“Jusque dans vos bras” pour rire de tout
Irrévérencieux par nature, Les Chiens de Navarre qui œuvrent depuis une dizaine d’années reviennent avec Jusque dans vos bras. Iconoclaste, la bande menée par Jean-Christophe Meurisse prend l’actualité à bras-le-corps pour déchaîner un rire cathartique. Idéal pour se purger de tous les miasmes de la société.
D’emblée, l’outrage est au programme : un cercueil recouvert du drapeau tricolore ouvre le spectacle sur une Marseillaise qui vire à la pop dans une rixe sanglante qui elle-même envoie valser le défunt ! La note est donnée et la suite ne déroge pas à la tonalité choisie. Toutes les séquences qui s’enchaînent abordent plus ou moins directement la question actuelle de l’identité française, des rapports de la population aux émigrés et des craintes fantasmatiques suscitées par les étrangers. Sur le plateau transformé en une pelouse imparfaite parsemée de feuilles mortes, les comédiens affichent une forme burlesque qui permet de rire en guise de résistance face aux petites et grandes tragédies humaines de notre époque.
La scène du pique-nique sur la nappe traditionnelle en vichy rouge est un grand moment d’auscultation sociale à travers une réunion d’amis qui discutent le bout de gras. Le racisme qui ne dit pas son nom, la banale intolérance qui mine le quotidien, les échanges politiques tels qu’ils animent les dimanches familiaux, toutes ces vérités anodines revêtent une drôlerie qui exorcise les noirceurs du monde. Viennent également un dialogue entre De Gaulle et Marie-Antoinette, un rendez-vous à l’Office d’accueil des demandeurs d’asile, un discours papal et autres tableaux qui sont autant de numéros théâtraux qui manient l’humour, l’inventivité et un jeu savoureux par des comédiens au taquet.
Investi par de nouvelles recrues, le collectif des Chiens de Navarre
maintient haut la barre de la provocation de tous côtés. Ils n’épargnent
rien de ce qui mérite selon eux les sarcasmes et leurs propos se tissent après des observations, des analyses ou des perceptions qui sonnent juste. Ils sont peut-être ici moins extrêmes que dans leurs spectacles La Raclette ou Les Danseurs ont apprécié la qualité du parquet, mais leurs frasques renouvelées sont tout autant incisives. C’est là toute la force de cette forme théâtrale déjantée et revigorante ; l’humour est bâti sur de solides dissections sociopolitiques, il cible sans concession et sans didactisme les rouages absurdes ou immondes de la société. Toutes les générations et notamment celle des jeunes peuvent se retrouver autour de cet esprit qui conjugue le sens théâtral à la verve comique. La troupe talentueuse, composée de personnalités fortes, s’homogénéise sous la direction du fondateur Jean-Christophe Meurisse, dont la liberté bouscule et dope toujours joyeusement la scène française.
Émilie Darlier-Bournat
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