Samsofy : “Je tente de faire de l’art positif”
Samsofy, photographe plasticien, possède probablement la collection de Lego dont tous les enfants rêveraient. C’est avec un regard plein d’humour que l’artiste met en scène ces petits personnages de notre enfance pour nous apporter une part de bonheur.
Peux-tu nous en dire plus sur ce qu’est la “Legographie” ?
C’est tout simplement l’art de mettre en scène des personnages Lego et de les photographier. Marginale à mon commencement, c’est une pratique qui s’est démocratisée ces dernières années.
D’où te vient cette passion pour le Lego et à quel moment as-tu décidé d’en faire une démarche artistique ?
Animateur de métier, spécialisé dans le monde du jeu et du jouet, j’ai intégré en 2008 l’une des plus grandes ludothèques de Lyon. De par mes compétences informatiques et photographiques, j’ai vite pris la main sur la communication visuelle. Pour annoncer les événements, j’ai commencé à manipuler et à photographier des personnages trouvés dans les rayons du stock de jeux pour leur donner vie derrière mon objectif. Jusqu’au jour où j’ai décidé de ne manipuler quasiment que du Lego. Je n’étais pas spécialement un passionné de Lego au départ, j’ai juste trouvé que c’était le moyen idéal pour laisser libre cours à mon imagination. L’enfance, les jouets et le Lego, tout est lié selon moi. Concernant le Lego, c’est principalement la matière qui m’a intéressé et l’infinie possibilité de customiser les personnages, la richesse des accessoires, jouer avec les échelles, etc. En 2013, à la naissance de mon fils, j’ai décidé de démissionner pour pouvoir m’en occuper, ce qui m’a laissé pas mal de temps pour manipuler et créer. Ensuite, tout s’est accéléré, les expos, les propositions, les galeries… La machine était lancée.
Tu mets en scène les personnages via des séries de photographies. D’où te vient l’inspiration ? Quelles sont tes influences ?
Une bonne partie de mon inspiration vient de mes souvenirs d’enfance, je n’étais pas très bon élève et plutôt rêveur. C’est pendant tous ces longs moments à regarder par la fenêtre qu’ont émergé ces univers. Enfant des années 80, je suis également un pur produit de la culture pop et geek. On retrouve régulièrement des personnages de Star Wars ou des super-héros dans mes créations. Je n’hésite pas non plus à faire des clins d’œil à des œuvres majeures que j’affectionne particulièrement, tel que Le cri de Munch ou Le Fils de l’homme de Magritte.
Quel(s) message(s) souhaites-tu faire passer à travers tes photos ? Qu’est-ce que tu aimerais qu’on retienne de ton travail ?
Globalement sur la série, je n’ai pas réellement de message, mais disons que je tente de faire de l’art positif où le sourire sera la plus belle des récompenses. J’aimerais qu’on retienne de moi mon humour et mon originalité. J’aime également, de temps en temps, illustrer l’actualité avec mes Lego, avec des messages forts, mais ceux-ci sont spécifiques à chaque image.
Quelles sont les différentes étapes dans la création de tes photos ?
Selon les cas, soit j’ai une idée de situation/mise en scène et je cherche “le bon spot” pour la réaliser, soit à l’inverse, je suis inspiré par un lieu ou un objet que je trouve intéressant à utiliser dans une photo. Au niveau esthétique, j’aime le mélange des matières (béton, acier, bois, rouille, végétation, etc) et j’aime mettre en lumière les aspérités de ce qui est rouillé, tordu, fissuré, troué, rayé, etc. Concernant les mises en scènes, mon objectif est d’intégrer l’univers Lego dans le monde réel. Les personnages Lego sont choisis en dernier, une fois que j’ai bien en tête le scénario et le décor. Le travail le plus important, à mon sens, est la création de la mise en scène, la prise de vue (macro le plus souvent) permet de figer celle-ci . Si je trouve un élément de décor exploitable dans la rue ou la nature, je le prends en photo avec mon téléphone pour le garder en mémoire et mûrir une idée. Si j’ai besoin de bricoler un accessoire, j’ai un “atelier” à la maison. Lorsque je vais faire un shooting, j’essaie d’y aller tôt le matin ou en fin d’après-midi pour avoir une belle lumière et éviter qu’il y ait trop de monde autour.
Qu’est-ce qu’une photo réussie selon toi ?
Une photographie me satisfait lorsque j’ai réussi à trouver l’équilibre entre l’esthétisme, le message délivré et le sourire qu’elle peut susciter. Cela me fait plaisir lorsque mes photos provoquent des émotions ou réveillent chez certains une part d’enfance.
Tu mets aussi en scène tes personnages à l’étranger. Comment est perçu ton travail en dehors de l’Hexagone ? Y a-t-il un pays qui t’attire particulièrement ?
En 2015, mes travaux ont fait un buzz international durant de nombreux mois, si bien que j’ai dû répondre à des interviews un peu dans toutes les langues. Je pense donc que mon travail est apprécié et reconnu en dehors de l’Hexagone. Mon anglais étant très mauvais, j’ai préféré me concentrer sur les propositions francophones mais cela ne m’a pas empêché de sortir un livre en Allemagne ou de travailler pour Disney. En dehors de la France, mes pays de cœur sont le Maroc dont je suis originaire et le Japon. Ce dernier, que j’ai découvert il y a une poignée d’années, fut une réelle claque culturelle et esthétique. J’ai adoré y réaliser quelques clichés dans cette atmosphère de contrastes et de sérénité. Mon objectif de vie est d’y retourner, mais cette fois-ci avec les enfants !
Que préfères-tu dans le fait d’être photographe plasticien ?
Le fait d’être plasticien signifie que je crée, je façonne des décors et/ou des accessoires pour les besoins d’une photo. Cela me permet de travailler toutes sortes de matières, de bricoler et j’adore ça. Pour les travaux de miniaturisation, je dois redoubler d’ingéniosité pour trouver comment fabriquer ce que j’ai imaginé et cela me permet d’expérimenter une multitude de techniques et de supports (sculpture, peinture, soudure, origami, etc). Autour des personnages Lego utilisés, cela m’offre une infinité de possibilités de création, une liberté artistique très stimulante.
Comment entretient-on ses Lego quand on a une collection comme la tienne ?
Pour les besoins de mes photographies, j’ai effectivement accumulé beaucoup de personnages. Dans l’absolu, tout devrait être rangé et classé dans des compartiments. Après quelques années de pratique artistique, il n’en est plus rien. Chez moi, il y a des figurines partout, dans mon atelier, dans mes sacs photo, sur des étagères, dans les poches de vieux jeans, au fond du panier à linge sale… Étrangement, j’arrive toujours à trouver les pièces que je recherche dans ce joyeux bazar. J’aime cette manière de travailler, je tombe des fois sur des personnages ou pièces auxquels je n’aurais pas pensé et qui s’avèrent plus pertinents dans le projet que ceux recherchés initialement. Néanmoins, le protocole familial est très strict concernant les “Lego de papa”. Mes enfants de 4 et 7 ans arrivent à dissocier leurs Lego de mes outils de travail. Si bien que je peux laisser mes personnages traîner dans la maison, sans courir le risque qu’ils soient déplacés. Dans mon stock j’ai également pas mal de boîtes neuves, qu’il m’arrive de temps en temps de céder aux enfants les jours de pluie.
Quel est le projet rêvé que tu aimerais concrétiser dans le futur ?
À l’heure actuelle, je ne rêve pas forcément d’un projet particulier. Mon objectif reste celui de vivre paisiblement de mes travaux avec ma petite famille, au bord de la rivière en Ardèche. Objectif réussi. Désormais, je dois assurer une continuité économique pour maintenir notre train de vie. Et puis… si l’occasion de retourner photographier au Japon s’offre à moi, je me dépêcherai de refaire mon passeport !
Vous pouvez retrouver les créations de Samsofy sur son site internet et sur ses réseaux sociaux, Facebook et Instagram.
Propos recueillis par Camille Bonniou
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