Pascal Pilorget – Rencontre avec un créateur de concerts
Fondateur et directeur de GiantSteps, Pascal Pilorget est tourneur pour des artistes tel que Hugh Coltman, Tigran Hamasyan ou encore Knower. Il organise le London Jazz Calling festival à La Maroquinerie ainsi que les soirées Jazz Pulse aux Trois Baudets. Passionné par cette musique sincère, il nous éclaire ici sur le quotidien d’un bookeur de Jazzmen, les accompagnant sur leurs concerts, tournées et popularité.
Quelques mots sur tes débuts ?
J’ai commencé en me faisant embaucher par un mec un peu bizarre qui hébergeait un musicien dans ses locaux, il avait une boite d’informatique et il m’a proposé d’être l’agent de cet artiste. J’ai rencontré des musiciens et co-produit l’album de Tony Rabeson que j’ai mis en distrib chez le label Nocturne. Le directeur du label m’a proposé de continuer en tant qu’agent, tout en trouvant des concerts. Il m’a filé le numéro de quelques artistes comme Pierrick Pédron, ou le contrebassiste Jacques Vidal. Ça a marché donc on m’a donné d’autres projets et tout s’est construit comme ça au fur et à mesure.
Jusqu’à ce que tu montes ta boite ?
Oui ça c’était en 2001, puis j’ai un peu trainé dans un squat à Vincennes qui s’appelait le Vibe, et j’ai monté GiantSteps association en 2004 pour avoir un support administratif. Je me suis rapidement rendu compte qu’il y avait des problèmes avec ce type de structure donc j’ai lancé la SARL en 2007.
Comment tu définirais le métier de tourneur ?
C’est un métier qui consiste à faire un réseau et ensuite utiliser ce réseau pour transmettre une information ! On se situe entre l’offre qui est l’artiste et la demande qui est la salle, le festival… la force d’un tourneur c’est d’avoir un réseau conséquent qui puisse t’écouter, te faire confiance et qui prenne le risque de faire les projets avec toi.
Ce que tu aimes le plus dans ce métier ?
C’est de participer à l’éclosion et au développement des projets artistiques. Les rencontres avec les artistes, parce qu’on en fait des très belles. Monter dans le même bateau qu’eux pendant quelques années pour les aider à rencontrer leur public. Quand tu organises un concert et qu’à la fin du set l’artiste est content parce qu’il avait une salle pleine devant lui et que le public ressort avec des étoiles pleins les yeux en te disant que c’était un super concert, tu te dis que tu as participé à mettre ces gens en relation et ça c’est sympa.
Et éventuellement, le moins ?
C’est un métier frustrant, parce qu’on aimerait toujours faire plus, toujours faire mieux et c’est un métier ingrat. Quand ça marche ce n’est jamais grâce à toi mais quand ça foire c’est toujours de ta faute (Rires)
Faut pouvoir gérer ça, en même temps ça me va bien ce métier de l’ombre ou tu es toujours un peu en retrait, tu n’es pas sous le feu des projecteurs mais tu sais à quoi tu as servi.
Il y a un manque parfois de reconnaissance pour ce métier qui reste méconnu des artistes et des organisateurs. Quand les artistes continuent de croire que les producteurs fument des gros cigares, roulent en Porsche et vont au Golf tous les jours à 15h, c’est tellement loin de notre réalité et de notre quotidien que c’est un peu minant.
Et pareil pour des organisateurs qui pensent que tu es juste là pour prendre un pourcentage et gratter sur le dos du truc alors que notre métier va bien au-delà ça, c’est un peu dommage.
Une question autour de cette musique que tu aimes, quelle est la place actuelle du jazz sur la scène internationale ?
Il y a un vrai renouvellement de génération et d’esthétique qui ne s’était pas passé depuis une bonne trentaine d’année je dirais dans ce métier. Il y a un côté super excitant de voir des jeunes, des moins de 60 ans s’intéresser à cette musique, être curieux d’une certaine forme de qualité, de cette philosophie. Parce que le jazz est une philosophie, c’est une manière de concevoir la musique, tournée autour de l’improvisation, l’échange entre les musiciens. Il y une forme de discussion, d’instantané qui est très intéressant.
Aujourd’hui le jazz est plus un état d‘esprit qu’une étiquette. L’important est de faire passer une émotion à travers une certaine conception de la musique, vivre l’instant. Wayne Shorter nous parle du jazz en disant « I Dare You », Est ce que tu vas oser ? Et je trouve que c’est une très belle définition, le jazz c’est se jeter dans le vide, ne pas savoir ce que ton pote va jouer. Le jazz est revenu au centre d’une certaine inspiration, des artistes majeurs revendiquent aujourd’hui le jazz comme une influence, ce qui n’était pas forcément le cas il y a quinze ans.
Maximilien Girault
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