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Alphi : “Tant qu’il y aura des gens pour créer, le cinéma ne va pas mourir”

© Alphi

Rencontre avec Alphi, un monteur passionné. Créateur de vidéos inspirantes sur le cinéma, il nous fait découvrir son travail. 

Vous décrivez vos vidéos comme des “essais vidéos”, pourquoi ?

C’est le titre anglais “video essai”, directement inspiré de vidéastes américains comme Every Frame a Painting, Nerdwriter et plein d’autres, qui font de la voix off avec du montage. Dans mes essais, je mets beaucoup de jeux et de représentations personnelles. Je trouve que ce genre retranscrit parfaitement le côté subjectif. La majeure partie du temps, je parle de ce que je ressens et j’essaie de comprendre pourquoi je le ressens comme ça, ça se dédouane de toutes les analyses qui se veulent totalement objectives. Je suis plus dans une optique de dire : “Voici ce que j’ai remarqué, je trouve ça cocasse, venez on en parle tous ensemble”.

Comment faites-vous pour créer la vidéo ? Quel est votre processus ?

Déjà, il faut un sujet qui m’intéresse. Généralement, j’écris une première version après avoir vu le film ou la série, sans avoir pris aucune note. Je pense que lorsqu’on regarde un film pour la première fois, il y a un sentiment, un regard, qui ressort juste après l’avoir vu. Dans la première version, il y a beaucoup de choses très bancales. Puis, je regarde toutes les interviews et commentaires possibles. Je m’absorbe à fond. Ensuite, je regarde à nouveau l’œuvre, en prenant des notes cette fois, et je reprends ma première version en l’étoffant grâce à ce que j’ai appris.

© Alphi

Comment en êtes-vous arrivé à faire ces vidéos ?

J’étais monteur dans une société et je suivais des vidéastes américains. Je n’arrêtais pas de dire à l’entreprise qu’il fallait faire de la voix off et du montage car ça coûtait moins cher à produire et aux États-Unis c’est en train d’exploser. Je n’arrêtais pas de leur dire et ils ne m’ont pas cru. Je me suis donc dit que j’allais le faire moi-même. Le premier sujet, Bo Burnham, c’est parce que je suis un énorme fan de cet humoriste et ça m’énervait d’entendre toujours les mêmes choses. Je me suis dit que je pouvais faire une vidéo. Si je pouvais en faire une, je pouvais en faire mille, il fallait juste terminer cette première vidéo. Dans l’audiovisuel c’est très compliqué car on est dépendant de plein de personnes, on est toujours dépendant des acteurs, des réalisateurs. On fait tout en collaboration. C’était le premier projet que je faisais seul : l’écriture, le montage, la voix off. Et j’ai continué car ça me plaisait. L’entreprise a commencé à faire des vidéos en voix off avec du montage, six mois après que je sois parti.

Avez-vous envie de vivre de votre chaîne YouTube ?

Ce n’est pas un souhait de vivre de ces vidéos car sinon je me mettrais plus la pression pour faire plus de vidéos. Pour moi, YouTube m’apporte d’autres choses. Par exemple en ce moment, je travaille avec Kyan Khojandi. C’est grâce à YouTube que le nom Alphi signifie quelque chose pour certaines personnes, c’est une carte de visite.

Comment définiriez-vous le place du montage dans le processus de création d’un film ?

Pour moi, le montage c’est le vilain petit canard, il est vraiment sous-estimé alors qu’il est primordial. C’est la troisième écriture du film selon moi, l’écriture rythmique. J’ai toujours dit que le scénario c’est là où l’on rêve, le tournage là où l’on est confronté à la réalité et où l’on doit quand même sortir quelque chose et le montage c’est là où l’on essaie d’allier les deux. C’est tout aussi important que le scénario, que la réalisation. Un bon réalisateur, c’est quelqu’un qui a compris que tout était important.

© Aphi

Vous dites ne pas vouloir centrer votre travail sur le cinéma, avez-vous des choses en tête ?

J’ai parlé de Nina Simone, j’aimerais beaucoup parler de musique. Par exemple, il y a The Köln Concert de Jarrett, qui est un album de jazz absolument merveilleux. J’aimerais beaucoup en parler car cet album a une histoire complètement folle. J’aimerais également faire quelque chose sur les jeux vidéo ou encore avec les livres de Stephen King.

Quels sont vos projets pour la suite ?

J’ai un gros projet, j’aimerais beaucoup faire un documentaire sur : “Comment le cinéma est-il mort ?”. On estime que le cinéma est mort depuis trente ans. Pourquoi le cinéma n’est-il pas vraiment mort ? Est-ce que les choses changent ? En matière de recherche, c’est colossal. Le grand rêve serait de travailler sur une fiction. Je veux essayer de montrer qu’il y a un regard et pas seulement une capacité technique. Il y a aussi un recul sur les œuvres, un travail sur les plans et leur signification. Être chef monteur pour un long métrage, voila ce que j’aimerais bien.

Pour vous le cinéma est mort ?

Selon moi, admettre que le cinéma peut mourir c’est admettre qu’il a pu naître et pour moi, le cinéma n’est jamais né. Il a toujours existé, il a juste suffi de l’inventer. “Le cinéma est mort, vive le cinéma”. Les gens ont pensé que le cinéma était mort en 1970, avec les VHS. Les gens pensaient que le cinéma était mort à la sortie d’Avatar car c’était du numérique. Tant qu’il y aura des gens pour créer, le cinéma ne va pas mourir.

Retrouvez le travail d’Alphi ici.

Propos recueillis par Pauline Chabert

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