Le Tour du Monde en 80 jours aux Mathurins – Un road-movie fantastique et survolté…
Phileas Fogg a osé lancer ce pari fou à son époque, fin 19e, de faire le tour du monde en 80 jours.
Ceux qui ont lu Jules Verne sauront nous dire si le pari fut tenu. Ceux qui viendront voir le spectacle qu’en ont fait Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, ces deux Starsky et Hutch de l’écriture débridée, en apprendront bien davantage, emportés qu’ils seront dans ce fantastique ‘road movie’ survolté, aux situations les plus inattendues. Bien des répliques tiennent de l’anthologie car ici, c’est garanti, l’aventure c’est vraiment l’aventure !
A l’instar d’Erckmann-Chatrian qui était un écrivain bicéphale (en fait ils étaient deux comparses à écrire et avaient fusionné leur nom en une seule signature), Sébastien Azzopardi et Sacha Danino sont de prolixes co-auteurs depuis une bonne quinzaine d’années. Ces deux dramaturges forment un duo très créatif où l’absurde le dispute au fantasque. Auteurs, adaptateurs ou metteurs en scène, ils ont des idées inventives, ils créent des situations inattendues et font de multiples références à l’actualité. Entre fidélité au texte de Jules Verne (1828-1905) déjà fort inscrit dans le comique de situation et leurs anachronismes, le tout mâtiné du bon esprit de la bande dessinée, Azzopardi et Danino réussissent à tenir leur public en vibration totale avec les protagonistes d’un périple particulièrement agité à travers les continents.
Le choix du décor assez simple est intéressant. Il représente un théâtre posé sur la scène des Mathurins, de sorte que leur théâtre est dans le vôtre avec ses rideaux qui s’ouvrent et se referment sur chaque chapitre de cette saga. Des judicieux fonds de scène situent les pays que traversent l’ineffable Passepartout (Benoît Tachoires), Aouda, une belle princesse, apparue à point nommé (Margaux Maillet) et notre héros Phileas (Pierre Cachia) pourchassés par Fix, un détective tout en balourdises (Sébastien Azzopardi), obstiné, alléché par la prime offerte pour la capture du voleur de la Banque d’Angleterre dans lequel il croit reconnaître Phileas Fogg. Alors, il le piste jusque dans les consulats les plus éloignés (Le surprenant consul multiple : Erwan Creignou).
Dans cette course contre la montre surgissent de multiples rencontres, il faut savoir que tous les rôles en sont tous interprétés avec une étonnante facilité par les mêmes comédiens.
Entretien avec Sébastien Azzopardi
Artistik Rezo : votre Tour du Monde en 80 jours, c’est comme dans une BD au théâtre ?
Sébastien Azzopardi : c’est exactement ça. Je vois Phileas Fogg comme une météorite, une sorte de Lucky Luke ! Nous reprenons les bonnes recettes de l’humour à la Goscinny empruntées au théâtre des Tréteaux.
L’ADN de Phileas Fogg réside dans ce qu’il possède un naturel sans faille, le flegme britannique nous dit-on. Il existe un rapport entre le manque de moyen de Phileas Fogg et la pauvreté des pays qu‘il traverse avec le fidèle Passepartout.
Depuis quand se joue cette pièce ?
Elle a été créée en 2006 au Lucernaire jusqu’à aujourd’hui aux Mathurins et au-delà de l’été puisqu’elle est programmée pour toute l’année et à la rentrée au Théâtre de la Gaité. En 2006, ce genre décalé, mêlant théâtre de foire, absurde, comédiens à multi-rôles, bande dessinée, anachronisme, références à l’actualité, était complètement nouveau.
10 ans de succès, plus de 3 000 représentations et plus de 1 million de spectateurs, quels changements entre 2006 et bientôt 2020 ?
Le spectacle est en constante évolution. C’est à dire qu’il est différent tout en conservant le même état d’esprit. Nous utilisons les ressorts de la Commedia dell’ Arte et nous jouons avec le public.
Jouer avec le public, qu’est-ce à dire ??
Toutes ces personnes qui nous regardent, qui nous écoutent, nous donnent la réplique. Ils nous disent jusqu’où on peut aller. Ce sont leurs éclats de rire, leurs soupirs, parfois leurs silences inattendus qui nous permettent de délayer le jeu comme le texte. Pour vous donner une idée, la durée normale du spectacle est de 1h20, aujourd’hui, elle est de 1h35
Le Tour du Monde en 80 Jours nous renvoie à votre Mission Florimont, c’est votre seule marque de fabrique la BD au théâtre ?
Loin s’en faut ! Tenez, on reprend « Piège pour Cendrillon » en octobre au Théâtre Michel. Tiré du roman de Sébastien Japrisot (1963), c’est un spectacle glamour. On entre dans d’étranges méandres. Puis « Dernier coup de ciseaux » de Paul Pörtner (1963) aux Mathurins en septembre (pièce culte dans ce théâtre parisien). Dans ce thriller, le public participe véritablement au spectacle, les spectateurs mènent l‘enquête avec les comédiens et doivent trouver le ou les coupables. Ce véritable ‘Cluedo grandeur nature’ a déjà tenu 8 années à l’affiche et a obtenu un Molière en 2014. Quant à « La Dame Blanche », c’est une création visuelle très forte aux effets, aux mécanismes qui nécessitent de grands moyens d’autant que ce spectacle se joue tant sur scène que dans la salle. Il en va de même de « Chapitre XIII » toujours avec Sacha Danino qui reviendra très vite en salle.
patrick duCome
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