Le festival des Nuits de l’Alligator 2018 : entretien avec Stéphane Deschamps
Créé en 2006 par la Maroquinerie, le festival des Nuits de l’Alligator lancera sa 13e édition dès le 30 janvier 2018, dans 11 villes françaises, pour célébrer à nouveau les talents émergents du blues. Rencontre avec Stéphane Deschamps, programmateur et journaliste aux Inrockuptibles.
Quel a été votre parcours et comment êtes-vous arrivé aux Inrockuptibles, en tant que responsable de la rubrique « Musiques » ?
J’ai fait une école de journalisme, l’IUT de Tours en 1989 et 1990, où est aussi passé Jean-Daniel Beauvallet, un des fondateurs des Inrocks et responsable de la rubrique « Musiques ». Cela m’a permis de faire mes stages de fin d’étude dans ce magazine. J’ai eu l’occasion de faire une chronique qui leur a plu et qu’ils ont publiée. Ils m’ont ensuite embauché en tant que pigiste, jusqu’à la fin des années 1990, avant de me salarier.
Quel est le lien entre vous, et donc par conséquent les Inrockuptibles, et le festival des Nuits de l’Alligator ?
Les Inrocks sont seulement partenaires du festival. Les Nuits de l’Alligator sont vraiment un projet personnel que je co-organise avec Jean-Christophe Aplincourt et Xavier Decleire. On a lancé ça ensemble, en suivant l’idée de départ d’Olivier Poubelle, directeur de la Maroquinerie (entre autres), qui voulait associer la salle de concert à un festival afin de l’identifier un peu plus. Je connaissais Jean-Christophe, qui lui connaissait Xavier, et on s’est retrouvé tous les trois programmateurs du festival.
Par ailleurs, pouvez-vous me raconter l’histoire, derrière le lancement de ce festival ?
La Maroquinerie alignait des concerts dans des styles différents, sans vraiment avoir une identité forte. En termes d’image, Olivier Poubelle souhaitait associer la salle à un festival de blues. On a donc voulu créer un festival qui ne ressemble à aucun autre, un peu déviant et underground, basé sur nos goûts musicaux plus que simplement lié à un style musical.
En quoi se différencie-t-il des autres festivals, autant des festivals de blues comme le Festival Au fil des voix ou le Festival Blues autour du Zinc, que des festivals tremplins tels que le MaMA Festival & Convention ou encore le Fair Festival ?
Premièrement, le festival des Nuits de l’Alligator est un festival itinérant, avec des dates à Paris mais pas seulement. Il y a des années où le festival s’est rendu dans 25 villes de France au total, notamment grâce au réseau de Jean-Christophe qui connait plusieurs directeurs de salles dans tout le pays. En tant que programmateurs, on initie une programmation, que l’on propose ensuite à des salles. Celles-ci réservent un ou deux plateaux sur la période donnée afin de créer une Nuit de l’Alligator dans leur ville.
Voilà en quoi réside l’originalité de ce festival ! En effet, il n’existe pas beaucoup de festivals itinérants en France, hormis le festival des Femmes s’en mêlent, ou le Generiq Festival qui, lui, est plus centré sur l’est du pays. On veut vraiment préserver cette esthétique (défricheur et restricteur), en ne recherchant pas des têtes d’affiche, ni de grandes salles. On travaille avec un petit budget et surtout sur des coups de cœur.
À la programmation, vous êtes donc aux côtés de Xavier Decleire (programmateur de la Maroquinerie) et Jean-Christophe Aplincourt (directeur de la salle LE 106 à Rouen). Comment vous organisez-vous ?
On se partage le travail. Moi je m’occupe de l’artistique. Je propose une première liste d’artistes au début de l’été, liste qui s’affine au fur et à mesure. En général, cela prend du temps, car on est dépendant des tourneurs et du petit budget dont on dispose. Xavier s’occupe de l’administratif et de la production. Jean-Christophe est en charge de l’organisation des tournées avec toutes les salles.
Comment découvrez-vous les artistes ? Et en quoi représentent-ils le festival ?
Toute l’année, mon travail pour les Inrocks consiste à découvrir des artistes sur Internet, sur Soundcloud ou Youtube, par exemple, et à assister à des concerts, promus par des tourneurs ou des sorties de disques. Dès que je repère un groupe qui me semble intéressant pour les Nuits de l’Alligator, je me le note quelque part. En général, des artistes inédits sur scène. D’ailleurs, souvent les groupes n’ont jamais joué en France.
Et puis, il arrive parfois que l’on fasse jouer des artistes deux années de suite : la première fois, c’est pour la découverte, et la deuxième fois c’est parce que nos coups de cœur se sont affirmés l’année suivante. D’une certaine façon, ces artistes participent à l’identité du festival. Et nous, on leur garantit une promotion conséquente avec dossier presse et communication presse écrite, radio, web et parfois télévision. On leur sert de tremplin et on est reconnu pour cela.
En 2018, vous fêterez la 13e édition du festival. Comment ce festival a-t-il évolué depuis sa création ? Quel est son avenir, selon vous ?
On a justement essayé de ne pas le faire trop évoluer. Déjà, nous ne sommes que trois programmateurs, avec un travail à côté et donc très occupés. Il n’y a pas de salariés à plein temps sur le festival. Ensuite, le but est de rester dans des petites salles. En régions, les salles varient d’une année à l’autre. À Paris, on ne veut pas se développer jusqu’à produire des concerts à la Cigale ou au Bataclan. D’ailleurs, la Maroquinerie est une salle parfaite pour le genre du blues. De plus, chaque année on arrive à quasiment remplir cette salle avec des groupes totalement inconnus. On souhaiterait donc rester dans cette dynamique, avec budget et modèle économique comparables. Il n’y a pas d’objectif de croissance, en fait. C’est ce qui rend ce festival unique.
Propos recueillis par Antoine Ruiz
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