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Pierre Brault : l’artiste plasticien qui sculpte la lumière

Dorothée Saillard 19 juillet 2019
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Pierre Brault travaille le Plexiglas et la lumière. Il a notamment enchainé les projets de direction artistique avec Courrèges, Canal+, Zadig et Voltaire, Rock en Scène, a exposé au Carreau du Temple en 2018 pendant la Fiac… et court derrière le temps et la lumière.

Tu t’es fait connaître pour ton travail sur le Plexiglas en volume, comment t’y es-tu pris ?

J’ai commencé avec de faux projets notamment pour Kenzo et Chanel afin de me faire repérer : quand on est un jeune designer, on n’a pas de visibilité. Il faut trouver un moyen d’entrer en contact avec les clients.

Pour Kenzo, je faisais de petites maquettes que je filmais et photographiais chez moi avec un budget réduit. Je m’intéressais beaucoup à la marque et au luxe. C’était une anamorphose avec des bâtons en Plexiglas alignés sur des niveaux différents. La maquette tournait sur un plateau et on pouvait déchiffrer Kenzo à un moment précis.

J’ai essayé plusieurs marques et Courrèges m’a répondu. J’y ai donc travaillé six mois comme assistant directeur artistique des parfums. Tout s’est vite enchainé, j’avais envie d’expérimenter d’autres choses et me suis mis à mon compte.

Canal+ m’a demandé de concevoir la décoration du plateau en lien avec le jingle, donc l’identité de l’émission. J’ai fait plusieurs projets qui n’ont pas vu le jour, notamment avec Antoine de Caunes. Puis une nouvelle émission, l’Info du Vrai présentée par Yves Calvi, a remplacé le Grand Journal sur le même créneau horaire en direct. Chargé de la nouvelle identité, j’ai fait plusieurs installations de 2m et des jingles visuels avec un logo en Plexiglas qui tourne.

Courrèges, logo en anamorphose, 2017

Être un artiste qui communique, entreprend, c’est pour toi une évidence ?

C’est évident. Pour moi ce n’est pas artiste, mais artiste entrepreneur. Il ne suffit pas de faire de beaux projets, la communication est essentielle car il faut être visible. Aujourd’hui, l’artiste doit savoir tout faire. Il doit donc gérer sa propre communication et sa comptabilité, trouver ses clients et ses fournisseurs… La partie création est finalement plus restreinte car le reste prend de la place.

Donc l’artiste ne peut pas être uniquement artiste aujourd’hui. Il faut faire des projets pour gagner de l’argent, mais aussi parvenir à se renouveler, or il faut pouvoir financer ses projets pour cela. J’essaye donc de jongler avec les projets pour des marques qui me font vivre et ceux guidés par mes envies, mais qui ne rapportent pas. Pour créer, il ne faut pas perdre ce côté-là, sinon on s’enferme.

Identité visuelle, espace… il manquait la musique, puis la mode ?

Suite au logo et à l’affiche réalisés en 2018 pour Rock en Seine, j’ai eu envie de travailler avec des artistes dans la musique.

C’est le désir de rencontrer des personnes à qui je n’avais pas accès avant et de les séduire par un projet, pour les amener dans mon univers et provoquer un échange autour de cette proposition.

De plus, cela peut être redondant de travailler sur ces maquettes en Plexiglas. Je voulais remettre l’humain au centre de mes créations, et pour cela passer par la photo et la mode.

J’ai d’abord travaillé avec S.PRI NOIR, le rappeur égérie d’Adidas. Je lui ai proposé une veste futuriste multicolore à effet irisé : il a adoré et on a fait un projet photo et vidéo ensemble.

Dernièrement, suite au projet fait avec S.PRI NOIR, l’équipe d’un autre rappeur a fait appel à moi, pour créer du contenu visuel, mais c’est une surprise. Ce projet que j’ai dirigé va bientôt sortir et m’a fait découvrir encore une autre facette de mon métier : celle de réunir une équipe et de la diriger.

Veste créée pour S.PRI NOIR, 2018

Et tu abordes l’art maintenant…

J’ai fait une première exposition à la YIA Art Fair (Young International Artists) au Carreau du Temple en 2018, pendant la Fiac. L’organisateur a cru en moi et m’a confié un stand gratuitement en me disant : « Tu as trois semaines pour faire quelque chose ».

Pour moi c’était un enjeu. J’ai fait une série de 3 grands insectes en volume de 1m par 1m sur le même principe décomposé déstructuré en Plexiglas de toutes les couleurs : un papillon, une coccinelle, une libellule. C’étaient des insectes en série de cinq et j’en ai vendu dix !

J’avais pris un risque en finançant les pièces, je ne pensais même pas en vendre, mais c’est en prenant ces risques que les projets arrivent. Cette opportunité m’a encouragé à creuser cette voie qui m’attirait déjà.

Il y a des passerelles entre le design et l’art. Bien que je sois souvent assez libre dans mes collaborations, ce qui me plaît dans l’art, c’est de composer quelque chose de vraiment personnel. Il n’y a plus de cahier de charges, plus de client, c’est moi qui propose ma vision et on y est sensible ou pas. Avec les projets, j’ai eu une démarche plus commerciale et typographique. Avec les insectes, c’est une démarche plus figurative et personnelle.

Série Scarabée, exposition au Carreau du Temple, 2018

Tous les domaines sont connectés, comment fais-tu ton chemin ?

Mon diplôme de directeur artistique en poche, je me suis dirigé vers le volume, donc aussi vers l’espace. J’aime cette polyvalence dans mon travail. Le plus important à mes yeux : ces connexions entre volume, design, image, son…

Je me suis fait connaître pour le Plexiglas en volume déstructuré et mon travail sur la lumière et la couleur, mais je veux aller plus loin. Cela passe par des projets dans la photo et la mode comme ceux réalisés avec des artistes dans la musique.

Ce qui m’intéresse est d’aller vers des horizons différents. Pour l’instant, je me concentre sur trois pôles. L’art, pour faire des expositions personnelles, le design, pour les collaborations avec les marques, et la mode, afin d’imaginer des vêtements et des accessoires pour des artistes.

Tu as cette approche de nombreux créatifs et designers qui interviennent dans tous les domaines…

Oui, je pense que c’est générationnel. Cela ne concerne pas que les artistes. On veut réaliser des projets à 360°, créer des passerelles. Personnellement, j’aime toucher à tout, ne pas me donner de limites, et je pense que l’arrivée des réseaux sociaux y a beaucoup contribué, avec cette envie de collaborations que l’on voit partout. Chacun veut être son propre patron, être beaucoup plus libre, et ça passe par cette pluridisciplinarité. Un projet en amène un autre avec son lot de rencontres, et donc d’envies nouvelles.

Lampe Stella, 2019

Tu aimes particulièrement la phase de recherche et d’expérimentation des projets ?

Oui, j’aime le côté laboratoire pour expérimenter des choses, me tromper, et ainsi développer ma propre démarche artistique. Je regarde beaucoup d’images, je fais un premier croquis de forme, puis des recherches pour creuser les détails. Pour la lampe Stella en Plexiglas, je me suis inspiré du Bauhaus, de Johannes Itten et de formes épurées, j’ai beaucoup testé les divers emboîtements avant d’arriver à ce résultat d’ailleurs. J’en ai produit une série de 100 exemplaires.

Le travail du directeur artistique, c’est de créer un univers, de raconter une histoire. Pour un récent shooting avec un artiste, j’ai fait des recherches sur Napoléon, sur ses vêtements et sur les formes, car je cherchais quelque chose d’assez imposant à réinterpréter de manière plus pop. Cela me plaît de chercher des matériaux, et par exemple de trouver des tissus dans des foires pour en faire quelque chose d’unique.

Série Libellule, exposition au Carreau du Temple, 2018

Avant de réaliser des projets fous, on les a d’abord rêvés, de quoi rêves-tu ?

Un de mes rêves les plus fous, même si je suis beaucoup trop jeune, serait de faire une œuvre monumentale, comme Daniel Buren qui est ma première source d’inspiration. Il était ma référence quand j’ai commencé à développer mes projets en Plexiglas et je me suis beaucoup inspiré de son travail et de sa démarche. J’ai eu l’occasion de le rencontrer, et pour moi c’était un moment incroyable.

En fait, j’ai toujours envie que ça aille vite. J’ai beaucoup de projets en ce moment, donc forcément moins de temps pour la création. Je me dis que chaque projet peut être réalisable, et que c’est une question de travail et d’envie, mais je prends les choses dans l’ordre quand les occasions se présentent.

Propos recueillis par Dorothée Saillard

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