Clyde Chabot : « Je travaille par variations »
Rencontre avec Clyde Chabot, metteure en scène et résidente du 6b. Elle est particulièrement engagée dans l’organisation de la toute première édition des Scènes du 6, festival d’arts vivants qui se tiendra du 21 au 23 novembre au 6b.
Comment définiriez-vous le 6b, vous qui le connaissez bien ?
Le 6b est un lieu dynamique et important, qui dispose de 7000 m2 d’espaces sur 6 étages. Chacun des 170 artistes en résidence peut avoir accès à des espaces allant de 12 à 50 m2, en les investissant comme il le souhaite. Des espaces de création et/ou de répétition sont mis à disposition, ce qui laisse libre cours au développement de l’imagination artistique. Ainsi, être artiste au 6b ce n’est pas simplement investir l’espace. Chacun peut prendre une part active dans l’échange avec les autres artistes pour que ce lieu ne devienne pas une juxtaposition d’espaces privés, mais bel et bien un projet partageable et partagé.
Pouvez-vous m’expliquer votre statut de résidente au sein du 6b et quelles sont vos libertés artistiques ?
J’y suis depuis juillet 2010. Pendant 5 ans, j’ai été membre du conseil d’administration. Auparavant, j’étais à Mains d’Œuvres et je cherchais un lieu où je pouvais m’identifier à un environnement de l’ordre du collectif que je trouvais très précieux. Une bonne partie du lieu est autonome et celui-ci bénéficie également de subventions publiques. Touchée par l’engagement du fondateur, Julien Beller, j’ai tout de suite eu envie de m’engager. En rentrant au conseil d’administration, cela m’a permis de constater que les rêves, les moyens d’accomplir ses rêves et le temps du collectif étaient les valeurs cardinales du 6b.
J’ai eu l’opportunité de créer, au 6b en 2011, un solo sur mes origines siciliennes que je joue autour d’une grande table (150 représentations). Le 6b est un lieu de création où chacun peut s’emparer de tel ou tel espace. Je me suis amusée à explorer la salle d’exposition, le studio danse, l’extérieur… car, ici, l’investissement des lieux est libre ; il suffit qu’une salle soit disponible. Si on a besoin de financements pour une création, il faut soumettre notre projet à la direction collective du 6b, et par extension à la collectivité.
Vous avez mis en scène Ses Singularités qui se jouera vendredi 22 novembre à 18h. Pouvez-vous m’expliquer en quelques mots l’histoire de la pièce et en quoi elle s’inscrit dans le projet global du festival ?
C’est l’histoire d’un homme qui fait la liste de tout ce qu’il trouve un peu bizarre en lui. Dès qu’il perçoit une forme d’étrangeté physiologique, psychologique ou relationnelle, il en fait une sorte de fiche médicale. Le personnage rentre alors dans un processus d’introspection afin de donner un nom à cette singularité. Cette performance se veut participative et le public est invité à répondre à un questionnaire.
Ses Singularités est un projet que j’ai commencé au 6b en 2016 lors de la Nuit Blanche. Depuis, six versions ont été réalisées. En effet, pour un même texte, je travaille par variations en explorant les différentes configurations possibles de mise en scène avec des disciplines artistiques, des scénographies ou des artistes différents. Je travaille régulièrement avec des musiciens et j’ai donc choisi pour cette version de collaborer avec un guitariste. J’aime réunir le théâtre avec la musique.
Vous avez mis en scène une seconde pièce, Fille de militaire et Chicago-Reconstitution, qui se jouera au 6b le samedi 23 novembre à 19h. Pouvez-vous nous expliquer la portée de ces textes ?
Cette autre pièce interroge la naissance d’un enfant né très prématurément à l’étranger. Celui-ci prend la parole, seize ans après pour raconter sa naissance. Ici, aussi la musique est très présente. C’est une véritable interrogation sur la vie, l’altérité et le destin à travers le petit œil de l’enfant, qui tisse le portrait des États-Unis d’Amérique d’il y a seize ans jusqu’à aujourd’hui.
Ce nouveau projet a été esquissé en septembre aux Laboratoires d’Aubervilliers dans un temps de recherche. Il s’agit d’un diptyque, même si les deux textes n’entretiennent pas de liens directs. Fille de militaire questionne les possibles conséquences sur la personnalité, lorsqu’on a un père militaire et, par conséquent, son rapport à la soumission, à l’ordre ou à l’insoumission.
Les questionnements deviennent immenses et se transforment en batailles. Le personnage devient un véritable guerrier et on ne sait plus si le conflit qui le transcende se produit en lui ou à l’extérieur de lui. Ce texte tragicomique est rythmé par deux musiciennes qui ont répondu favorablement à mon invitation. La première est violoncelliste et la seconde est flûtiste. Grâce à leur présence musicale, des paysages métaphoriques se dessinent et renforcent la portée du texte. Les instrumentistes investissent, elles aussi, l’espace et deviennent donc des actrices inhérentes à la pièce.
Propos recueillis par Marie Dibe
À lire également sur Artistik Rezo : Le festival Scènes du 6 : « une sorte de prolongement naturel du 6b » par Marie Dibe
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