“Madame Zola” au Petit Montparnasse : portrait d’une femme passionnée, libre, anticonformiste et attachante
En 1870, Alexandrine Meley épousait Émile Zola. C’est elle Madame Zola ! Le texte fluide et prenant d’Annick Le Goff vient à point nommé pour réhabiliter la femme que fut Alexandrine Zola. D’elle, le public ne connut que son infortune avec son infidèle mari qui cependant ne l’abandonna pas. L’opinion publique savait qu’elle avait été rescapée in extremis d’un attentat commis en 1902 très certainement par l’extrême droite dont l’auteur des Rougon-Macquart ne survécut pas.
Pour que cette femme indépendante, méconnue, puisse exprimer ses sentiments, il fallut cette rencontre avec son pharmacien autant confident qu’apothicaire et c’est de ce jeu à deux personnages excellemment interprétés par Catherine Arditi et Pierre Forest que sortent enfin les vérités, les confessions, les regrets et quelques colères ainsi que son admiration et autres laudations. Madame Zola, personnalité au fort caractère, est amenée à évoquer ce qu’elle pense profondément et sincèrement. Elle nous fait voir Zola, Émile, son homme, leur vie commune, l’affaire Dreyfus, le XIXe siècle…

Catherine Arditi est Madame Zola.
Catherine Arditi, toujours aussi juste, vient de recevoir le Prix 2019 décerné par la Commission Spectacle Fondation Charles Oulmont pour son interprétation de Madame Zola au Petit Montparnasse. On se souvient que la comédienne avait reçu le Molière de la meilleure comédienne en 2017 pour le spectacle Ensemble de Fabio Marra, qui a également triomphé au Petit Montparnasse (lire notre article).
Pierre Forest est “authentique”, il joue adroitement des maladresses de son personnage. Vous l’avez vu dans Edmond qui lui a valu le Molière du meilleur comédien dans un second rôle en 2017.
La mise en scène d’Anouche Setbon décloisonne le texte qui ne peut demeurer narratif puisqu’elle a su exploiter les jolies nuances que Catherine Arditi et Pierre Forest apportent à leur rôle.
Annick Le Goff, l’autrice (c’est mieux qu’auteur, autrice, ça prend plus de hauteur !), par son écriture alerte, construit avec humour quelques situations des plus rocambolesques entre les deux personnages. Ainsi, Fleury, l’apothicaire, est posé là comme un révélateur des confessions d’Alexandrine. Leur rencontre, qui se situe au moment de la psychanalyse naissante, nous renvoie comme une prémonition au rapport entre le psy et sa patiente. C’est croustillant !
Alexandrine Zola, un personnage de théâtre ?
Annick Le Goff explique : “J’ai voulu une rencontre aussi improbable que pittoresque entre Alexandrine, la veuve d’Émile Zola, et un étonnant apothicaire. Ce tête-à-tête amène Madame Zola, personnage haut en couleur, à évoquer son homme, leur vie commune, qui a façonné son œuvre, les mœurs incroyablement libres d’un homme public. Alexandrine sort de l’ombre écrasante de son mari.”

Madame Zola Alexandrine en 1900
“Alexandrine”, poursuit-elle, “va se hisser par amour à la hauteur d’un des écrivains les plus célèbres de son temps au point de lui être indispensable au quotidien, comme en politique, voire sur le plan littéraire. Compagne de misère ambitieuse pour deux, puis épouse […] mais avec deux enfants illégitimes de son mari à la clé qu’elle finira par accepter et aimer puisqu’adoptés. Elle remplacera vaillamment Zola (en exil) au combat dans l’Affaire Dreyfus. Devenue une veuve admirable, elle participera largement à la survie de l’œuvre d’Émile Zola. Corollaire à une vie riche en événements : passionnée, excessive, jalouse, conventionnelle parfois, anticonformiste toujours, fragile, son tempérament même participe à être personnage de théâtre.”
À l’heure où le film J’accuse remplit les salles avec succès et au moment où le réalisateur Polanski donne une large part au rôle d’Émile Zola dans ce que la France de la fin du XIXe siècle déchirée en deux camps nomma l’Affaire Dreyfus, cette élégante pièce de théâtre Madame Zola permet de lever un pan du voile sur Alexandrine Zola, sa femme, sa veuve, son presque tout…
Patrick duCome
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