A bord du VSO
VSO (prononcé Vaisseau), achève bientôt sa seconde tournée. À cette occasion le trio de rappeur nîmois – composé de Pex, Alien et Vinsi – a accepté de répondre à nos questions autour de leurs parcours en tant qu’artiste. De leur évolution musicale à la professionnalisation de leur art : un bel insight dans le milieu de la musique. Leur aventure commune, on le sait, à débutée il y a quelque année lors d’un freestyle dans les rues de Nîmes. Nous remontons un peu plus loin, à la genèse d’une vocation.
Vendredi 10 mai, 17h45, au Rocher de Palmer à Cenon, une petite foule est amassée devant l’entrée de la salle de concert. “Certains sont là depuis 6h ce matin” m’explique non sans étonnement un membre de l’équipe du Rocher, alors que nous nous dirigeons vers la loge du groupe qui provoque tant d’engouement.
Vous avez commencé le rap comment ? Est ce qu’il y a eu une révélation via un artiste ou un morceau en particulier ?
Vinci : moi c’est Booba. J’ai commencé par rapper ses textes, puis ça m’a donné envie de rapper mes textes à moi. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à écrire.
Alien : moi j’ai vraiment commencé à kiffer avec Manau, (c’était mon premier disque à l’époque) après il y a eu Don Choa c’était l’époque de la F.F. Puis il y a eu Booba, Gardes la pêche.. C’est quand on a commencé à capter Skyrock à Nîmes (rires)… J’étais très Gangsta Rap puis je me suis ouvert à d’autres choses. Aujourd’hui, moi aussi je fais du gangsta avec fréros.
Peuvent en attester les gilets par balles que le groupe porte sur scène, non sans rappeler 50 Cents dans l’auto-biopic Get rich or die trying .
Pex : entre autres, j’écoutais beaucoup la Fonky Family ; IAM, et en fait j’ai toujours aimé le rap mais j’ai jamais voulu me lancer tout seul. Et puis quand j’étais en cours j’ai rencontré des gens qui faisaient du rap et à cette période j’écoutais beaucoup Nac Mendosa qui m’a donné envie de rapper. J’écoutais aussi beaucoup Rohff… j’ai découvert 1995 qui re-rappait sur du boom bap ce qui m’a montré que le milieu était ouvert et de là je me suis lancé.
D’ailleurs cette influence du boom bap et du hip hop “à l’ancienne” se sent sur votre premier EP Hipopia (2015, ils étaient alors cinq). Un disque old school conçu autour d’un concept d’épopée galactique, extrêmement différents de vos compositions actuelles. Comment s’est opéré le changement ?
Alien : c’est venu un peu tout seul. (…) On est partis d’une base ou on écoutait beaucoup de rap à l’ancienne donc a fait du rap qui donnait un peu Old school. Puis petit à petit on s’est ouvert. Sur Southcoaster – par exemple – il y a l’influence de Maxenss qui nous a ouvert à d’autres trucs.
Pour ce qui est de l’aspect conceptuel.. on est allée au bout du concept sur Hipopia, c’était le premier EP. Mais quand tu rentres là dedans c’est difficile d’en ressortir. On voulait pas s’enfermer. Je parlais de Manau tout à l’heure, ils ont été connu avec le rap celtique, et à jamais ils auront cette étiquette là.
Pex : on voulait faire des choses un peu différentes, on avait peut être pas les moyens de le faire… ou aussi certaines lacunes musicales que l’on a un peu moins aujourd’hui.
Vinsi : oui et puis on avait énormément d’idées, tout est venu d’un coup quand on a fait le premier EP, maintenant il y a de l’expérience.
Le dernier EP de VSO, à l’origine de la tournée qui vient de s’achever, c’est Kintsugi. En japonais, ce terme désigne une technique ancestrale de réparation de la porcelaine au moyen de laque saupoudrée d’or.
On y entend beaucoup d’intime, on pourrait même dire que vous vous mettez à nu dans certains vos textes, je pense au single Ou on va… ça doit être hyper dur comme travail d’introspection, non ?
Alien : c’est vrai que ça a été une nouvelle expérience, sur Southcoaster on se livre moins, on décrit plus qui on est, le fait qu’on vienne du Sud.. C’étaient les premières expériences du genre sur (ndlr: le single) Ou on va. Alors si, c’était dur, mais on assume totalement.
Pex : c’était le premier CD sans concept, juste nous.. on avait rempli notre sceau de plein de choses intérieures et le moment venu on avait enfin “les couilles” de les dire. Alors on a vidé le sceau quoi!
Vinsi : ou on va c’est l’un des morceaux les plus forts sur scène. Et pourtant c’est pas un banger.
Et le banger ils savent faire aussi, il suffit d’être dans la salle quand le trio entame Wheelin’ pour s’en apercevoir. L’incipit du morceau : “Nique le rap conscient, vive l’entertainment” -scandé non sans fierté- fait, d’ailleurs, l’objet de ma prochaine interrogation:
J’ai l’impression que c’est un peu comme une devise, c’est d’ailleurs l’une des premières lignes de votre bio sur la page d’Universal Music. D’où vient cette prise de position ?
Alien : VSO c’est l’entertainment et on est authentique là dedans. Ce serait mentir que de prétendre qu’on est là pour délivrer la bonne parole, mais ça n’empêche pas d’amener un message positif. Tu peux faire passer un message conscient au détour d’une phrase, mais sans être moralisateur.
Pex : et puis c’est un peu pour faire les sales gosses qu’on dit ça !
En ce moment même VSO travaille à la sortie de son premier album, sous l’égide du label Polydor chez qui ils sont signés depuis 2 ans :
Vinsi : on a pas encore fixé de date
Alien : on se laisse le temps en fait, on a été vite sur les EP et là on veut aller au bout des chose, au niveau des prods comme des lyrics.On sait que la vrai carte de visite d’un artiste c’est l’album. En tout cas ça va être un beau mélange.
Et votre entrée chez Polydor, comment ça s’est fait ?
Pex : la scène Paloma organisait un speed meeting avec des professionnels de la musique. Notre chef de projet, Pauline Raignault, était présente on a montré deux clip chacun..
Alien : et elle s’est intéressée à nous. On est resté en contact et après elle nous a demandé de faire des sons pour les faire écouter au directeur de Polydor, ça leur a plu et on a décidé de signer chez eux.
C’est une histoire qui débute alors sur un courant qui passe, une compréhension mutuelle, mais c’est aussi l’aboutissement d’un travail de longue haleine.
Alien : c’est du hasard et de la détermination, si on était à ce rendez vous là c’est qu’on a été à 100 rendez-vous avant. Évoluer dans le milieu de la musique est particulièrement difficile pour un artiste de province, comme me le souligne Alien : « Heureusement qu’il y a des salles comme Paloma, ou des associations comme Da Storm (nos managers) qui font un peu bouger les choses. »
C’est d’ailleurs via cette association que VSO anime des ateliers auprès du jeune public, notamment en milieux scolaire et hospitalier. Une implication à l’image de leur proximité avec leur public. Un public qui le leur rend bien puisque c’est une véritable communauté qui suit le groupe de date en date.
Ce qui nous frappe chez le trio nîmois c’est son authenticité, son entièreté. De la composition des morceaux à la réalisation de leurs clips, VSO façonne un univers à son image, et maintient son cap.
Et si l’on doit retenir une chose après les avoir vu sur scène c’est la suivante : l’équipage du VSO à un bel avenir devant lui.
Propos recueillis par Maeva Gourbeyre
Lexique :
Don Choa : rappeur marseillais de son vrai nom François Dilhan.
F.F. ou Fonky Family : groupe de hip-hop marseillais formé en 1994.
Gangsta rap : genre initié aux USA par des rappeurs tels qu’ Ice-T dans les années 80 avant d’être popularisé par N.W.A, groupe dont faisait notamment partie Dr. Dre.
Boom bap : style de production musicale, emblématique du hip hop east coast des 90’s. Banger : tube au rythme rapide et au propos saillant.
Paloma : salle de diffusion spécialisée en musiques actuelles à Nîmes.
Da Storm : association créée en 2006, Da Storm a pour vocation de permettre au amateurs et artistes de la culture urbaine de s’épanouir qu’ils soient DJ, rappeur, graffeur, beatboxer ou danseur. Da Storm explore divers axes de travail, de l’événementiel à l’animation d’ateliers.
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