Anne Teresa De Keersmaeker, amour suprême de John Coltrane!
A Love Supreme D’Anne Teresa De Keersmaeker et Salva Sanchis Avec Paulo dos Santos, Jason Respilieux, Thomas Vantuycom, Bilal El Had Du 5 au 9 avril 2017 Réservation par tél. au 01 53 35 50 00 Durée : 1h Centquatre-Paris |
Du 5 au 9 avril Un concert chorégraphique, mais sans musiciens? Est-ce a) une tromperie, b) une illusion ou c) une série d’hologrammes? Ni l’un, ni l’autre. Sur « A Love Supreme », chef-d’œuvre révolutionnaire de John Coltrane, De Keersmaeker et Salva Sanchis créent un quatuor où les danseurs incarnent les instruments et même les musiciens, sans jamais les imiter. Un vrai prodige, aussi charnel que spirituel, et une nouvelle liberté d’expression. Au Centquatre-Paris, en partenariat avec le Théâtre de la Ville!
L’exaltation qui ressort de ses rythmes inouïs est à la fois charnelle et religieuse. Voilà qui explique pourquoi De Keersmaeker et Sanchis reviennent aujourd’hui sur « A Love Supreme », douze ans après leur première approche. Pour la danse, il s’en dégage une fascination indéniable, naturelle, irrésistible, une inspiration qui permet à aujourd’hui de donner une dimension nouvelle à sa danse qui poétise l’espace par des tracés en courbe, en hélice, si fluides et pourtant si déterminés. « A Love Supreme » en conserve toute la dynamique, mais l’inscrit plus que jamais dans un dialogue du corps avec l’instant et la verticalité, avec lui-même et avec l’endroit où il se trouve. Une variation tel un accomplissement En effet, tout est nouveau dans ce quatuor interprété par José Paulo dos Santos, Jason Respilieux, Thomas Vantuycom et Bilal El Had. Non seulement les interprètes changent par rapport à la création de 2005 où dansaient Cynthia Loemij, Moya Michael, Igor Shyshko et Salva Sanchis, lequel co-signe la chorégraphie, en 2017 comme en 2005. Le principe de départ reste inchangé: Chaque danseur devient l’ambassadeur d’un instrument et de son musicien. Pour cela, De Keersmaeker et Sanchis inventent le principe „what you see is what you hear“: Quand l’un des instruments se tait, le danseur correspondant doit sortir de scène ou s’aligner sur un autre instrument. L’écoute est donc totale et spécifique à la fois. Les relations entre les danseurs deviennent ceux des musiciens, qui communiquent entre eux par les notes et gagnent, dans certains passages, une fabuleuse liberté d’expression. En parallèle, De Keersmaeker/Sanchis permettent aux leurs de s’adonner à des pulsions plus intimes et personnelles, peut-être animales. Ces échappées-là contrastent fortement avec les autres séquences musicales, en vérité très écrites. Sous leur égide, la danse converge vers des unissons sobres, très enlevés et d’une inspiration presque transcendantale. Et si le noir était plus pur que le blanc? Cette nouvelle chorégraphie cache un véritable paradoxe. Partant de la même composition et du même enregistrement qu’en 2005, elle se situe dans une inversion complète de tous les paradigmes. En 2005, deux couples dansaient dans un espace blanc, tout de blanc vêtus, portés par une grande légèreté et des frémissements sensuels. En 2017, quatre hommes en costumes noirs animent une boîte scénique noire. Et pourtant, leur pureté est absolue et va au fond des aspirations de Coltrane. Impossible d’aller plus loin dans la fusion. « A Love Supreme » de 2017 est une œuvre qui bouscule pas mal de nos habitudes de perception, et ce en toute beauté. Pour n’en citer que la plus fondamentale, elle inverse les valeurs que nous associons habituellement au blanc et au noir. De Keersmaeker donne la preuve de ce que le noir est finalement plus pur que le blanc. Dans la première approche, De Keersmaeker associait Coltrane à une pièce pour neuf danseurs, « Raga for the rainy season », une musique plus pure encore qui faisait raisonner le côté charnel de Coltrane. Aujourd’hui, « A Love Supreme » assume seul une soirée entière et l’aspiration à la spiritualité. Un pas est fait vers l’abstraction, mais celle-ci révèle d’autant plus les individus et leurs gestes, dans une attitude de renoncement qui les élève, malgré l’absence de blanc ou de couleurs. Comme s’ils dansaient dans la chapelle qui abrite l’œuvre du peintre Marc Rothko. Thomas Hahn [Crédits Photo : © Anne van Aerschot ] |
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