Richard III, une fureur royale
Richard III De Shakespeare Mise en scène de Thomas Ostermeier Avec Thomas Bading, Robert Beyer, Lars Eidinger, Christoph Gawenda, Moritz Gottwald, Jenny König, Laurenz Laufenberg, Eva Meckbach, David Ruland et le musicien Thomas Witte Jusqu’au 29 juin, à 20 h Tarifs : 6 à 40 euros Réservationpar tél. au 01 44 85 40 40 Durée : 2h30 Théâtre de l’Odéon |
Jusqu’au 29 juin 2017
En deux heures trente et surtitré, le spectacle intense de Thomas Ostermeier enflamme la salle. Richard III, monstre virtuose, génie du mal, fascine sous les traits de l’interprète prodigieux qu’est Lars Eidinger. Les siècles passant et les mises en scène se multipliant n’ont rien enlevé du mystère Richard III posé par Shakespeare. L’acteur Lars Eidinger qui avait semé un inoubliable vent de folie à Avignon en 2015, revient à Paris dans une tempête festive et tragique que le metteur en scène allemand maîtrise et organise avec un art aux mille facettes.Car s’il a coupé le texte d’origine, il l’enrichit et le rehausse, le mêlant aux images et aux sons, le rock surgissant entre des tableaux d’opéra qui n’en laissent pas moins place à de saisissantes mélancolies qui bruissent sur le plateau. Richard III, le Duc de Gloucester, apparaît la tête sanglée de cuir, il se rêve en rock star et, accroché à un micro, il se met en scène lui-même en tournant une lampe torche sur son visage. Le public est d’abord convié au déchainement sous les confettis, le champagne et l’adrénaline musicale, tandis que l’aspirant roi claudiquant impose d’emblée sa stature de bête séduisante et difforme au milieu de la cour. Immédiatement, il incarne le double-jeu; il l’habite si hautement qu’il ébranle tous ceux et toutes celles qui lui font face, qu’ils soient ennenmis ou victimes. Et c’est par ce dilemme jamais tranché qu’il parvient à troubler la conscience du public tel un tremblement de terre tout autant qu’il emporte dans son lit ses proies subjuguées. Blessé jusqu’au fond de l’âme par sa laideur qui lui a valu les moqueries, il s’est Sous son affectation de plainte, il érige sa puissante avidité de pouvoir en arme de séduction suprême, et il gagne. Sa victoire s’accompagne même de rires du public, car le génial metteur en scène sait étirer la rus machiavélique jusqu’à la farce grotesque quoique cruelle. Sous cette enivrante mise en scène, Richard III joue sur toutes les palettes du jeu. Il est sportif, il est danseur, il est habile discoureur, il use des pistolets comme des gadgets de gosses, il séduit sous les jets de paillettes, il se fait même ici acrobate à la Tarzan sans jamais pour autant perdre de vue son but. Car pour lui, tout est devenu jeu au service de son ambition, les êtres ne sont que des marionnettes et c’est d’ailleurs ainsi que les enfants York et Edouard, ultimes victimes du monstre, seront au final représentées. Happé par l’étourdissement scénique, le public plonge dans la soif de pouvoir la plus intense. Le plateau brûle sous la vengeance et la solitude sanguinaires, chacun peut s’interroger quant au goût du pouvoir dévastateur dans le miroir tragique de ce Richard III contemporain et extraordinairement renouvelé. Emilie Darlier-Bournat [Crédits Photo : © Arno Declair) |
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