Guenièvre Lafarge : “Ce qui me plaît le plus, c’est de sortir du conventionnel”
Guenièvre Lafarge est costumière et réalisatrice, elle travaille notamment pour le célèbre cabaret parisien le Moulin Rouge. Elle nous raconte ici son parcours et nous partage la vision qu’elle porte sur son activité.
Guenièvre, tu es aujourd’hui costumière et travailles notamment pour le Moulin Rouge. Comment en es-tu arrivée là ?
J’exerce effectivement au Moulin Rouge mais je suis également amenée à travailler pour différents ateliers. En tant qu’intermittente du spectacle, j’ai pu exercer à l’opéra, pour le théâtre ou encore pour des particuliers. Pour ce qui est de ma formation, j’ai d’abord obtenu un bac littéraire option théâtre, avant de me diriger vers une MANAA, puis une “prépa spectacle” qui est en fait une formation-maison, c’est-à-dire proposée dans un seul établissement. C’est une année de préparation avant de rentrer dans l’apprentissage des métiers du costume, année qui t’apporte un CAP “métiers de la mode – vêtement flou”. Enfin, j’ai passé un diplôme des métiers d’art en deux ans, option “costumier réalisateur”.
Tu as donc surtout travaillé dans le monde du spectacle, les cabarets, le théâtre … As-tu déjà exercé dans le milieu de la mode ? Vois-tu des différences entre ces deux univers ?
Non, ce n’est pas une chose qui m’attire mais effectivement ma formation prépare aussi à cet univers. Ce qui m’attirait c’était vraiment le spectacle et particulièrement le théâtre. J’ai également pu expérimenter le cinéma. Cela a été très intéressant et formateur mais j’ai moins apprécié. Je préfère le spectacle vivant car, notamment quand on travaille avec des petites compagnies, il y a moins de hiérarchie. On est vraiment au contact des comédiens, on peut assister aux répétitions, c’est un autre univers créatif. Dans les ateliers, on est plus réalisateur, des petites mains, on est axé uniquement sur la couture et non sur le reste, comme le côté création où il faut aussi travailler la mise en scène.
Peux-tu nous parler de ton processus de création ?
Quand je travaille pour une compagnie par exemple, je suis généralement en lien avec le metteur en scène, qui arrive avec son projet. Il nous parle de ce qu’il désire montrer, soit quelque chose qu’il a écrit, soit quelque chose qui est déjà existant. Souvent, ils ont des idées, notamment par rapport à la mise en scène, si c’est contemporain, historique ou bien un mélange. Ils posent un univers, dans lequel certains ont déjà idée de ce qu’ils veulent pour les costumes et d’autres pas du tout. À partir de là, mon travail est de faire des propositions sous forme de dessins, qu’on appelle maquettes. Il peut y en avoir beaucoup en fonction du rythme où avancent les choses, la quantité peut aussi être importante en raison des recherches qui doivent être très précises. Ma tâche est donc de répondre à la demande du metteur en scène, en lui proposant des costumes qui vont s’intégrer dans la scénographie qu’il imagine. Cela peut prendre du temps et dépend des personnes avec qui l’on collabore. Il y a donc un gros travail préparatoire avant de commencer l’étape de couture. Il faut que tout soit bien calibré et défini, que tout ait été choisi ensemble et ensuite seulement, l’équipe peut se lancer dans la réalisation.
Y a-t-il des époques, des matières, des types de costumes que tu préfères travailler ?
Cela peut être du contemporain, de l’historique, peu importe. Ce qui me plaît le plus, c’est de sortir du conventionnel. J’aime bien travailler des nouvelles matières, rechercher des nouvelles façons de créer, notamment avec d’autres matières que le tissu. J’intègre par exemple beaucoup de patine dans mon travail, tout ce qui est décoration du costume une fois qu’il est cousu, pour donner un côté un peu plus classique par la teinture, par la peinture mais aussi pour donner des effets visuels aux costumes. Ma formation étant assez classique, ce ne sont pas des choses que j’ai étudiées. Cette dernière était vraiment centrée autour de la couture technique, ce qui est très riche puisque ce n’est jamais la même chose. Par conséquent, je teste toujours de nouvelles techniques. Dans mon dernier projet, j’ai tout fait de A à Z, les chapeaux, la perruque, cela balaie beaucoup de compétences.
Peux-tu nous parler d’un de tes projets récents ?
Avant cette période de confinement, j’étais sur un projet qui a été stoppé et qui va être reporté à l’année prochaine. C’est un projet historique de théâtre immersif sur la vie de Reynaldo Hahn, l’amant de Marcel Proust, où l’on rentre dans ses rêveries. Le spectacle s’appelle Madeleine. Je dois faire deux robes de danseuse type années 20, dans des matières assez fluides comme de la mousseline et ensuite, comme le budget ne permet pas que je réalise, il faudra trouver de la location de costumes d’époque pour les hommes.
Tu parlais du confinement qui a mis en pause tes activités. Penses-tu que cela va avoir un impact important sur ton travail ?
Oui, notamment au Moulin Rouge, quand les costumes ne “jouent” pas, ils s’abîment plus vite, tout comme les décors. Cet évènement a un impact car il faut les rénover, ce que je fais au Moulin Rouge. Cela constitue donc du travail et des coûts supplémentaires.
Propos recueillis par Jean-Félix ROUSSEAUX
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