Yammes : “C’est grâce à mon problème de vue que je suis revenue vers la peinture”
Animée par le voyage et la nature, Yammes ne s’est aventurée sur le chemin de la peinture que récemment, souvent freinée par la déficience visuelle dont elle souffre. Rencontre avec une artiste à l’optimisme à toute épreuve.
Quel a été votre parcours ?
J’ai eu un parcours un peu particulier. J’ai toujours peint et dessiné depuis mon enfance, mais avant d’arriver à la peinture en tant que professionnelle, j’ai travaillé plusieurs années dans le social, puis dans le secteur de l’immobilier et de la finance. J’ai seulement repris la peinture depuis 2017, après l’avoir arrêtée pendant vingt ans. Je pense que ça peut être lié à mon problème de vue, qui s’est aggravé ces dernières années ; c’est finalement aussi grâce à cela que je suis revenue vers la peinture. Aujourd’hui, je suis à l’atelier Biz’art au Vésinet, qui m’a très bien accueillie pour la reprise de la peinture. La professeure de peinture m’a proposé ma première exposition et continue de suivre mon travail.
Comment être peintre lorsque l’on souffre de déficience visuelle ?
Mes premiers tableaux étaient très sombres, car j’y semais des taches noires. C’est sûrement à cause de mes problèmes de vue que je peins de cette façon : j’ai sans arrêt une ombre à droite. Toutefois, j’ai de la chance de n’avoir que l’œil droit atteint. On m’a souvent encouragé à aller davantage vers la couleur, mais j’en arrive toujours à parsemer des taches noires sur mes toiles.
Vous parlez de votre maladie dans votre autobiographie, Les couleurs de l’ombre (Éditions Vérone). Pourquoi avez-vous décidé d’écrire cet ouvrage ?
Mon médecin m’a d’abord encouragé à l’écrire, car il déplorait le manque de témoignages de personnes jeunes atteintes de dégénérescence maculaire ; j’avais vingt-huit ans lorsque je l’ai eue. Un jour, quelqu’un m’a contactée en me disant que mon parcours était intéressant, ayant recommencé à peindre après avoir perdu la vue partiellement, et m’a également conseillé d’écrire un livre. Au début j’étais réticente, ne sachant pas quoi raconter mais finalement, je me suis dit que je pouvais aider d’autres personnes. En écrivant mon livre, j’ai voulu être positive. Je pense que faire ce travail m’a aidée et a aussi aidé d’autres personnes : dès ma première séance de dédicaces, beaucoup de lecteurs sont venus me parler de leur problème de vue ou de leur handicap. Ça m’a permis de les encourager.
Quelles sont vos inspirations ?
Je pense que c’est beaucoup de tout ce que j’ai emmagasiné pendant des années, notamment de voyages en Afrique et en Europe, la proximité avec la nature. J’ai besoin de la présence de la nature dans mon environnement, sûrement car je suis originaire des Cévennes.
Étant si proche de la nature, comment avez-vous vécu le confinement ?
Pendant le confinement, j’ai surtout souffert de ne pas pouvoir sortir. J’ai pour habitude de sortir, d’aller marcher, mais je ne m’y suis pas autorisé. Ça m’a beaucoup manqué. Quand j’ai recommencé à sortir, j’ai redécouvert tous les endroits de mon quotidien et remarqué certaines choses que je n’avais pas vues auparavant.
Travaillez-vous spontanément ou faites-vous des recherches en amont ?
Je ne fais pas du tout de recherches. Je n’utilise pas de modèles, je ne fais pas de reproductions. J’ai une liberté totale, sans restrictions ni règles : je ne prépare pas ma palette, je ne cherche pas d’où vient la lumière… Quand je commence à peindre, je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Je peux partir avec l’idée de représenter la montagne, et finalement peindre la mer. J’utilise seulement ce dont je me suis imprégnée de mes voyages en termes de formes, de couleurs… Au fur et à mesure que je rajoute des teintes sur ma toile, j’y vois les paysages que j’ai visités. Selon le regard du spectateur, l’œuvre peut ne pas sembler soignée ou achevée. La perception est individuelle et propre à chacun.
Avez-vous des projets pour le futur ?
Je me suis remise à l’écriture et j’ai écrit des poèmes en rapport avec mes tableaux. J’ai donc un projet de livre de poésie illustré avec mes toiles et mes dessins. Il complétera mon premier livre, dans lequel on ne retrouve pas mes œuvres.
Retrouvez plus d’informations sur le site internet de Yammes.
Propos recueillis par Chloé Vallot
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