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Territoire tonique au Théâtre de la Bastille : une pièce énergiquement dégingandée

territoire une prison a l'autre theatre bastille artistik rezo paris

Deuxième volet d’une trilogie, Des territoires (…d’une prison l’autre….) reste fidèle à la question qui sert de fondement à cette aventure théâtrale : L’insurrection est-elle encore possible ? C’est jeune, bouillonnant, militant et énergiquement dégingandé.

Le public se trouve dès le départ en compagnie de quatre jeunes, trois frères et une sœur, dont un est gravement handicapé mental après un accident et un autre est un enfant adopté, d’origine algérienne. Pour ceux qui avaient vu Nous sifflerons la Marseillaise, ce sont des retrouvailles. Cette fois, ils sont sonnés, revenant de l’enterrement de leurs parents non sans une cocasserie involontaire due à la sordide organisation des obsèques qui règne dans la société de consommation. Ils rentrent dans le pavillon de leur feu parents, niché au sein d’un lotissement social. Vont-ils le garder ou le vendre ? A peine se chamaillent-ils autour de ce dilemme qu’ils sont confrontés à une situation inattendue. En effet, à leur grande surprise ils trouvent chez eux deux zonards du quartier dont un vient de sortir de prison, et quelques instants après, c’est une zadiste qui vient s’installer avec sa tente, car des émeutes alentour mettent le quartier sens dessus-dessous.

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© Sonia Darcet

Dans un dispositif léger où un rideau fluide permet de tracer l’extérieur ou l’intérieur de la maison, on assiste alors à cette collision entre un jour de deuil personnel et un jour d’émeute collective. Les deux contextes s’entrechoquent, se provoquent, s’entremêlent et se répondent. Les jeunes orphelins et les insurgés partagent des sentiments d’abandon, que ce soit par leurs parents ou par les agents capitalistes dominants. La solidarité, la rébellion et la revendication montent de leurs entrailles et cherchent une issue. C’est alors que La Commune de Paris s’invite sur le plateau à travers notamment les personnages de Gustave Courbet, Marie Ferré, Elisabeth Dmetrieff, Elisée Reclus et Louise Michel, première à occuper la scène. La bagarre a lieu et le sang coule, les effets de lutte investissent le plateau puis bifurquent vers des positions poétiques, avec chansons et musique en live.

Baptiste Amann, auteur et metteur en scène trentenaire, tisse ainsi les fils de deux époques où les personnages d’aujourd’hui deviennent ceux d’hier et inversement. Il interroge la capacité actuelle de lever un nouveau discours politique en convoquant des citations et des textes puissants des communards. Il rend un hommage appuyé à ceux qui n’ont pas craint ni la mort ni le bagne ni l’exil, et va réveiller chez ceux de sa génération les possibilités de prendre non seulement la parole mais aussi de véritables engagements intellectuels et physiques. Il s’est imbibé des scénographies contemporaines, injectant des inspirations de Castellucci et dialoguant avec des auteurs de sa génération tel Sylvain Creuzevault. Il y a parfois quelques leçons qui peuvent paraitre fastidieuses mais après tout elles sont nécessaires, et puis il y a surtout une démarche scénographique qui colle au propos, audacieuse, osant les fatras et prenant des risques : au final faisant preuve tout simplement du nerf de la jeunesse, dans ce qu’elle a de porteur de tous les espoirs et tous les courages, artistiques et politiques.

Emilie Darlier-Bournat

 

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