Marc Albert céramiste parisien : « Avec la terre on peut tout faire »
Originaire d’Aix-en-Provence, Marc Albert est un passionné de céramique. Aujourd’hui il nous parle de son parcours et de sa technique bien personnelle : la sculpture ajourée. Exposée à la lumière, celle-ci s’éveille et devient alors plus vivante que la foule autour.
Pouvez-vous me décrire votre parcours professionnel ?
J’ai intégré un premier cycle aux Beaux-Arts de Marseille. Pour ensuite monter à Paris et me consacrer à la scénographie à l’École Supérieure des Arts Décoratifs dont je suis diplômé. Puis à la suite d’une rencontre avec un chorégraphe, je me suis lancé dans la danse. J’ai alors exercé cet art, ce métier pendant dix ans. Après toutes ces années, j’ai décidé de revenir aux arts plastiques et de suivre une formation à l’ISF. Là-bas, je me suis imprégné des techniques traditionnelles liées à l’objet et son espace, pour créer finalement mon propre style.
Pourquoi la céramique plus qu’un autre art ?
Petit, mon père m’avait fait un château en terre crue, très lourd. Ça avait vraiment marqué mon enfance. Et puis même dans le sud tout est fait en terre cuite, les toits, les sols en tommettes. On baigne dans la terre cuite !
Aux Beaux-Arts de Marseille, il y avait des espèces de grands bacs en terre rouge et on pouvait s’en servir à volonté pour faire des sculptures. Quand j’ai abordé ce matériau, j’ai donc eu besoin de faire mes preuves.
Avec le statut de céramiste, j’avais l’impression de pouvoir tout faire : des objets utilitaires, des luminaires, des objets de l’art de la table avec la porcelaine, notamment. Et puis on peut toucher à plusieurs statuts : artisan, artiste, designer. Surtout, je voulais faire en sorte que l’objet utilitaire soit unique, une œuvre d’art que l’on utilise au quotidien.
Comment travaillez-vous la sculpture et plus précisément « la sculpture ajourée » ?
Il s’agit déjà d’imaginer une forme. La toute première étape, c’est le moment de l’expérience. J’ai découvert cette technique à partir de quelque chose qui existe : le décor à la poire. Ce sont des rajouts sur une pièce finie. Cette pièce finie m’ennuyait mais les rajouts m’intéressaient. Je me suis alors mis à faire l’exercice à l’envers.
J’ai trouvé le moyen de pouvoir supporter cette écriture de porcelaine liquide. Donc, d’en faire un objet solide, alors qu’au départ c’est un objet liquide, puis très fragile parce qu’ajouré. Pour ça, j’ai emprunté des techniques chinoises anciennes. Leur porcelaine se déformait beaucoup à la cuisson et donc c’était toujours cuit dans des supports de cuisson. La première étape : savoir quelle forme il faut faire et après en créer le creux, qui devient la base de travail et le support de cuisson. Mais je m’arrêterai là car on n’est pas obligé de dévoiler tous les secrets…
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
J’ai écrit un projet qui s’appelle Figures de proues. Il s’agit d’aller explorer en Europe toutes les villes jumelles avec Shanghai, pour dresser le portrait de la ville et d’aller trouver dans chacune d’entre elles, une figure de proue, une égérie, une femme qui la représente. C’est un travail de sculpture itinérant. J’ai déjà couvert deux villes et pour la troisième, je pars à Oslo la semaine prochaine avec mes partenaires écrivains et photographes.
Les gens s’intéressent de plus en plus à l’artisanat, aux matières brutes, non transformées. D’après vous, la céramique redevient-elle à la mode ?
Tout à fait. De plus en plus de monde à envie de toucher à la terre. Les gens sont sensibles à ce genre d’objet utilitaire, une pièce unique à toucher autrement qu’un objet manufacturé. Dans ce monde hyper technologique, on a besoin de se rapprocher de certaines valeurs, surtout que tout est surévalué, surcoté, notamment dans le monde de l’art. Parallèlement à nos voyages à travers le monde, via nos avions, téléphones, GPS, appareils photos, on a peut-être besoin aussi de toucher une vraie poterie, une authentique tasse en terre cuite. En tout cas, d’après moi, nous avons besoin des deux.
Propos recueillis par Laura De Filippo
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