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The Film Gallery, la voix passionnée du cinéma expérimental

Léa Michaut 11 février 2019
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Fondateur des éditions RE:VOIR ainsi que de la Film Gallery, Pip Chodorov est l’un des visages incontournables du cinéma expérimental. Un genre riche, difficile à définir qui se pose comme une exploration toujours renouvelée des moyens propres au cinéma et aux arts plastiques. Il nous parle aujourd’hui de sa vie faite de rencontres, de films et de projets artistiques toujours plus audacieux, jusqu’à la création de sa galerie, la première au monde entièrement dédiée au genre.

Pip, dans Free Radicals , une histoire du cinéma expérimental, tu parles du cinéma expérimental à travers des rencontres avec d’autres cinéastes qui te sont, pour certains, intimes comment as-tu commencé dans ce milieu ?

J’ai commencé très jeune. Mes parents et leurs amis avaient pour habitude de regarder et de partager des films qu’ils faisaient et qui étaient un peu décalés. Ils me ramenaient parfois un peu de matériel et des outils et, à l’âge de six ans, j’ai commencé à faire de la peinture et du grattage sur pellicule. C’était pour moi une occupation assez abstraite et solitaire, j’aimais l’image en mouvement que dessinait le projecteur, elle m’intriguait. J’ai ensuite fait beaucoup d’animation, en faisant image par image, je voulais voir ce que cela donnait une fois produite.

Mon père travaillait pour une émission culturelle à la télévision dans laquelle il présentait des artistes divers et variés dont certains produisaient de nouveaux films abstraits. Il avait ramené de son travail une copie 16 de 2001 l’Odyssée de l’espace que j’ai visionné avec notre projecteur un grand nombre de fois chez moi. Sinon mon influence principale est plus celle de la création, du fait d’avoir cette liberté de tout faire, de tout expérimenter. Je créais beaucoup et en grandissant avec des amis on faisait de fausses pubs par exemple ou des sortes de spectacles avec des marionnettes.

Quel a été ton parcours jusqu’à la création des éditions RE:VOIR en France ?

Au tout début je suis venu en France pour étudier les ordinateurs et le cinéma mais dans l’école où j’étais c’était surtout axé sur des études de la fiction et non de l’image. J’ai donc changé et pris des cours de philosophie, de psycholinguistique, de sémiologie qui étaient portés sur tous les systèmes de signes de la parole et enfin de cinéma expérimental. J’avais pour professeur Christian Metz qui était un grand théoricien de la sémiologie du cinéma mais aussi Raymond Bellour.

Pour un cours de Phillipe Dubois, j’avais réalisé un film en super 8 qui a ensuite été distribué chez Light Cone, par le biais de Yann Beauvais où j’ai commencé à réaliser du bénévolat. C’est à travers cette expérience que j’ai pu rencontrer beaucoup de cinéastes. De retour à Paris j’ai été accepté en stage à L’UGC et j’ai fini par travailler là-bas à mi-temps, dans le service de vidéo qui proposait des VHS. En 1990 Light Cone m’a engagé et je suis resté sept ans chez eux à faire des voyages entre New York et Paris pour voir les cinéastes et ramener des copies qu’on distribuait. . J’avais évoqué l’idée de faire des éditions pour que les films qui passaient dans les salles de cinéma puissent être aussi visionnés chez les gens, c’est comme ça qu’on a monté Light Cone Video avec Yann en 1994 qui proposait des œuvres de Maya Deren, de Patrick Bockanowski et qui mélangeait à la fois classique et contemporain, cinéma français et américain. On a été débordé pendant des années entre les locations et les projections mais la VHS commençait à ne plus intéresser. J’ai changé le nom de la société qui est devenue RE:VOIR, on s’est diversifié en mettant en place de la vente de livres et en 2003 nous sommes passés aux DVD.

Quel est le but de la conception de la film Gallery ?

Fréquemment, le cinéma expérimental n’est considéré officiellement ni comme des arts plastiques, ni comme du cinéma, alors, en explorant d’autres territoires, j’ai cherché à prouver que le cinéma expérimental a sa place partout plutôt que nulle part. Le déclencheur pour la galerie fût l’invitation d’un ami photographe une année à la FIAC. Là-bas on pouvait voir de la peinture, de la sculpture et des vidéos mais pas du tout de films. J’ai pensé qu’il était important de montrer et d’éduquer le public au cinéma expérimental.

En juin 2005 à l’occasion du pavillon lituanien à Venise auquel Jonas Mekas était l’invité, j’ai rencontré par hasard dans le train la directrice de la FIAC Jennifer Flay qui nous a proposé un stand. Pour cela cependant, on devait avoir notre galerie. On a donc fondé la Film Gallery et nous avons commencé à être présents quelques années à la FIAC. Nous  avons mis à la vente des dessins de Jonas Mekas, des photos de Bokanowski, des objets signés ou encore des bobines. C’est ainsi qu’on a pu effectuer des ventes d’œuvres de Peter Kubelka et en 2009 la FIAC nous a laissé à disposition un espace afin d’installer une œuvre de Jonas Mekas composée de seize moniteurs.

Le but de la Film Gallery est de mettre en avant des artistes se situant à la frontière des arts plastiques et du cinéma. Ils travaillent à la fois le médium du cinéma mais créent aussi des liens intéressants avec d’autres domaines. Outre l’ambition de faire découvrir ces artistes, nous présentons aussi des artistes pluridisciplinaires qui ont fortement marqués le monde de l’art dans l’histoire à travers le mouvement Dada dont ont fait partie Hans Richter et Viking Eggeling.

Des projets pour l’avenir de RE:VOIR et de la Film Gallery ?

Oui, on voudrait agrandir la galerie dans un premier temps en louant un local à côté et potentialiser l’espace au maximum, l’animer avec un bar de façon permanente en recréant une ambiance singulière à notre image. De plus on doit toujours s’adapter, comme la VHS qui fût dépassée à l’époque par les DVD, aujourd’hui la côte des DVD est descendante au profit des nouvelles technologies. On veut faire en sorte d’être présents sur les plateformes de streaming comme Apple store et à terme créer notre propre plate-forme coopérative avec une application interactive qui donnerait beaucoup de matière à comprendre et connaître le cinéma expérimental.

La Film Gallery dispose d’un fond d’œuvres qu’on exploite en ce moment. On a plein d’idées de cinéastes pour la galerie qui pourraient intervenir au cours des prochains mois, on lance en ce moment des sorties comme celle de Vivian Ostrovsky , on organise des projections avec notamment le Collectif jeune cinéma et on prépare la très attendue sortie DVD de Holly Fisher en mai avec des événements pour l’occasion.

Léa Michaut

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