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Saminem : “À partir de là, l’aventure a commencé”

Loïck Piovesan 23 avril 2020
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© Pierre Bertho

De son vrai nom Camille Teston, Saminem est apparu sur la scène battle rap francophone en 2015. Depuis, il cumule douze prestations, des petites ligues comme l’Arène jusqu’au sommet du genre, avec le main event du Rap Contenders 15.   

Camille, tu as aujourd’hui performé dans de nombreuses ligues et dans de nombreuses salles. Comment en es-tu arrivé à la scène ? 

Ma toute première fois sur scène, j’étais au collège et je faisais partie d’une comédie musicale sur Renaud. C’est la première fois que j’ai foulé une scène et que je me suis dit : “La sensation est cool. Par contre, c’est pas ça que je veux faire, chanter c’est pas ce qui me transcende”. Il m’a fallu beaucoup plus de temps pour comprendre que ce qui me plait, c’est de mettre en valeur des textes. Je suis passé par le slam, puis le rap où j’ai fait des open mics. Le clash, ça a commencé par des clashs audio, comme c’est la mode sur Facebook à l’heure actuelle. Mais au bout d’un moment ça m’a lassé, j’ai arrêté, avant qu’un pote m’emmène voir une draft à Lyon. Ce soir-là, il m’a demandé si je pensais pas que je pouvais faire mieux. Je lui ai répondu : “Je sais pas, de l’extérieur je dirais que oui mais la réalité de monter sur scène c’est autre chose”.

Quelle a été ta première expérience de Battle rap ?

Après cette soirée, je me suis finalement inscrit à l’édition 3 de la Draft Sud. Arcanes m’a demandé une vidéo donc je fais une vidéo où je clash pendant une minute. Je l’envoie en me disant “Bon, mon pote ne pourra pas me dire que je me suis défilé, ils vont me refuser et puis basta”. Deux jours après, il me dit qu’ils vont me trouver un adversaire. Au départ, il me propose Tahine, que j’avais déjà affronté sur beat, donc je demande s’il n’a pas quelqu’un d’autre et je tombe sur K-Owny. C’est pas un mauvais début mais c’est pas mon meilleur battle.

Si on cherche aujourd’hui sur Youtube, ton battle le moins récent c’est face à Bramzo à la Punch Mania.

J’aurais préféré que ce soit mon vrai premier battle. Celui-là, il est vraiment carré, j’en suis très fier. Bramzo, c’est le cousin de Barox (présentateur de la PM) et il avait un crew avec K-Owny. J’ai compris que le but c’était qu’il essaie de venger son pote. Au début, je me suis dit : “Ça sent un peu le piège mais il m’inspire, on y va”. Dans ce battle, j’ai fait référence à mon battle précédent avec la phrase sur l’oignon par exemple, vu qu’au premier, il faisait comme s’il m’écoutait pas et qu’il mangeait un oignon.

On voit 2taf, un autre emcee, dans le public ce jour-là. Depuis, vous avez évolué plusieurs fois en duo. Comment votre duo s’est-il développé ?

La première fois que je le vois, c’est grâce au battle rap. Maintenant, il habite à dix minutes de chez moi. En fait, à mon premier battle, je me présente : “Saminem, Montélimar” et sa femme réagit parce qu’elle vit à Montélimar. Il m’a félicité quand je suis sorti de scène. Après mon battle contre Bramzo, on a beaucoup parlé, puis avec son équipe “Le Fond d’la Classe”, ils m’ont invité dans des soirées où ils rappaient. Avec 2taf, on a eu envie de faire des battles en double à un moment et on a parlé de ça, on s’est dit que ça marcherait bien parce qu’on a les mêmes délires. On a demandé à être en double au RC Est, Mo et K5 étaient prêts à faire un double. À partir de là, l’aventure a commencé et n’est pas finie. On a eu un battle double annulé à cause du confinement.

Vous avez eu l’occasion de participer au main event du RC15 face à Aladoum & Wojtek . Vous étiez les outsiders et beaucoup trouvent que vous vous êtes bien battus.

Oui alors qu’on pensait qu’on allait se faire lyncher, parce qu’en général, le public est dur quand on affronte Wojtek. Même si 90% des gens, nous compris, disent qu’on a perdu, beaucoup disent que notre premier round était très bon, et qu’on ne s’est pas démontés. C’est ce qu’on voulait surtout, même si nous sommes dégoûtés du deuxième round. Tant qu’il y a des choses qui ne vont pas, on va continuer à faire des doubles.

Depuis le RC11, t’as souvent été taquiné à propos de ton choke. Comment considères-tu cette performance délicate ?  

Quand on me propose Parano pour le RC11, je ne suis pas inspiré. J’essaie de gratter tous les jours mais c’est pas comme d’habitude, je vois que je galère. J’écris tard, je finis par écrire la plupart du battle 2-3 jours avant. Je galère à apprendre, je pense l’avoir appris et quand j’arrive sur scène, le stress… La vérité c’est que j’étais pas assez préparé, gros choke et grosse claque : je sortais d’un battle contre Aparzite au RC10, où j’étais considéré comme un des gros rookies de la ligue à l’époque et on fait partie des meilleurs battles d’une belle édition. Je me disais “waw, cool” et là, désillusion complète. Coup dur pour moi, et en même temps, premier truc que je remarque, que j’ai du mal à réaliser sur le coup, tout le monde m’acclame. Il n’y a pas de “ouh”, de “oh le chokeur”. Il n’y a que des “Saminem”, “Vas-y”. Quand je reprends mon texte, comme le pattern avec les insultes, le public est toujours avec moi.

Depuis, malgré cette expérience et ton agoraphobie, t’as su ré-enchaîner les battles et revenir sur la grande scène. Comment considères-tu le chemin parcouru à cette période ?

Après le RC 11, je me dis que je vais faire des battles ailleurs. J’ai été à l’Arène contre Sabri, puis Slider au RC Est 2. J’ai pris plus de plaisir, même si j’ai à nouveau quelques hésitations. Mon battle contre Slider je l’aime beaucoup, mon battle contre Sabri également. Au RC 13, j’affronte Benji. Il m’inspirait mais je me suis mis trop de pression parce que je voulais faire oublier l’autre. J’ai dit à Dony : “Tu m’as payé pour le battle que j’ai pas fait, me paie pas pour Benji, je te dois un battle”. J’ai fait plein d’hésitations, j’étais stressé et mon interprétation nuit à mon texte. Je me suis dit que peut-être que c’était un signe et que les RC c’était pas pour moi. Il y a plein d’autres façons de faire des battles. J’ai dit à Dony que je ne voulais plus faire le RC. Puis je fais les battles doubles et là je prends beaucoup de plaisir. Ca m’a redonné l’envie de faire des battles dans des petites ligues donc j’ai fait Numéro Zed à la 59 Arena. J’avais envie de me tester à la nouvelle génération. Après j’ai accepté Maadou, c’était mon premier vrai défi dans le sens où c’est le gars que je regardais quand je faisais pas de battles. Celui-ci m’a fait grave de bien.

La scène francophone a beaucoup évolué dans le temps. Quel regard portes-tu sur la scène en 2020 ?

Je remarque que le Rap Contenders est en train de prendre un tournant, ce qui m’arrange au fond. Je vois que Lamanif défend corps et âme le côté plus écrit, plus barz, plus technique du battle, et moi, j’ai toujours fait ça. J’ai jamais été un gars très drôle, j’ai fait des blagues de temps en temps mais je ne suis pas du tout un Lawid ou un Mo The Fucker. Je vois que les gens essaient d’être plus attentifs aux jeux de mots, aux doubles sens. Là où les gens sont passés à côté d’un Nelson Barros à mes yeux, aujourd’hui il reviendrait, ce serait différent.

© Pierre Bertho

As-tu aimé participer à l’édition de battles de compliments Ta Mère La Mieux, organisée par Maras ?

J’ai fait un battle de compliments, je vais en refaire un. J’ai kiffé faire ce que j’ai fait, c’était ma première performance dans l’exercice. Maintenant, j’ai une autre vision et j’ai envie de faire un perf différente. C’était prévu en juin mais avec le confinement, c’est décalé. Maras, humainement, il est vraiment extra. Et moi, ce que je comprends dans ses battles, c’est qu’il tente des choses et je ne peux que trouver ça cool. Quitte à se planter, il va tenter des trucs : des références poétiques, des anagrammes, de l’impro. Ça prend pas toujours mais quand ça prend, c’est vraiment cool. Il a le mérite de tenter, là où d’autres ont le mérite d’être bon mais n’apportent rien de neuf.

Pour finir, la recommandation. T’écoutes quoi en ce moment ?

J’écoute de tout. Mais j’aime beaucoup Josman. J’aime quand ça tourne en rond dans les thèmes, j’aime beaucoup sa musicalité, son délire. Alpha Wann aussi j’aime beaucoup.

Pour voir ou revoir des performances de Saminem, rendez-vous sur Youtube, sur la chaîne des Rap Contenders, de l’ABBC ou de la Punch Mania. Découvrez également son passage dans En passant freestyle.

Propos recueillis par Loïck Piovesan

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