Un bel éclairage sur la nuit au Rond-Point
Lunaire, Pierre Richard l’est merveilleusement. Il emporte le public avec poésie et bonheur au milieu des étoiles. Le petit éloge de la nuit est un bijou dans un écrin noir brillant, grâce à cet acteur, des vidéos superbes et une symbiose entre les arts.
Le texte initial d’Ingrid Astier, auteure de polars de grande qualité ainsi que de nouvelles et essais, était initialement un abécédaire. Il a été adapté pour le théâtre par le metteur en scène lui-même, Gérald Garutti. On sent qu’il a été inspiré par cet éloge qu’il fait totalement sien et qu’il partage avec un sens communicatif de la grâce et de la légèreté. Il a laissé le plateau vide et ce sont des films projetés en fond de scène qui nous font parcourir le cosmos, côté mer, côté ciel et terre, entrecoupés de danses sublimes de Marie-Agnès Gillot et accompagnés de musiques et chansons, dont celle de Bashung est un moment très fort.
Seul devant ces images splendides, inventives, surréalistes et oniriques, Pierre Richard médite à voix haute. Il arpente la scène, parfois il s’asseoit, il danse aussi – et c’est exquis- puis il lui arrive même de s’allonger avec du champagne et un cigare, égrénant ses réflexions sur la nuit à travers un voluptueux nuage de fumée. Il se fait parfois philosophe, souvent épicurien et toujours baladin heureux que la tristesse n’imprègne jamais longtemps. Ainsi se succèdent des aphorismes mais aussi des anecdotes, des souvenirs, des rêves, des réminiscences de Dostoïevsky, des poèmes de Baudelaire ou de Nerval ainsi que des comptines et des haïkus.
Ce patchwork textuel composé en partie d’emprunts de-ci de-là à des auteurs, prend sous l’interprétation de Pierre Richard une tonalité particulièrement touchante, au plus près des sensations que favorise la nuit. Ce voyage dans l’ombre n’est pas exempt de cauchemars ou de démons mais le plaisir et l’érotisme dominent. Tandis que les mots louent le firmament, ce qui imprime à l’ensemble une teinte qui ravit le public, c’est Pierre Richard lui-même, son incroyable présence, sa silhouette et sa démarche familière, son regard tendre et malicieux, sa voix veloutée. Les vidéos si réussies l’entourent de couleurs et de mouvements qui transportent loin l’imaginaire; le lit au fil de l’eau ou les maisons bigarrées ne sont pas près d’être oubliés. La rencontre entre les arts opère magiquement et la puissance nocturne se déploie sous toutes ses facettes. Les gros plans très émouvants du visage de Pierre Richard aimantent les spectateurs et son regard bleu aussi profond que la voûte céleste est dans cet éloge de la nuit un azur qui illumine durablement les spectateurs.
Emilie Darlier-Bournat
Articles liés
“Tant pis c’est moi” à La Scala
Une vie dessinée par un secret de famille Écrire un récit théâtral relatant l’histoire d’un homme, ce n’est pas seulement organiser les faits et anecdotes qu’il vous transmet en une dramaturgie efficace, c’est aussi faire remonter à la surface...
“Un siècle, vie et mort de Galia Libertad” à découvrir au Théâtre de la Tempête
C’est Galia Libertad – leur amie, leur mère, leur grand-mère, leur amante – qui les a réunis pour leur faire ses adieux. Ce petit groupe d’amis et de proches, trois générations traversées par un siècle de notre histoire, se retrouvent...
“Chaque vie est une histoire” : une double exposition événement au Palais de la Porte Dorée
Depuis le 8 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille une double exposition inédite, “Chaque vie est une histoire”, qui investit pour la première fois l’ensemble du Palais, de ses espaces historiques au Musée national de l’histoire de...