sujets, il s’agissait de clichés “volés”, la loi était alors beaucoup plus souple. Je restais ainsi complètement transparent vis-à-vis des passants pris en photo, ce dont je me suis lassé. De plus, face à la suspicion croissante depuis quelques années, je demande systématiquement l’autorisation. J’engage ainsi un véritable dialogue avec les personnes que je croise dans la rue. Un dialogue qui va au-delà de la simple prise de photo. D’ailleurs, je parle maintenant de “portraits de rue”.
Pouvez-vous nous dévoiler vos futurs projets ?
Les photographies signées “#Backtothestreet” viennent d’entrer pour la première fois dans un espace d’exposition, à la galerie Artazart. Je me concentre donc sur ce projet qui me tient à cœur. Le 18 juin, j’ai invité à la galerie plusieurs sujets de mes portraits de rue pour un “pot de clôture” de l’exposition qui s’achèvera le 23 juin. Je continue par ailleurs mes fixations de photos partout en ville. Par mon travail sur les murs, je tente justement de faire tomber ceux-ci entre les différentes communautés qui parfois partagent un même espace urbain.
Pour plus d’informations sur l’exposition à la galerie Artazart, cliquez ici.
Retrouvez le travail de “#Backtothestreet” sur son compte Instagram : @backtothestreetphoto.
Propos recueillis par Annabelle Reichenbach
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