Quentin Simon : “Je cherche avant tout à créer l’émotion chez celui qui regarde mon travail”
Dans une esthétique sensible et délicate, muni de son appareil photo argentique, Quentin Simon traque le naturel et en restitue toute sa beauté en alliant photographies de mode et projets personnels. À l’image de son art, il nous a parlé avec sincérité de son travail.
Comment décrirais-tu ton travail photographique ? Y a-t-il des valeurs que tu souhaites particulièrement mettre en avant ?
J’ai encore beaucoup de mal à parler de moi et mon travail, mais essayons.
Je cherche avant tout à créer l’émotion chez celui qui regarde mon travail, et cela passe par des photographies imparfaites, une lumière particulière, ou une expression sur un visage. Le naturel avant tout afin de pouvoir s’y projeter. L’esthétique et la beauté du naturel, je pense que c’est la valeur que je souhaite mettre en avant.
Tu es autodidacte. Qu’est ce qui t’a amené à faire de la photographie ta profession ?
Ce métier me permet de satisfaire mon besoin de créer, aller dans des endroits magnifiques et rencontrer des gens passionnants. Que demander de plus ?
Qu’est-ce qui t’inspire ?
L’art principalement : le cinéma avec l’esthétique de la nouvelle vague, de Terrence Malick, ou de Xavier Dolan par exemple, la musique, la littérature (Jim Harrison, Oscar Coop-Phane, Boris Vian…), la photographie bien sûr (Jean Pierrot, Quentin de Briey, Bernard Plossu…).
Mais je crois que je suis avant tout inspiré par les artistes eux-mêmes. Quand je dis “artiste” ce n’est pas forcément quelqu’un qui crée un des huit arts, mais quelqu’un qui sort de l’ordinaire et possède une aura spéciale. Ça peut être une femme par sa démarche, un skateboarder par ses mouvements, ou un beatnik par sa liberté par exemple.
Tu photographies essentiellement à l’argentique. Pour quelles raisons ?
Pour beaucoup de raisons.
D’abord pour la façon dont se déroule le shooting qui est différente que sur un shooting avec du matériel numérique. En effet, l’absence de retour écran rend le shooting plus humain, personne n’est derrière un moniteur pour vérifier le moindre détail. Le mannequin et le photographe sont dans le moment présent à 100%, l’échange est plus riche.
Ensuite car c’est presque un acte rebelle aujourd’hui d’attendre plusieurs jours avant de pouvoir voir le résultat, surtout dans l’industrie de la mode qui va toujours de plus en plus vite. L’argentique permet de prendre un peu plus son temps, et d’avoir la surprise de découvrir ses photographies plus tard.
Enfin, même s’il est clair que le numérique fait aujourd’hui des merveilles en terme de rendu et d’esthétique, l’argentique reste plus authentique selon moi. En effet, je trouve le fait que la lumière qui ne passe pas par des pixels et des bits est magique. Ce que l’on voit sur une photographie argentique n’est que le résultat direct d’une réaction chimique créée par la lumière sur la pellicule. Le numérique est parfait, alors que l’argentique est réaliste, le numérique est lisse alors que l’argentique est en relief. J’admire énormément de photographes qui font un travail somptueux en numérique, mais l’argentique correspond mieux à mon approche de la photographie.
Tu fais à la fois des photographies de mode et des photographies plus personnelles destinées à être exposées à l’instar de ton exposition Du Soleil etc en 2016 ou encore de ta collaboration avec l’artiste Frederic Forest pour le livre d’art Alba publié l’année dernière. Comment fais-tu la différence entre ces deux manières de travailler et quelles sont les exigences qui les distinguent ?
Il est primordial pour moi de garder tous ses aspects dans mon travail, qui se complètent les uns avec les autres. La photographie de mode me permet de satisfaire la partie humaine de mon travail, sublimer la femme et créer de belles images avec des gens compétents de façon régulière. La photographie “de tous les jours”, de voyage, personnelle, comme les photographies de ma série Du soleil, etc me permettent de satisfaire la spontanéité de créer, le partage et le besoin de faire ressentir aux autres comment je vois le monde. Enfin, les projets comme celui avec Frederic Forest me permettent de creuser profondément un sujet et de me dépasser, d’avoir une réflexion poussée sur un travail précis et de sortir de ma zone de confort pour découvrir de nouveaux esthétismes.
Ces dernières années beaucoup de réflexions ont remis en question la manière dont les femmes sont habituellement représentées. Ces discours ont-ils influencé ta manière de prendre en photo les modèles féminins ?
Je ne pense pas. On m’a parfois décrit comme un “photographe féministe” parce que je photographie la femme de façon naturelle, que je suis contre les grosses retouches et que j’ai photographié de nombreuses femmes inspirantes. Mais cela n’est pas voulu, je pense que ça vient simplement de mon éducation où le respect et l’égalité étaient au centre, et que pour moi une belle femme n’a pas de maquillage et ne fait pas obligatoirement du 34.
Comment as-tu vécu ce confinement ? Prépares-tu des projets pour la suite ?
Ce confinement m’a fait beaucoup de bien. Une pause dans les soucis et le stress quotidiens, l’occasion de prendre le temps de vivre plus simplement. J’ai pu refaire complètement mon site web et je n’ai pas abandonné la photo, avec par exemple un projet réalisé pour Louise Damas avec mon amoureuse.
Pour la suite, j’aimerais réaliser davantage de portraits d’artistes qui m’inspirent comme j’ai pu le faire avec Clara Luciani, Pomme, Fishbach, Kevin Rouillard… On me recommande également de me trouver un agent, je m’y intéresse aussi. Enfin, j’ai réalisé une série personnelle en Sibérie en juin 2019 que je n’ai toujours pas montré, il faut que je trouve la meilleure façon de la partager (livre, expo, magazine ?).
Plus d’informations sur Quentin Simon sur son site internet et sur son tumblr.
Propos recueillis par Valentine De Gobbi
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