La danse au Festival d’Avignon 2018
Avec Rocío Molina, Emanuel Gat et Raimund Hoghe, trois chorégraphes des plus avisés réservent au Festival d’Avignon 2018 les premières mondiales de leurs nouvelles créations. Avec Sasha Waltz, Jan Martens, Phia Ménard, François Chaignaud et Mickaël Phelippeau, d’autres écritures radicales ponctuent cette édition.
La danse n’est pas au centre de cette 72e édition, mais chaque pièce invitée au Festival d’Avignon vaut le détour. Il y a des valeurs sûres et des trublions, des adeptes d’une écriture chorégraphique complexe et mouvementée (Emanuel Gat, Sasha Waltz), des adeptes de la déconstruction, parfois humoristique (Martens) et parfois caustique (Ménard, Chaignaud) et d’autres qui pratiquent l’art du portrait et partagent leurs émotions (Hoghe, Phelippeau) et partent de la musique avant tout (Molina, Hoghe, Gat). Certains sont ici également proches des arts plastiques (Ménard, Waltz).
6-10 juillet : Rocío Molina
Elle est la Pasionaria et la révolutionnaire féministe du flamenco. Pourtant, les femmes s’y sont toujours affirmées, bien plus que dans le ballet, par exemple. Mais Molina fait de son identité de femme le sujet de sa nouvelle pièce. Désirer être mère alors qu’elle aime les femmes. Elle place ainsi le flamenco au cœur des enjeux de la cité. Et sa mère l’accompagne, sur scène, pour un duo familial sous l’égide d’une chanteuse, complices et accompagnées d’un quatuor de musiciens. Tout amateur de flamenco qui connaît l’irrévérence et la passion de Molina salive déjà à l’idée de ce « Grito Pelao ».
-> Cour du lycée Saint-Joseph, 22h
7-14 juillet : Sasha Waltz et François Chaignaud
Cheffe de file de chorégraphes berlinois, un temps codirectrice de la Schaubühne avec Thomas Ostermeier et aujourd’hui directrice de son propre lieu, cette exploratrice des possibilités du corps humain s’est associée à la styliste Iris van Herpen, fortement impliquée dans la révolution technologique de nos habitudes vestimentaires. Les costumes de « Kreatur » sont de véritables sculptures qui protègent, cachent et révèlent le corps. Voilà donc l’association danse et fashion du moment !
-> Opéra Confluence, 18h
On peut enchaîner, dans la même soirée, avec « Romances inciertos, un autre Orlando » de François Chaignaud (chorégraphie et interprétation) et Nino Laisné (mise en scène, direction musicale), porté par quatre musiciens (bandonéon, théorbe/guitare baroque, violes de gambe, percussions). Les explorations trans-genre de cet artiste libre-penseur et figure phare du renouvellement de la scène artistique remettent constamment en cause nos conceptions du genre et du spectacle. On y croise « Doncella Guerrera, figure médiévale qui nous emmène sur les traces d’une jeune fille partie à la guerre sous les traits d’un homme, le San Miguel de Federico Garcia Lorca, archange voluptueux et objet de dévotion, et la Tarara, gitane andalouse, mystique, séductrice, portant le secret de son androgynie. » De quoi revoir « Grito Pelao » de Rocío Molina sous un autre angle.
-> Cloître des Célestins, 22h
Du 14 au 17 juillet : Ali Chahrour
Chorégraphe libanais hautement intéressant, Ali Chahrour place ici les rituels chiites sous un regard contemporain, dans un requiem tumultueux autour des douleurs et mythes de la société arabe. Où une mère doit supporter la mort de son propre fils, où la prestation de Chahrour dans ce rôle est tout simplement bouleversante. Dans l’hémisphère arabe, la nudité partielle de la pleureuse pourrait choquer. Elle génère cependant une force symbolique et scénique qui se transforme en signe de rébellion et de lutte. Quand Chahrour met en scène cette proposition de nouveau rituel, l’acuité et la précision de sa démarche incarnent le respect et la profondeur des racines.
-> Théâtre Benoït-XII, 15h
17 au 19 et 22 au 24 juillet : Raimund Hoghe
D’abord une reprise, ensuite une création mondiale: Les adeptes de l’ancien dramaturge de Pina Bausch ne manqueront à aucun des deux rendez-vous. « 36, avenue Georges Mandel » est son magnifique hommage, ultra-sensible et émouvant de bout en bout, à Maria Callas. Car pour Hoghe, grand mélomane romantique, vénère la musique tant qu’elle est porteuse d’émotions.
-> Cloître des Célestins, 21h30 (17 au 19)
On retrouve la veine de cet ancien journaliste et dramaturge de Pina Bauch, dans sa nouvelle création mondiale: « Canzone per Ornella ». Où il rend hommage à Ornella Balestra, son interprète phare féminine qui a irradié ses plus grandes créations grand format. Il n’y a que la nébuleuse d’artistes chorégraphiques et théâtraux autour de Hoghe pour donner une image d’ensemble comme elle s’est créée autour de Pina Bausch, à Wuppertal, dans la mise en valeur totale de chaque personnalité d’interprète.
-> Cloître des Célestins, 21h30 (22 au 24)
17 au 24 juillet : Phia Ménard
Phia Ménard vient du jonglage et créé des spectacles très engagés, dans lesquels résonnent toujours les désarrois d’un homme qui se vivait en femme, et qui en faisait le mobile et le sujet de ses créations, jusqu’à sa transition physique vers le féminin. Ce point de vue très aiguisé sur le monde s’exprime aussi dans « Saison Sèche », où huit femmes mettent en question l’ordre du monde patriarcal et les normes du spectacle vivant. Mais aussi nos représentations du féminin et du masculin. Car Phia Ménard n’a pas froid aux yeux et ne cherche pas le compromis facile.
L’Autre Scène, Vedène, 18h
19 au 23 juillet : Emanuel Gat & Ensemble Modern
Emanuel Gat étudiait la musique en son Israël natal et voulait devenir chef d’orchestre, avant de commence à danser dans la compagnie de Liat Dror et Nir Ben Gal, grande pépinière de la danse contemporaine en Israël. Dans « Story Water » il travaille pour la première fois avec un chef d’orchestre et un ensemble de musiciens, ceux de l’Ensemble Modern de Francfort, pionniers du spectacle scénique musical. Sur les partitions très physiques de « Dérive 2 » de Pierre Boulez et « Fury II » de Rebecca Saunders, les danseurs déclenchent leurs propres tempêtes, avant de se détendre sur des musiques et danses traditionnelles, remixées par Gat et les musiciens.
Cour d’Honneur du Palais des Papes, 22h
21 au 24 juillet : Jan Martens & Mickaël Phelippeau
« Ode to the attempt » est le solo fondateur du Belge Jan Martens. Il y interroge, avec beaucoup d’autodérision, son travail et celui de tous les chorégraphes qui essayent de créer une œuvre. Depuis cet autoportrait caustique, il a fait une carrière fulgurante. Mickaël Phelippeau a choisi la couleur jaune citron comme son emblème et navigue entre un travail chorégraphique, photographique et performatif. Dans « Ben & Luc », il travaille avec deux danseurs venant de Ouagadougou qui témoignent chorégraphiquement de leur vie, de leur travail et de leurs relations humaines. Les deux spectacles sont programmés en alternance et vont ici se refléter l’un dans l’autre.
CDCN Les Hivernales, 18h30
Thomas Hahn
Articles liés
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...
“Les Imitatueurs” à retrouver au Théâtre des Deux Ânes
Tout le monde en prend pour son grade, à commencer par le couple Macron dans un sketch désormais culte, sans oublier Mélenchon, Le Pen, les médias (Laurent Ruquier & Léa Salamé, CNews…), le cinéma, la chanson française (Goldman, Sanson,...
La danseuse étoile Marie-Agnès Gillot dans “For Gods Only” au Théâtre du Rond Point
Le chorégraphe Olivier Dubois répond une nouvelle fois à l’appel du Sacre. Après l’opus conçu pour Germaine Acogny en 2014, il poursuit, avec For Gods Only, sa collection de Sacre(s) du printemps qu’il confie cette fois-ci à la danseuse...