« Heroe(s) » ou les lanceurs d’alerte
Trois metteurs en scène s’interrogent sur l’état de la France en tenant un journal de bord théâtral. Jouant leur propre rôle sur le plateau, ils feignent d’improviser au fil de l’actualité et inventent quasi en direct une réflexion politique. C’est épidermique, vif, jeune et insoumis.
Ce trio inventif et dynamique jongle en créateurs à fleur de peau avec les secousses et les drames de notre société : les attentats, les élections, l’état d’urgence, l’évasion fiscale…. Sur scène ils incarnent ce qu’ils sont, c’est-à-dire trois jeunes hommes metteurs en scène-comédiens qui s’emparent de la parole théâtrale pour tisser avec le public une prise de conscience responsable. Les informations multiples tombent ; sur un écran défilent des propos de personnalités diverses telles que l’informaticien Snowden ou le journaliste Denis Robert. Puis on réécoute, diffusées en archives sonores, les discours de François Hollande, les interviews de Manuel Valls, les interventions de Boris Cyrulnik et les émissions de Léa Salamé. Le rythme est rapide, entrecoupé de ces allocutions diverses auxquelles les trois protagonistes réagissent. Ils saisissent la balle au bond, ils écrivent frénétiquement des mots clés ou des slogans sur des tableaux sur le pourtour de la scène et leurs messages s’additionnent à la craie au fil du spectacle. Comme piqués au vif par ces emballements médiatiques, ils s’en font les interprètes et les décrypteurs.
Puis tombe soudain l’affaire des Panama Papers et ce scandale vient structurer l’ensemble. Les lanceurs d’alerte se profilent alors en héros des temps modernes, menacés et rejetés par le pouvoir, amenés à vivre cachés pour éviter l’emprisonnement, héros mal vus par un pan de la démocratie qu’ils tentent pourtant de clarifier. Les trois compères qui se définissent en un trio rappelant les Pieds Nickelés ont accumulé des informations durant deux ans. « Le canevas du spectacle, c’est notre histoire à nous trois », expliquent-ils. « Rester réactif à l’actualité tout en gardant un certain recul demande de s’adapter en permanence, de se remettre en question, d’adapter la dramaturgie.» Ils ont longuement enquêté, ils ont rencontré des journalistes et ont choisi de mêler leurs émotions intimes à leurs avancées dans le travail.
Dans cet écheveau collectif teinté de bric-à-brac artisanal, le public se prend au jeu. Il semble en permanence qu’une information peut tomber et réorienter le spectacle différemment. L’expérience est donc une aventure, les comédiens se font citoyens en dialogue avec la salle et cette volonté affirmée entraine le public particulièrement jeune dans un bouillonnement original quoiqu’hasardeux, l’intervention de la réalité par les extraits sonores attisant les réflexions.
Emilie Darlier-Bournat
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