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The Prisoner, fable lumineuse signée Peter Brook

Hélène Kuttner 9 mars 2018
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©Simon Annand

À 92 ans, le maître mondial de la mise en scène revient dans son beau théâtre des Bouffes du Nord pour raconter l’histoire d’un meurtrier, condamné à vivre mentalement son sentiment d’emprisonnement. Les jeunes acteurs, la scénographie magique, tout invite au rêve, à la réflexion et à la spiritualité. Un moment de partage intense, de rêverie et de sagesse.

En quête de rédemption

©Simon Annand

Les voyages à travers le monde, le frottement aux autres cultures et autres terres bruissent d’histoires, de légendes, d’anecdotes qui peuvent nous percuter de plein fouet. À 92 ans, Peter Brook, grand voyageur, n’a plus rien à prouver, Le Mahabharata est derrière lui (1985). Alors, dans cet « espace vide » qu’il affectionne, c’est le titre d’un de ses plus beaux livres, un narrateur va nous servir de guide et nous conter à l’oreille, en anglais, sa rencontre avec un homme particulier. Seules quelques branches d’arbres secs sont là pour signifier une porte ou un mur. Les lumières de Philippe Vialatte baignent l’espace d’un pays du sud de l’équateur dont les vieux murs rouges dessinent les montagnes.

Le mystère d’un conte africain

©Simon Annand

Il s’agit d’un jeune homme qui a tué son père parce que ce dernier couchait avec sa fille depuis la mort de sa femme. Le meurtrier, lui-même épris de sa sœur, n’a pas supporté cette relation incestueuse, alors que lui-même tue par amour et par jalousie. L’oncle intervient alors en juge suprême et parvient à infliger à son neveu une peine à l’extérieur de la prison, face à elle, avec le fardeau de sa propre solitude, le poids de sa dette et de sa culpabilité pour réparer son parricide. Le jeune acteur sri-lankais Hiran Abeysekera, qui incarne le prisonnier, est prodigieux de vivacité et de charme, d’innocence et d’ambiguïté animale, corps élastique et grands yeux noirs qui scrutent l’auditoire.

À chacun sa vérité

©Simon Annand

Pas question pour Brook et Marie-Hélène Estienne, sa fidèle complice qui cosigne le spectacle, de mettre en évidence une morale simpliste. Chacun a ses raisons et sa vérité, et nous sommes tous les prisonniers de nos propres vérités que nous érigeons en tours d’ivoire. Et au milieu de ce groupe d’hommes, où seule la sœur, victime consentante malgré elle pour combler le manque de féminité et de tendresse, décide de partir faire ses études à l’étranger, chacun s’arrange avec sa propre morale, ses propres émotions. Qu’est-ce que finalement la prison des hommes ? Est-ce le vieux bâtiment qui sera finalement détruit ? Ou est-ce nous-mêmes, spectateurs de cette histoire, assis en rond autour du héros qui jette sur nous des regards terribles ? Le narrateur ne nous donnera aucune réponse, mais laissera en nos cœurs de troublantes questions, qui restent en suspens.

Hélène Kuttner

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