MonkeyBird : “Partir de l’existant pour créer quelque chose de nouveau”
Exposition Palimpsestes – Galerie Brugier-Rigail Œuvres de MonkeyBird Du 12 octobre au 5 novembre 2017 Du mardi au samedi de 11h à 19h30 Entrée libre Galerie Brugier-Rigail |
Du 12 octobre au 5 novembre 2017 “Partir de l’existant pour créer quelque chose de nouveau a beaucoup de sens dans notre travail.” Rencontre avec MonkeyBird à l’occasion de leur exposition à la galerie Brugier-Rigail. Comment avez-vous choisi le nom de l’exposition, Palimpsestes ? Louis : Ce qui est intéressant dans cette démarche c’est que, sur un même support, une mémoire chasse l’autre. Dans un même corps matériel, on aura toujours une quantité limitée de mémoire disponible. Cette manière de partir de l’existant pour créer quelque chose de nouveau a beaucoup de sens dans notre travail quand on réutilise un support qui a déjà une vie, une âme, une identité, afin de lui redonner une fonction nouvelle : à l’origine il s’agit de meubles plutôt fonctionnels, que nous transformons en objets d’art. Comment avez-vous travaillé pour cette exposition ? L’essence de notre travail continue à être la même. Nous intégrons nos habitudes de symbolique, mais avec de meilleurs réflexes. Nous ne sommes jamais satisfaits à 100%, mais malgré tout toujours un peu plus. Ce qui est intéressant, c’est cette idée de course sans fin vers une satisfaction impossible à rassasier. Dans cette exposition, il y a une évolution technique en termes de découpe et de style. Il y a également une évolution dans la composition. Nous avons essayé d’apporter une profondeur nouvelle dans le visuel. Tout d’abord, en accentuant le travail sur la perspective dans le dessin comme dans la couleur. Techniquement, nous avons utilisé plus de pochoirs sur un même support et nous avons porté autant d’attention au pochoir d’arrière-plan, plus discret, plus fondu dans le bois, qu’au sujet principal qui, lui, va ressortir plus fort en noir sur blanc. L’accentuation de la profondeur passe aussi par l’intégration d’éléments d’architecture et de végétation qui créent un paysage. L’idée est de raconter une histoire, une fable, avec un contexte, un environnement dans lequel se trouvent nos personnages, comme une saynète un peu figée. Comment émerge le thème d’une exposition ? Nous travaillons souvent en série. Les dessins sont créés à une même période et peuvent donc être le reflet d’un état d’âme à un moment donné. On fonctionne un peu comme des collections. On dessine à une période donnée puis on va développer le processus de création tout au long de l’année, le temps de trouver les supports, couper, réaliser la composition et trouver aussi l’évènement où les présenter. Le thème d’une exposition est souvent le résultat d’une connexion qui se fait à un moment donné. Parfois, nous dessinons et travaillons à des compositions chacun de notre côté, sans forcément communiquer. Puis, au fur et à mesure, nous réalisons que nous sommes dans le même état d’esprit et que nous pensions à peu près au même type de composition. C’est ainsi qu’émerge de notre travail un sujet commun, sans forcément être décidé au départ. Nous travaillons avec beaucoup de conscience et de réflexion, mais nous faisons également confiance à notre instinct de création. Nous savons que nous agissons en correspondance. Donc ce qui est intéressant c’est que nous faisons chacun ce que nous avons envie de faire et ensuite nous mettons ces travaux en commun et cela prend sens une fois que nous mettons tout ensemble. C’est là que le caractère de la série que nous avons produite se définit, c’est en assemblant les différents travaux que l’on découvre ce que l’on a cherché à dire. En pratique donc vous dessinez à un même moment puis vous composez à partir de ces dessins ? Oui, nous avons plusieurs dessins dans lesquels nous pouvons piocher pour réaliser différentes compositions. Chaque tableau est unique. Nous sommes très attachés à l’esthétique du fragment. Cette idée d’assemblage de fragments se retrouve dans l’esthétique de nos compositions avec, par exemple, des échafaudages, mais également dans l’assemblage de pièces de bois que nous collectons ou dans la manière de composer à partir de différents pochoirs que nous assemblons les uns avec les autres. L’idée est d’assembler des éléments que nous avons collectés afin de les mettre en juste correspondance. Dans notre travail, il y a cette idée d’assembler correctement ces petits fragments que l’on va plus collecter que vraiment créer. Comment choisissez-vous les supports en bois ? On aime trouver des vieux meubles, les démonter, les réassembler, trouver des équilibres en fonction des formes des mobiliers. La structure des meubles peut nous donner beaucoup d’idées sur la manière de structurer notre composition. Cette recherche de matériaux nous intéresse beaucoup. Notre œil s’aiguise. Le bois s’est très vite avéré être un support évident pour nous. Nous aimons la manière dont la peinture réagit à la matière, le fait d’avoir un support qui a déjà une vie. C’est plus chaleureux, plus valorisant, il y a à la fois l’affect du temps qui est marqué par l’objet et la matière, et l’affect du visuel qui va s’intégrer à ce support. L’utilisation du bois permet également de transcender la notion d’image vers la notion d’objet. C’est une forme de relique, d’artefact. Ces objets ont une présence assez forte. Pourquoi avez-vous souhaité intégrer de la végétation ? C’est avant tout l’idée du lien entre nature et humanisme, la confrontation entre l’architecture humaine et la création innée. Cela fait également écho à la notion de temporalité. On crée dans un climat de nature et la nature reprendra le dessus. Les ruines sont intéressantes à cet égard, car elles sont dans une sorte d’entre-deux temporel, en étant à la fois architecture et nature. L’intégration de la nature dans notre travail vient aussi du manque de nature. Elle nous procure un sentiment d’apaisement et offre des curiosités et des textures incroyables. On est dans une société qui tend à un appauvrissement de la végétation. L’intégration de la végétation dans l’univers urbain est la nouvelle utopie que la société essaie de développer pour répondre à un besoin de nature de plus en plus marqué dans notre société, par exemple avec les murs végétaux. C’est pour ça que vous aimez les ruines ? Oui, et également parce que c’est un marqueur temporel. Même une ruine contemporaine est intéressante. Il y a une sensation vraiment particulière dans un environnement abandonné. Philosophiquement chaque ruine est une leçon de vie, on se sent transcendé. Tu te poses forcément la question de ce qui s’est passé dans ce lieu. Quand tu te retrouves dans des endroits monumentaux complètement abandonnés, cela fait toujours quelque chose de voir à la fois des traces de vie, mais également la nature très présente : l’humain n’est plus qu’une trace, il n’est plus grand chose. Avez-vous encore le temps pour des murs ? On a envie de conserver du temps pour le travail en extérieur. Cette double identité est importante dans notre travail. Le travail de rue nous apporte des projets différents. C’est la clé pour qu’on puisse se faire connaître à l’étranger, découvrir d’autres codes graphiques qui peuvent nous inspirer. Notre but c’est vraiment d’aller faire des murs à l’étranger et d’évoluer dans la pratique de rue. Sortir du cadre des galeries c’est sortir du petit cercle des initiés qui veulent voir de l’art pour aller se confronter aux gens. On voit leur avis, ce que ça leur apporte et on retrouve notre fonction qui est de faire de l’art public, à savoir un art accessible à tous. C’est plus risqué et plus intéressant également. En revanche, on intervient peu de manière spontanée dans les rues, à part en voyage. Parfois, on pose une petite pièce dans la rue et on prend le temps de bien la poser. Mais ce qu’on préfère c’est faire des grands murs. C’est caractéristique du courant artistique auquel on appartient, le muralisme, mais cela peut également être un moyen de changer radicalement la face d’un quartier. Par exemple, la municipalité de Loures, au Portugal, a lancé un festival d’art urbain afin de tenter de réhabiliter un quartier difficile. La criminalité a complètement chuté, les habitants font eux-mêmes les visites des différentes fresques de leur quartier. C’est une énergie à entretenir, mais c’est fabuleux de voir que notre travail n’est pas simplement esthétique, mais qu’il répond également à une vraie fonction sociale. Vos projets ? On enchaîne. Après le vernissage de l’exposition, nous avons Le Mur à Oberkampf le 14 octobre. Ensuite, dans le désordre, la foire d’art urbain Scope à Miami, le musée du street art à Amsterdam, Foire européenne de street art à Strasbourg, ensuite sûrement deux murs à Boulogne-sur-Mer en novembre, un projet à la base sous-marine de Bordeaux avec Nicolas Laugero-Lasserre en 2018. On travaille aussi avec la Cox Gallery à Bordeaux. Et on va essayer d’aller faire un mur à Los Angeles. Propos recueillis par Marie-Fleur Rautou [Crédits Photo : © Monkeybird ] |
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