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« J’admire l’aisance… », quand un avocat endosse le gilet jaune

Hélène Kuttner 19 décembre 2018
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©Karim C

Que se passe-t-il quand un couple explose lors d’une reconversion professionnelle et que les dégâts collatéraux sont massifs ? C’est le pitch de la subtile et caustique comédie conjugalo-sociale de Jean-Pierre Brouillaud, incarnée par deux comédiens de choc au Studio Hébertot. Savoureux et très en phase avec l’actualité. 

Le choc

François est un avocat d’affaires au chômage depuis la liquidation de son cabinet. Quand Orianne, sa femme apprend par une lettre que sa candidature à la mairie de Paris vient d’être acceptée et qu’il commence le lendemain son travail d’éboueur, elle est sous le choc. Du haut de la pyramide sociale, son mari retombe tout au bas de l’échelle en endossant le gilet jaune de la propreté de Paris. L’universitaire érudite et policée n’en revient pas du tournant décisionnel de son mari et une discussion houleuse, qui dépassera naturellement ce simple fait, prendra l’aspect d’un véritable tsunami conjugal qui vient tout dévaster.

©Karim C

Peinture du couple

La réussite de ce spectacle orchestrée à la mise en scène par Eric Verdin tient tout d’abord à la subtilité du texte de Jean-Pierre Brouillaud. Derrière cette annonce provocatrice, nous observons comme des voyeurs ou des entomologistes un couple qui se fissure à coups de diatribes et d’argumentations, évoquant tour à tour la pression sociale, les tabous, le regard de l’autre, l’évolution des sentiments et des affects et les non-dits. Comme les intermèdes chorégraphiés sur la bande musicale de Xavier Derouin, où les deux époux se frottent l’un à l’autre, puis se repoussent, agressifs ou languissants, séducteurs ou absents , l’auteur observe d’un oeil moqueur la transformation de l’amour et de l’admiration de l’un envers l’autre dans les affres du déclassement social qui joue le rôle d’un perturbateur endocrinien.

Un duel d’acteurs

©Karim C

C’est un véritable duel dansé, échangé à coups de mots durs comme des armes, de phrases ficelées comme des grenades, auquel nous assistons durant ce tango terrible et fort. Les deux comédiens, sans décor, mais tout juste vêtus d’un pantalon noir et d’un tee-shirt blanc, sont tout simplement formidables, agiles et précis, souples comme des acrobates au coeur d’un double salto complexifiant leur vie conjugale tout en révélant deux solitudes. Mathilde Lebrequier, chevelure léonine et visage poupin, affiche l’indiscutable mépris de celle qui sait tout mais qui souffre en silence, face à Renaud Danner, faussement innocent et affreusement malicieux, par qui tout arrive. Une pièce qui percute étrangement le réel.

Hélène Kuttner

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