Doll is mine – Théâtre de Nesle
Une plongée dans le Tokyo nocturne aux côtés d’une jeune femme qui travaille dans une étrange Maison de sommeil et d’une chanteuse jazzy.
Une jeune femme, Shiori, mène à Tokyo une existence dangereuse travaillant dans une ” Maison du sommeil ” où des hommes insomniaques échouent traînant leur fardeau d’obsessions, de fantasmes, de douleur. Elle a tout perdu, n’a plus de père, plus de chez-soi, plus de repères. Pourtant, dans la noirceur de l’hiver tokyoïte, elle demeure un reflet de lumière aux portes de la nuit… jusqu’à la veille de Noël. Soutenu par une partition musicale suspendue entre Orient et Occident, le récit de Shiori dessine en creux les contours désespérants de la crise que traversent les hommes, tous les hommes, aujourd’hui.
Dans la pénombre, un lit. Des fleurs blanches abandonnées sur une chaise. Du thè en infusion dégage son odeur entêtante. Des micros sur pied se tiennent prêts à enregistrer la moindre variation du flux émotionnel de la scène. Ils sont autant de points de fixation pour le corps de la comédienne et la voix de la chanteuse dans un décor composé de matières sensibles, mouvantes. Au côté de Shiori, dont le personnage est interprété par une comédienne franco-japonaise, Maria, une musicienne jazzy italienne est sur scène, témoin et premier spectateur, elle joue un rôle similaire à celui du Waki, que dans le théâtre Nô japonais est l’intermédiaire, le médium entre le public et l’acteur principal.
Des jeunes filles payées pour veiller sur le sommeil de leurs clients, des adolescents se coupant volontairement du monde, des hommes ayant perdu leur travail, leur dignité, voulant disparaître dans le néant, s’évaporer… Depuis le Japon, nous parviennent des signaux où se manifeste un sens aigu du tragique.
Ces phénomènes qui n’affecteraient que le Japon, d’après les sociologues, dessinent en réalité les contours de pathologies de plus en plus fréquentes en Occident, car la solitude et la crise économique engendrent chez-nous aussi le sentiment de ne pas être à la hauteur, l’envie d’en finir avec la vie. Tout se passe comme si le Japon avait la capacité de donner une forme quasi rituelle aux malaises de ces dernières décennies, d’élaborer une synthèse mytique et en un sens poétique du malaise de notre civilisation…
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