Une Carmen torride qui enflamme la Bastille
Carmen De Georges Bizet Mise en scène de Calixto Bieito Avec Roberto Alagna et Bryan Hymel, Roberto Tagliavini et Ildar Abdrazakov, Boris Grappe, François Rougier, François Lis, Jean-Luc Ballestra, Clémentine Margaine et Varduhi Abrahamyan et Anita Rachvelishvili et Elina Garanca, Aleksandra Kurzak et Marina Costa Jackson et Maria Agresta, Vannina Santoni, Antoinette Dennefeld Tarifs : de 5 à 210 euros Réservation en ligne ou par tél. au 08 92 89 90 90 Durée : 3h20 avec un entracte Opéra Bastille |
Du 10 mars au 16 juillet 2017
Loin des clichés et du folklore andalou, l’opéra le plus populaire de Georges Bizet est donné aujourd’hui dans une mise en scène de l’Espagnol Calixto Bieito avec le ténor Roberto Alagna dans le rôle de José. Une vision spectaculaire et violente, très crue, du monde contemporain à la gloire d’une femme très libre. « Libre elle est née et libre elle mourra »Délibérément contemporaine, la vision de Carmen qui nous est donnée de voir et d’entendre aujourd’hui se situe dans une banlieue chaude, près d’une caserne dont les pratiques militaires rappellent la dictature franquiste. L’espace est sombre, gris, désert, mais les hommes du régiment de Don José se tiennent au garde à vous, pistolet en bandoulière, tandis que l’un des leurs, puni, fait le tour de l’arène en courant à moitié nu jusqu’à épuisement total. Le ton est donné : cette Carmen ne tiendra pas du folklore exotique, mais plutôt de la violence sociale et des sentiments, exacerbés jusqu’à la vulgarité. Dans un monde dur, qui se situe entre les militaires et les Gitans, il n’y a pas de place pour la faribole : on aime ou on tue, on aime jusqu’à en mourir. On moque, on parodie, on lacère. Mérimée, qui est à l’origine de la nouvelle qui inspira l’opéra de Bizet, avait peint avec beaucoup de réalisme l’histoire de cette Gitane, simple, pas éduquée, qui tombe amoureuse folle du brigadier qui lui permet, une fois n’est pas coutume, d’échapper à la prison. Des marginaux fous d’amour Des êtres en marge, clandestins, qui se raccrochent au trafic pour vivre, mais qui n’ont qu’une parole quand ils se parlent, pour s’aimer ou se haïr, tels sont les personnages de cette Carmen dont Calixto Bieito, avec son scénographe Alfons Flores, souligne l’âpreté. Formes généreuses, robe moulante, la mezzo-soprano Clémentine Margaine déploie son timbre généreux, sa gouaille de vamp et son autorité naturelle dans le rôle titre alors que son double inversé, Micaela, incarné par Aleksandra Kurzak, en ville épouse de Roberto Alagna, n’est que réserve, raison et douceur dont la cantatrice fait un miel plus que somptueux. Roberto Alagna, qui était annoncé souffrant, a assuré le rôle de Don José avec une infinie sensibilité et une humanité bouleversante, à tel point qu’on a oublié les faiblesses et couacs de ses aigus dus à la fatigue. Quelle diction, quelle clarté dans la ligne mélodique ! Un grand artiste en tous cas. Un ballet de Mercedes sur le plateau Dans cette arène de combat sur laquelle trône un immense taureau, les Mercedes poussiéreuses entament en silence un ballet, portières qui s’ouvrent pour laisser échapper une dizaines de petites mains besogneuses, vêtements qui s’échangent, valises et cantines diverses : on boit, on chante et on danse car le bonheur des humbles est communicatif. Frasquita (Vannina Santoni) et Mercédès (Antoinette Dennefeld) sont deux bombes féminines qui se trémoussent et chantent divinement, et l’Escamillo de Roberto Tagliavini, le Dancaïre de Boris Grappe, le Remendado de François Rougier, François Lis (Zuniga), Moralès (Jean-Luc Ballestra) et Lillas Pastia (Alain Azérot) ravissent le spectateur par leur talent vocal et scénique. Saluons pour finir la direction du chef d’orchestre Bertrand de Billy, un peu trop expéditive en ouverture à notre goût, mais qui a su remplacer au pied levé Lionel Bringuier prévu à l’origine et les choeurs toujours merveilleux encadrés par José Luis Basso. Hélène Kuttner [Crédits Photos : © Vincent Pontet – Opera National de Paris] |
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