Les plus belles reprises de la rentrée
La rentrée de septembre est toujours un casse-tête pour les amateurs de spectacles qui se demandent quoi voir. En dehors des créations que l’on va découvrir, certains spectacles sont repris en raison de leur succès, dans les théâtre privés comme dans le subventionné. Nous avons sélectionné 6 spectacles à voir ou à revoir en raison de leur qualité et de leur originalité. Il y en a pour tous les goûts.
L’Angoisse du Roi Salomon
Voici un comédien en or, un acteur de théâtre et de cinéma capable de nous embarquer dans le Paris des années 70, avec sons et lumières, un accent de titi parisien ou de Russe émigré, pour nous raconter l’histoire d’un vieux monsieur de 80 ans, qui aime les jolies femmes, et qui serait un grand frère de Romain Gary. On l’aura compris, Bruno Abraham-Kremer que l’on ne présente plus s’est entiché de l’écrivain au Prix Goncourt, et son Roi Salomon, dépeint par un gamin de 20 ans, nous réjouit et nous éblouit par sa générosité et son humanité. Seul sur scène dans un labyrinthe aux toits parisiens bleutés, le conteur s’empare de sa voix suave de la prose de Gary et nous ballade dans un univers de paumés et de starlettes en manque de reconnaissance, c’est plein d’humanité et on est conquis.
Lucernaire jusqu’au 21 octobre, à 19h.
La Machine de Turing
C’est le spectacle qui a fait le buzz au dernier Festival d’Avignon OFF, et curieusement la salle a fait le plein dès le troisième jour. Il y a des mystères que l’on n’explique pas, sauf qu’ici le succès du spectacle, qui n’a cessé de croître tout au long des représentations, tient à des raisons pleinement objectives. Tout d’abord en raison du sujet. Alan Turing est un mathématicien anglais de génie qui inventa le premier ordinateur par ses savants calculs. C’est lui qui réussit à percer l’Enigma allemande, une machine portative de renseignements allemands censée envoyer des messages aux alliés des Nazis. Mais Turing est aussi méconnu du grand public car blacklisté par la Grande Bretagne dans les années 50 et condamné pour son homosexualité. Le comédien Benoît Solès a eu la bonne idée d’écrire une pièce sur ses aventures sous forme de thriller psychologie et scientifique. C’est lui qui incarne Turing de manière hallucinante, face à un jeune acteur qui joue tous les rôles. Il est prodigieux de vérité et d’énergie. A réserver de toute urgence.
Théâtre Michel à partir du 4 octobre, à 21h.
Au début
Quatre femmes, un homme nous parlent de leur vie et de leur désir d’enfant. Les monologues se croisent, les personnages se confient, s’écoutent, se répondent, nous interpellent, de la manière la plus fine possible, dans une langue ciselée qui est celle d’un écrivain d’aujourd’hui, François Bégaudeau. Rachel Arditi incarne la piquante trentenaire qui s’en fiche mais qui tente de respecter tant bien que mal le désir de son conjoint, Nathalie Cerda la vieille fille qu’on a toujours traitée de « moche » au collège, Marie Ruggeri la retraitée qui n’a pas eu le temps de penser à elle et Eric Savin le citadin prêt à vivre une révélation planétaire. Ces monologues sont inspirés, en partie, de témoignages réels, mais l’auteur en a fait des récits passionnants, pleins d’humour et d’auto-dérision. Les comédiens sont installés dans un joli décor aux couleurs douces, tout rond. Et la mise en scène de Panchika Velez, comme toujours, magnifie les textes et a cuisiné ses comédiens aux petits oignons. Un petit délice.
Petit-Montparnasse, 21h.
La reprise. Histoire(s) du théâtre (I)
C’est l’un des plus forts spectacles du Festival d’Avignon que celui du Suisse Milo Rau. Habitué avec son collectif du Théâtre de Gand en Belgique à traiter des questions du réel avec un minimum d’artifices, il a réuni ici trois comédiens professionnels, dont le grand acteur Johan Leysen, et trois amateurs pour évoquer un fait divers tragique, le meurtre gratuit d’Ihsane Jarfi, jeune homme qui sortait d’un bar « gay » de Liège et qui fut tabassé par deux chômeurs alcoolisés. Loin de reproduire de manière documentaire et trash la scène et le procès, les comédiens s’emparent du plateau nu pour interroger le rôle du théâtre , celui de nous, spectateurs, et celui des acteurs professionnels. Que dire aujourd’hui, que raconter quand tout est déjà filmé, dit, digéré ? Comment revenir sur certains traumatismes que l’actualité avale sans peine ? C’est à un véritable épisode de tragédie grecque, sans cesse recadré par de l’humour et du décalage, que nous convie le collectif autour d’un magnifique moment d’humanité, d’une intimité bouleversante. Des scènes d’une sobriété et d’une intensité magnifique pour nous dire le monde.
Nanterre Amandiers avec le Festival d’Automne, du 22 septembre au 5 octobre, horaires variables.
12 Hommes en colère
Reprise du chef-d’œuvre de Reginald Rose, adapté par Francis Lombrail dans la mise en scène de Charles Tordjman, et qui fut porté à l’écran dans les années 1950 par Sydney Lumet. Douze hommes forment un jury qui va peut-être envoyer un condamné à la chaise électrique. Les faits sont relatés par différents témoins, mais on apprend progressivement qu’ils ne concordent pas. Les jurés, d’âge et de profession différentes, semblent au début tous persuadés de la culpabilité du condamné et expédient l’affaire pour s’en débarrasser. L’un des jurés, plus circonspect, doute de cette évidence et commence à apporter des éléments contradictoires. Le débat est lancé, les injures et la colère grondent, les tempéraments de chacun se lâchent sans retenue et explosent. La pièce est formidablement adaptée et interprétée par des acteurs subtilement dirigés. C’est un bonheur, une leçon de vie de les voir évoluer, s’exprimer sur la vie d’un être humain avec leurs différents points de vue. Le spectacle, l’un des rares reprises parisiennes de la saison dernière, prouve que la pièce est de grande qualité et que l’adaptation aussi.
Théâtre Hébertot à partir du 4 octobre, 19h.
Ich Bin Charlotte
Voici encore un spectacle qui eut un beau succès cet été, et qui est repris, c’est mérité, à Paris. Le jeune comédien Thierry Lopez est Charlotte von Mahlsdorf, une femme sulfureuse, excentrique et follement libre née dans un corps d’homme, qui refusa le sort infligé au garçon qu’elle fut d’entrer dans les jeunesses hitlériennes. Pour conjurer le sort, pour contrer le courant infernal de l’histoire qui fit basculer l’Allemagne dans l’horreur nazie puis dans la partition communiste de Berlin Est, Lothar Berfelde a passé sa vie sous des habits de femme, volets clos et collectionnant des meubles, des horloges et bibelots de valeur, sa passion. Ce travesti esthète, généreux et qui passa une partie de sa vie à aider les artistes dissidents, Thierry Lopez, dirigé par Steve Suissa, l’incarne élégamment, bas de résille noire et talons hauts, à l’aise dans son musée que constitue un décor de meubles d’acajou. La performance, généreuse, audacieuse et assez virtuose, vaut le détour et nous plonge dans un univers méconnu, celui hanté par les résistants, les dissidents. L’adaptation du best seller de l’Américain Doug Wright est signé Marianne Groves.
Théâtre de Poche Montparnasse, à 21h
Hélène Kuttner
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