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Père ou fils : une comédie jubilatoire

Hélène Kuttner 16 octobre 2019
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© Svend Andersen

Arthur Jugnot et Patrick Braoudé interprètent le fils et le père dans une comédie de Clément Michel qui fait valser tous les personnages sur un tempo d’enfer. Quand le père se prend pour le fils et inversement, Dieu le père n’y retrouve plus ses petits. David Roussel et Arthur Jugnot signent cette mise en scène bien partie pour devenir l’un des meilleurs boulevards, décalé et décapant, plein de vie et de saveur.

Une scénographie de cinéma

Un atelier d’artiste contemporain, au sixième étage sans ascenseur d’un immeuble parisien. Alexandre Delorme, incarné par Arthur Jugnot, traîne sa trentaine d’années en salopette de jean et tee-shirt délavé, un pinceau à la main, et dans l’autre main la taille de sa petite amie aux yeux pétillants (Flavie Péan). Tous deux se roulent par terre comme des adolescents, se volent des baisers interminables, mais il faut bien croûter et Alexandre peine à terminer les commandes qu’il reçoit. Débarque un intermédiaire mal élevé (Julien Personnaz) qui met sens dessus dessous toutes ses toiles en raison d’un délai non respecté, mais c’est surtout son père Bertrand, un député en pleine course des législatives, qui s’impose chez lui ce vendredi soir, veille de week-end. Patrick Braoudé campe ce paternel obsédé par sa carrière, courant les plateaux de télévision, égocentrique et maladroit vis-à-vis d’un fils malheureux, qu’il ne comprend décidément pas. 

Une comédie qui bascule dans le fantastique

© Svend Andersen

Lumières solaires, décor superbement bohème, la scénographie ici possède l’élégance d’un décor de film, passant du réalisme bobo au fantastique d’une comédie à l’américaine. La bande-son, notamment, fait basculer l’aspect réaliste d’un échange père-fils, basé sur la provocation et la violence, à un retournement total de situation. Le père devient par un coup de baguette magique le fils, et inversement, Alexandre se transforme en député en costard-cravate, par la subtilité d’un tableau luminescent, qui fait apparaître et disparaître les personnages. Mais la belle idée de l’auteur ne se limite pas à une inversion des rôles, avec effets comiques évidents. Chacun des deux personnages va se modifier, muer progressivement pour finalement se fondre l’un dans l’autre, le comprendre, avec des peaux, des couches successives d’empathie et de sympathie réciproque.

Numéros d’acteurs

© Svend Andersen

Quand la comédie prend de telles libertés, jusqu’au surréalisme, il faut des comédiens qui soient à la hauteur. Arthur Jugnot, plus vrai que nature, à son meilleur, a trouvé en Patrick Braoudé un père idéal de lâcheté et de faiblesse, mais au cœur d’or. Avec sa casquette vissée à l’envers et sa salopette de peintre du dimanche, le ventre en avant, Braoudé est sincèrement impayable. Autour d’eux, les femmes ne sont pas en reste. Flavie Péan déploie un charme magnétique, Laurence Porteil campe la journaliste piquante et séductrice en diable et Catherine Hosmalin incarne l’ex-femme, l’ennemie, mais celle aussi dont l’énergie en forme de tornade va tout balayer. Dirigés avec une précision d’horloger, ils sont tous très bons et le spectacle, rondement mené, ne souffre aucun temps mort. On peut rajouter qu’au-delà du boulevard, la pièce rend un bel hommage aux relations familiales.

Hélène Kuttner

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