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Danser Chostakovitch, Tchaïkovski… au XXIe siècle

Stéphanie Nègre 19 novembre 2019
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Pagliaccio © A Poupeney

Pour la troisième année consécutive, Bruno Bouché, directeur artistique du Ballet du Rhin, propose un programme « Danser au XXIe siècle » autour d’un compositeur. Après J.S. Bach et G. Malher, l’édition 2019 est organisée autour des compositeurs russes du XXe siècle et rassemble deux créations, Pagliaccio du duo Mattia Russo et Antonio de Rosa puis 40D de Bruno Bouché, ainsi qu’une nouvelle version des Beaux dormants d’Hélène Blackburn.

Anciens danseurs de la Compagnie nationale de danse d’Espagne, dirigée alors par José Martinez, Mattia Russo et Antonio de Rosa se consacrent désormais à la chorégraphie au sein du collectif Kor’sia qu’ils ont créé. La vie de Dimitri Chostakovitch, marquée par la tyrannie stalinienne, leur a inspiré le thème de la société confrontée à un régime totalitaire. Pour l’aborder, ils ont choisi d’utiliser l’univers du cirque. En effet, la métaphore du clown, comme celle de la folie, a permis de tout temps de traiter des choses graves en échappant à la censure ou à la répression, quand le premier degré ne permettait pas cette liberté. Pagliaccio s’ouvre sur le cortège funéraire du clown Auguste qui parcourt la piste d’un cirque. Sous ce chapiteau, les participants semblent tout droit échappés d’un cabaret burlesque. Utilisant des extraits de Chostakovitch mêlés à des pièces plus contemporaines et aux chœurs de l’armée rouge, les chorégraphes empruntent beaucoup aux arts du cirque – mime, acrobatie – et au théâtre dansé. Une parenthèse électro donne à voir des corps qui s’emballent sur une rythmique répétitive. Les corps se tordent, les têtes bougent à l’unisson, mécaniquement ; les individualités se fondent en un tout opprimé. Référence à l’absurdité du système, à l’esprit de résistance ? Pour Mattia Russo et Antonio de Rosa, la musique de Chostakovitch communique tout cela mais une chose est de l’entendre, une autre de l’avoir sous les yeux. Avec Pagliaccio, ils nous livrent une œuvre puissante qui, par le mouvement, fait ressentir les tourments d’un artiste, écartelé entre l’amour pour sa patrie et la terreur permanente entretenue par le totalitarisme communiste.

Pagliaccio © A Poupeney

Dédié à Eva Kleinitz, directrice de l’Opéra national du Rhin de 2017 à 2019, 40D est une pièce pour deux danseuses et cinq danseurs, toute en délicatesse. Utilisant tour à tour un prélude de Serge Rachmaninov et une étude d’Alexandre Scriabine, joués au piano en direct par Maxime Georges, Bruno Bouché chorégraphie des pas de deux et des ensembles élégants, à l’impeccable écriture classique.

4OD © A Poupeney

Pour Les Beaux dormants, créé initialement en 2018 dans le cadre d’une soirée jeune public, Hélène Blackburn a choisi de partir d’une relecture de La Belle au bois dormant pour évoquer le passage de l’enfance à l’âge adulte. La danse d’Hélène Blackburn a la fougue de la jeunesse et la nervosité de l’adolescence. L’affirmation de soi, dans une salle de classe ou dans une salle de bal, au sein d’un groupe ou en face à face, ainsi que le jeu de la séduction sont traités dans une écriture classique. Les danseurs s’en donnent à cœur joie dans cette chorégraphie qui sollicite leur excellence technique sans jamais se prendre au sérieux. Pour la musique, le DJ Martin Tétreault a créé des arrangements d’extraits de l’œuvre de P. I. Tchaïkovski comme si ce dernier avait vécu à notre époque et composé son ballet avec toutes les possibilités de la musique électronique.
Cette nouvelle version, remaniée par rapport à l’œuvre d’origine, sera également présentée fin novembre à Londres, à l’occasion d’une tournée du Ballet du Rhin au Royal Opera house.

Les beaux dormants © A Poupeney

Bruno Bouché réussi, année après année, à créer une identité singulière et forte pour le Ballet du Rhin, qui mêle originalité de la programmation et réflexion sur le monde et la société.

Stéphanie Nègre

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