Jennifer Grangetas Dall’Osso : “Par ce côté ludique, la BD va favoriser (…) l’envie de lire”
Jennifer Grangetas Dall’Osso, chargée de projet au sein de Passage à l’Art, oeuvre pour une éducation artistique et une promotion culturelle à travers la bande dessinée. L’association compte une vingtaine d’auteurs participants, qui travaillent toute l’année au sein de 80 classes. Le projet est simple : la culture pour tous.
Est-ce que tu peux nous présenter en quelques mots l’association ?
Passage à l’art, c’est tout d’abord une association intercommunale, qui réunit 4 communes de l’agglomération bordelaise : Bassens, Lormont, Cenon, et Floirac. Elles se réunissent donc pour collaborer et partager l’organisation d’un projet culturel d’envergure autour des littératures dessinées : la bande dessinée et l’illustration pour la jeunesse. C’est un projet culturel de valorisation de ces pratiques artistiques. Il y a un axe très fort autour de la médiation éducative et l’éducation artistique, notamment en direction des scolaires.
On œuvre évidemment pour le soutien à la création et la diffusion, par l’organisation d’événements type festivals. L’association cherche à valoriser à la fois toutes les actions de médiation engagées au long de l’année et ce qui peut se faire dans le domaine de la bande dessinée, sur le territoire girondin et régional. On propose une vitrine artistique, un moment de visibilité, parce que notre territoire regorge de talents d’artistes créateurs, qu’ils soient illustrateurs, scénaristes ou coloristes.
Quelles sont les actions concrètes de l’association ?
C’est avant tout la mise en place des parcours d’éducation artistique Classes en Bulles, programmes de rencontres et de transmission. Ce sont donc des ateliers de pratique artistique, avec des auteurs professionnels de la BD, proposés dans les classes élémentaires sur le territoire, avec le soutien du département.
C’est un projet qui permet d’abord de découvrir des albums et de les lire. Ensuite, les élèves peuvent eux-mêmes créer une planche, une illustration ou un projet entier. Il existe différents parcours autour du dessin, de l’écriture de scénarios, de la réalisation d’objets en volume. On a aussi le projet 9ème art, plus complet, qui consiste à travailler toutes les étapes de création de bande dessinée : la création de l’histoire, la mise en place d’un scénario, son découpage, sa réalisation en dessin, sa mise en couleur.
Le festival s’est appelé Bulles en Haute Garonne, pendant une quinzaine d’années. Désormais appelé Faites des Bulles, il suit la même volonté d’itinérance sur les communes partenaires. Le festival va en premier lieu valoriser le travail pédagogique, par une exposition des travaux scolaires à travers une scénographie interactive, accessible et ludique. On cherche vraiment à mettre en valeur les productions des classes, à l’égal des autres artistes. Le festival permet également de retrouver les auteurs qui ont accompagné toutes les rencontres. Autour de leur venue, on propose des ateliers, des spectacles, des conférences ou des expositions de leurs œuvres personnelles et originales. Ce week-end festif réunit alors les publics des territoires, les amateurs de bande dessinée et les petits curieux et vient clôturer tout un cycle d’actions et de travail.
Avant le festival, on organise les événements PréamBulles. On propose un petit focus sur la bande dessinée ou sur l’illustration et c’est là qu’on a pu consolider et accroitre notre partenariat avec les villes pour vraiment faire de ce moment un moment qui puisse à la fois intégrer notre programmation bande dessiné mais aussi faire du lien avec les thématiques municipales, avec ce que les villes ont-elles-mêmes souhaité mettre en avant avec leur programmation interne.
Il y a un vrai travail de partage, de transversalité avec les thématiques municipales parce que c’est un projet intercommunal mais travaillé aussi main dans la main avec chacune des villes. Ça donne une vraie cohérence et une lisibilité du projet sur le territoire.
L’art sur lequel on se concentre est la littérature dessinée, en quoi c’est un médium important pour l’éducation artistique et pour les enfants ?
Je reste convaincue de l’intérêt de la BD, souvent considéré comme un art mineur. C’est pourtant le 9ème art. À mon sens, c’est un médium attractif, interactif et ludique. Il est accessible à tous et s’adresse à toutes les générations. Par ce côté ludique, la BD va favoriser le développement de la lecture et de l’envie de lire. Il apporte une dynamique de réussite pour les enfants en difficulté, qui pourraient justement s’améliorer dans le domaine de la lecture et de l’écriture, par le biais de la BD. Certains vont aussi vraiment mettre au jour leur talent de dessinateur. Ainsi, ça permet de valoriser l’élève, renforcer la cohésion de la classe et apporter des projets nouveaux pour les apprentissages.
Pour finir, la BD est un art pluridisciplinaire. On peut travailler sur le français, l’histoire, l’histoire de l’art mais aussi les sciences ou les langues étrangères. Je crois qu’il offre tout un panel de possibilités. L’association a contribué au document “BD en classe”, édité par le syndicat national des éditeurs. L’objectif est d’essayer de faire rentrer la BD dans les programmes scolaires, comme vecteur d’apprentissage.
Quels retours avez-vous des classes, des enfants, des familles ?
Pour l’instant, les retours sont très positifs. C’est un projet moteur pour la classe. Les enseignants soulignent un apport des techniques de dessin. Ça permet de mobiliser des capacités pour travailler en groupe et réfléchir à la représentation des émotions. Tous les élèves s’investissent et ils sont tous au même niveau.
Je pense que le temps suffisamment long qu’on propose dans nos parcours favorise vraiment une imprégnation. Ça va au-delà d’une simple rencontre. Je crois que c’est marquant de bénéficier de ce type d’expériences. Ça peut vraiment déclencher des vocations, développer une créativité chez l’enfant.
Chaque groupe dans la classe a la responsabilité de mener un travail à son terme donc il y a une coopération entre les élèves, une entraide, un échange, une répartition des rôles, une résolution aussi de débat quant à des choix, des points de vue différents, ils doivent choisir des personnages, un contexte, qu’est-ce qui va se passer. Il y a vraiment quelque chose de très solidaire. Le projet implique un engagement en profondeur chez les élèves pour atteindre l’objectif de finalisation d’une BD. Ça suscite ou relance, selon moi, la curiosité pour la lecture de BD.
Quels sont les objectifs pour l’année prochaine ?
Le festival, prévu en mai à Bassens, a été annulé. Nos partenaires ont maintenu leurs aides à Passage à l’Art, ce qui fait que tous les auteurs ont été rémunérés. Je pense que c’est important de souligner cette solidarité dont on a aussi pu faire preuve. Cela soulève quand même la question de savoir si l’an prochain, on pourra mener à bien tous les projets. On ne sait pas du tout comment nos partenaires vont se positionner suite à la conjoncture qui est celle d’aujourd’hui et qui sera celle de demain j’imagine.
Le festival a été reporté à 2021. On a quand même pu décaler les PréamBulles. Les villes accueilleront des expositions, des petits évènements tels que des spectacles, concerts et jeux dessinés, afin de valoriser des travaux scolaires, au mois de novembre. Dans le même temps, on relance le projet pédagogique avec nos partenaires pour proposer les parcours, l’offre d’atelier aux enseignants du territoire et communiquer le projet aux départements.
Concernant l’année prochaine, la thématique “Nos libertés” sera soumise au vote des membres de l’association. On trouve que c’est aussi un clin d’œil à la période qu’on a tous vécue dernièrement. On verra comment l’articuler avec le thème de cette année, “Héros, héroïnes”.
Plus d’informations concernant l’association sur son site internet.
Propos recueillis par Célia Taunay
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