Éric Lacan : “Dans ce qui est laid on peut toujours trouver quelque chose de beau”
Les œuvres très poétiques et délicates d’Éric Lacan sont la démonstration que la beauté est partout et qu’il ne faut pas s’arrêter à l’apparence. Le contraste est à la base de sa technique tout comme de sa philosophie : il n’y a pas de lumière sans ombre.
Pourriez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours ?
Éric Lacan c’est mon nom civil, que j’utilise pour signer mes œuvres. J’ai aussi eu longtemps un pseudonyme, Mr Qui et que j’ai beaucoup utilisé pour faire des collages et des peintures dans Paris, mais aussi dans d’autres villes de France et d’ailleurs.
Avant de faire du collage, pendant mon adolescence, j’ai surtout fait du graffiti. J’ai arrêté complètement au début de l’année 2000, puis j’ai découvert le collage aux alentours de l’année 2005. J’aimais beaucoup dessiner et j’aimais également beaucoup la contradiction, alors j’ai commencé à faire des collages de portraits féminins qui étaient un peu ridicules par rapport à la culture graffiti que je connaissais, ce qui m’a valu parfois des rumeurs, on pensait que j’étais une fille.
Je me suis mis à la peinture sur toile, assez tardivement, en 2012. Pour la plupart je fais des collages mais ça m’arrive aussi de peindre directement des murs.
Le squelette est souvent présent dans vos œuvres. Personnellement, elles me rappellent un roman d’Edgar Allan Poe : elles sont magnifiques et un peu inquiétantes à la fois, en tout cas, elles font réfléchir.
C’est ça. Pour revenir à cette histoire de crâne, je n’ai pas de messages précis, c’est plus un univers que j’ai développé au fur et à mesure. Mais dans cet univers effectivement je fais cohabiter à la fois des choses qui sont agréables et séduisantes, la beauté, les fleurs, une forme d’esthétisme poétique, et des choses qui sont beaucoup plus négatives et inquiétantes et qui font quand même partie des difficultés humaines : au bout de la vie il y a la mort.
J’aime bien faire cohabiter des sujets qui sont antagonistes, opposés, mais de la même manière que j’utilise du noir pour valoriser le blanc, le blanc pour valoriser le noir.
Il y a beaucoup de choses liées au questionnement sur le temps qui passe. Par exemple faire cohabiter des fleurs avec un crâne c’est très opposé : les fleurs sont éphémères et esthétiques, tandis que le crâne symbolise le temps. Donc le temps est passé et l’individu n’existe plus mais le crâne perdure, c’est le seul témoignage physique et matériel de l’existence passée d’un individu. Tout le jeu est dans ces choses-là, belles et laides, rassurantes et inquiétantes.
Dans un sens, vous rendez-compte des contrastes dont est faite la vie ?
Exactement. Même si les images que je crée sont très éloignées de notre quotidien, car elles sont là un peu pour nous faire oublier notre époque, en réalité c’est très proche des angoisses primaires de l’homme : vivre, vieillir, survivre même. Mais toujours avec une forme d’esthétisme qui fait qu’on ne voit pas l’horreur et l’aspect morbide en premier.
Vous représentez souvent des femmes et des animaux. Pourquoi ce choix ?
Avant je ne savais pas répondre à cette question, comme je fais les choses de manière instinctive, mais c’est toujours un peu casser les codes et jouer avec le public, comme je ne connais pas sa réaction.
Les femmes sont présentes de la même façon où j’utilise les fleurs : pour l’esthétisme et pour la séduction j’utilise la beauté féminine. Si je devais faire des portraits d’hommes j’aurais beaucoup de mal à utiliser l’aspect esthétique car dans les codes de la peinture le portrait d’un homme est souvent lié à une forme de virilisme, à de la force, de l’intensité, quelque chose de très physique, alors que pour les femmes c’est plutôt l’esthétisation à outrance.
En ce qui concerne les animaux, je représente souvent des animaux qui ont mauvaise réputation : la hyène, le rat, j’ai fait des vautours aussi. Ça me fait mal au cœur qu’on ait des préjugés sur certains animaux. Représenter ces animaux de façon très esthétisée, voire délicate, presque comme des portraits de famille, c’est parler des préjugés qu’on peut avoir, même entre nous humains. Dans ce qui est laid on peut toujours trouver quelque chose de beau.
Vous savez déjà à l’avance où vous irez coller vos œuvres ?
Oui, j’aime bien des murs un peu laids, vieillis, des lieux photogéniques qui s’associent bien avec mes collages. Si je choisis un mur blanc, rien ne se passe, alors que tout change si je colle mon œuvre sur un mur noirci : on a vraiment l’impression que le collage a vieillit avec le mur. Généralement, je choisis des murs qui donnent l’impression d’avoir une histoire. Un mur avec de la végétation, avec des trous, qui raconte quelque chose, c’est plus intéressant qu’un mur tout blanc. De toute façon il n’y a que les défauts qui donnent un peu de vie, de l’interprétation.
Quels sont les projets pour le futur que vous pouvez nous dévoiler ?
Samedi 6 juin 2020 il y a eu la réouverture de la Galerie Openspace avec l’exposition collective ENSEMBLE, où j’expose quelques nouvelles œuvres auprès d’autres artistes. En outre, là je prépare mon exposition personnelle qui aura lieu au mois de novembre toujours à la Galerie Openspace.
J’avais tout un tas d’évènements qui ont été annulés à cause de la crise sanitaire mais qui seront reportés.
Plus d’informations sur Éric Lacan sur sa page Instagram.
Propos recueillis par Violagemma Migliorini
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