“Chasing Rainbows” de Josh Sperling – Galerie Perrotin
La galerie Perrotin est heureuse de présenter « Chasing Rainbows », la première exposition de Josh Sperling en ses murs. Elle réunira un nombre important de nouvelles œuvres signées de l’artiste newyorkais : les « composites » — ou toiles découpées et panneaux contre-plaqués —, une série de reliefs sur toiles monochromes et une installation de grande envergure.
Les ensembles de formes dynamiques aux couleurs vives créés par Sperling brouillent les frontières entre la peinture et la sculpture, l’image et l’objet. Chaque toile découpée est cependant bien distincte et s’appuie sur d’autres formes pour apporter cohérence et énergie à l’ensemble. Quoique souvent asymétrique et fortuitement de travers, chaque amas séduit toujours par son surprenant agencement. Dans Poppycock (2017), trois ovales se disputent le premier plan au centre de la composition, faisant des allers-retours avant de ne plus former qu’une pile de fortune. Un arc marron les soutient, les berce et les apaise. Ces formes sinueuses — « gribouillis » — apparaissent sur l’ensemble des créations de l’artiste et agissent, tour à tour, comme des instigateurs et des amortisseurs du mouvement : tel est le maelström de formes qui caractérise les œuvres de Sperling. Pour réaliser un simple «gribouillis », les planches de contre-plaqué sont posées les unes sur les autres, faisant l’effet d’un modèle topographique. Elles sont ensuite recouvertes de toile, puis habillées des couleurs signatures de l’artiste, saturées et parfois dissonantes. Les arêtes de l’armature en bois sont visibles à travers la toile, ajoutant un contraste sculptural à l’engouement de Sperling pour la planéité – celui de la couleur et de la forme.
Dans Lovey Dovey (2017), un trident bleu éclipse un globe rose. Le chevauchement crée une marbrure dans les deux tons. La collision de la forme et de la couleur, force contre force, est si intense que la surface s’effondre et les coloris s’entremêlent. Au-dessus de cette éclipse de formes, une simple courbe s’arque tel un sourcil exprimant l’inquiétude ou un croissant de lune présidant la collision, et encadre l’évènement. Des points, un rouge et un blanc, font office de ponctuation. Ils sont les seules formes apparemment stables dans un paysage de formes, de couleurs et de relations, à l’inverse très fluctuant. Tout frise l’équilibre, suspendu de façon instable avant de chuter et de réapparaître dans une nouvelle configuration. Le mouvement
semble imminent.
Les influences de Sperling sont multiples. Frank Stella et ses toiles découpées sont de parfaits prédécesseurs de ces supports minutieusement confectionnés sur lesquels Josh Sperling tend ses toiles. En cela, il ressemble à un autre abstractionniste américain, Ellsworth Kelly, dont les formes signatures à bordures ont pris une apparence quasi-sculpturale dans ses dernières œuvres : elles sont passées de sujet à objet, imposant leurs contours et leurs projections dans l’espace. Sperling prend la relève là où ses prédécesseurs se sont arrêtés, en associant les problématiques de la peinture – couleur et composition – au potentiel spatial de la sculpture. Là où les formes de Kelly et Stella sont résolument abruptes, celles de Sperling sont sinueuses et surprenantes.
Parmi ses influences, l’artiste cite la signalétique «Googie », la tendance graphique exubérante des années cinquante – astérisques et boomerangs à la Jetsons. Les formes de Sperling véhiculent une élévation des sentiments comparable tant en termes de couleurs que de contours.
Également dans sa lignée esthétique se trouve la tendance déco éphémère du style Memphis des années quatre-vingt (Sperling est né en 1984.) La philosophie du style postmoderne Memphis désavouait « le bon goût » et faisait la part belle aux formes improbables ainsi qu’aux couleurs outrancières. Josh Sperling est autant imprégné de design que d’histoire de l’art, et il s’inspire des deux. Des sources plus canoniques telles que les reliefs muraux en forme de rein signés Jean Arp, par exemple, ou les lignes en mouvement qui entourent les silhouettes de Keith Haring, trouvent également leur écho dans le vocabulaire des formes de Sperling.
La diversité des associations – pop culture et histoire de l’art – est tout à l’honneur de l’artiste : Josh Sperling a la capacité de rassembler un grand nombre de références très diverses, avec aisance et dextérité, pour en faire une œuvre unique et totale. Il sait faire preuve de révérence, sans pour autant renoncer à l’originalité et à l’énergie. Et les œuvres de cette exposition ne font pas exception : elles mêlent audacieusement peinture et sculpture, jaillissant du mur pour pénétrer joyeusement dans l’espace.
Danny Kopel
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...