0 Shares 2252 Views

“Les Créanciers”, quand l’amour réclame ses intérêts

©Brigitte Enguérand

Dans un décor au design scandinave, Anne Kessler met en scène un trio d’amoureux frustrés par le manque de reconnaissance féminine. Un boulevard psychologique tournant autour du désir pointu comme la lame d’un couteau suisse, mais qu’on aurait souhaité bien plus sulfureux.

L’amour donnant, donnant

© Brigitte Enguérand

Mais qui est-il donc ce vieux monsieur à l’air si infatué qu’il semble déclamer un cours de médecine psychanalytique à un autre qui semble avoir vingt ans de moins que lui ? Didier Sandre incarne Gustaf, costume de lin blanc cassé et petites lunettes d’intellectuel, au rictus coincé par le sérieux de la théorie et du dogme. Ami ou confident, Gustav semble vouloir réconforter son ami Adolf, joué par Sébastien Pouderoux, peignoir négligemment porté sur un corps bien bâti, peintre dépressif passé à la sculpture, dépassé par une épouse volage. Strindberg, féroce peintre du couple à la fin du XIXe siècle et de ses propres histoires conjugales, concentre en ce trio une description acide de la libération de la femme, bourgeoise nordique plutôt indépendante, et des dégâts que cela crée chez les hommes encore trop attachés à leur amour-propre.

Tekla, pièce maîtresse d’un jeu d’échecs fatal

© Brigitte Enguérand

Adeline d’Hermy est Tekla, jeune femme aux jambes dénudées et short à la mode, fraîche et perfide à souhait. Dans cette mise en scène trop statique pour les garçons, elle virevolte comme Brigitte Bardot dans Le Mépris de Godard, la moue câline et l’œil de biche. C’est qu’on lui reproche son ingratitude, son manque de reconnaissance, son âme de prédatrice qui laisse les hommes sans vie, dépossédés de leurs attributs. Badine, coquette, elle se laisse aimer par son mari qui l’idolâtre, tandis que le vieil ami, en fait son ancien époux, le monte contre elle qu’il démonte en douce avec un machiavélisme cruel. Et c’est bien le problème de ce spectacle trop sage, que l’on voudrait beaucoup plus âpre, plus dangereux, à la hauteur des dialogues d’une cruauté terrible. Strindberg est un auteur sulfureux, qui adore dépeindre les trahisons et les abandons, sans pitié ni compassion, avec une brutalité très moderne. Une perversité plus spectaculaire.

Hélène Kuttner

Articles liés

Nick Cave offre une grand messe jubilatoire à l’Accor Arena de Paris
Musique
283 vues

Nick Cave offre une grand messe jubilatoire à l’Accor Arena de Paris

Il existe des artistes inclassables, totalement hors normes, et Nick Cave appartient à cette catégorie. Après un passage remarqué à Rock en Seine en 2022, il est revenu à Paris ce 17 novembre 2024. Sa voix de velours, de...

Un week-end à l’Est… en plein Paris ! Édition 2024
Art
193 vues

Un week-end à l’Est… en plein Paris ! Édition 2024

Célébrant les cultures de certains pays d’Asie et d’Orient pour la huitième fois d’affilée, le festival Un week-end à l’Est a décidé de mettre à l’honneur cette année, Erevan, mais plus généralement, l’Arménie. A l’instar donc des éditions précédentes,...

“Travelling song”, le concert de musique de la Renaissance au Temple de Port-Royal
Agenda
87 vues

“Travelling song”, le concert de musique de la Renaissance au Temple de Port-Royal

Avec « Traveling Songs », nous proposons un voyage musical à travers l’Europe de la Renaissance, autour de pièces très célèbres de la fin du XVe siècle au début du XVIIe siècle, dont les mélodies ont été reprises et...