« Histoire intime d’Elephant Man » : Éloge de la différence
Pour son premier solo théâtral, l’auteur-compositeur-interprète Fantazio nous embarque dans les méandres de son esprit mouvementé.
Une chaise, un bureau, un micro… C’est tout ce qu’il faut à ce merveilleux ovni qu’est Fantazio pour surprendre et interroger son public durant une heure et demie de spectacle. Ses pensées se chevauchent, s’entremêlent ou sont interrompues par des cris, des rythmes et des intervenants (ou plutôt « intravenants ») étrangers. Il n’hésite pas non plus à interagir avec les spectateurs de façon inattendue ce qui ne cesse de surprendre et de maintenir en éveil.
Un spectacle en rupture avec les conventions
Toute la pièce semble dévoiler la machinerie intérieure complètement désorganisée de cet homme assis à son bureau. Ouvrant un à un les tiroirs de sa pensée où se cachent rires, inquiétudes, et réflexions philosophiques, Fantazio ne se confie pas au public, mais se parle à lui-même, comme s’il était seul dans la salle intimiste Roland Topor du Théâtre du Rond-Point.
Le public n’assiste alors plus à une pièce de théâtre, mais plutôt à la création de la pensée elle-même. Grâce à ce format, Fantazio s’autorise une liberté absolue, quitte à embarrasser les spectateurs, voire à les choquer. Son rejet des conventions et sa détente libératrice lui permettent en effet de se défaire des carcans de la société.
Elephant Man, une réflexion sur la différence
Inspiré par le film de David Lynch, Fantazio explore la difformité de l’esprit et s’interroge sur le fait de trouver sa place dans la société lorsque l’on est différent. À travers ses réflexions, valables en tout lieu et tout temps, il fait d’Elephant Man un être universel et intemporel.
En référence à Elephant Man, devenu une bête de foire, Fantazio est exhibé comme un monstre aux comportements étranges et grotesques. Le spectateur endosse ainsi le rôle de voyeur, qui observe, dans la pénombre de la salle, cet homme écrasé par la solitude qui s’amuse de ses propres délires.
Interroger pour guérir
Même si la confusion nous gagne aussi, parfois, nous sommes comme hypnotisés par le rythme, les gestes et les paroles de Fantazio qui tout à coup prennent sens, comme s’ils pénétraient notre inconscient. Derrière l’aspect naïf et désorganisé du discours, le personnage soulève avec humour des questions essentielles telles que la conformité, la place dans la société, le temps qui passe, etc.
Et si, en fait, Fantazio improvisait une thérapie de groupe pour soigner la société de ses maux grâce au rire, à l’introspection et à l’expression de soi ? Un spectacle, certes déroutant, mais qui fait du bien. À prescrire, donc, sans modération !
Clémence Mary
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...