Mahn Kloix : « Small is big »
Mahn Kloix : « Small is big » |
Graphiste de formation, Mahn colle des affiches noir et blanc et des portraits dans les rues depuis 2003. Il s’est ensuite tourné vers d’autres techniques et a trouvé sa liberté avec le street-art. Artiste engagé, il réalise des portraits d’anonymes ou d’activistes, tous ayant pour particularité une forme d’engagement social ou politique. Rencontre avec un artiste dont l’œuvre fait écho. Tu as commencé à travailler dans la rue avec des affiches. Comment t’es-tu affranchi de ce format « normé » ? J’ai une formation de graphiste, je suis diplômé de l’Ecole des Gobelins. L’affiche est le mode d’expression le plus commun et le plus direct pour un graphiste, c’est notre format de travail principal. Mais très vite, j’en ai ressenti les limites. Ce que j’ai découvert avec le street-art, les collages et les pochoirs, c’est une vraie liberté d’expression dans la forme et dans le message. [Julien A., Cyberactiviste australien. Fondateur de WikiLeaks. © Mahn]
Parle-nous de « Small is Big ». Plus qu’un projet, ce slogan semble définir toute ta démarche d’artiste. Oui tout à fait. J’ai lancé ce projet en 2014 suite aux protestations du printemps arabe en Turquie, en Tunisie, mais aussi en soutien aux membres d’Occupy Wall Street et Occupy Oakland, et des indignés d’ailleurs. L’idée derrière ce projet est de supporter et de mettre en lumière cees personnes comme vous et moi qui à un moment donné ce sont engagées pour une cause ou pour défendre des valeurs. Je réalise leurs portraits que je colle dans les lieux hantés par leurs actions pour que ces espaces les gardent en mémoire, pour mettre en relief la trace de leur parcours. Ces personnes, activistes engagés ou anonymes prenant part à un mouvement, me touchent et m’inspirent. Derrière « Small is Big », je prône le concept que n’importe qui peut faire de grandes choses. Le street-art vit actuellement ses heures de gloire. Que penses-tu de cette institutionnalisation du street-art ? Est-ce que ça te dérange ? Non pas vraiment. Au contraire, cela donne plus de moyens et de la visibilité aux artistes concernés, et ça appelle le regard des gens dans la rue. Ça apporte de la fraîcheur aux espaces urbains. Mais d’un autre côté, ça donne une certaine image du street-art, une image contrôlée. Ça me fait assez rire ce côté « vous pouvez peindre sur les murs, oui, mais ce qu’on vous dit uniquement. ». C’est assez ironique en fait. Mais j’aime que certains d’entre nous tiennent encore la rue de manière plus subversive, parce que ce sont nos origines. [activiste ukrainienne fondatrice du mouvement Femen © Mahn]
Samedi 21 janvier se tenaient des « Women’s March » partout dans le monde pour soutenir les Etats-Unis au lendemain de l’investiture de Donald Trump. Tu y as participé ? Malheureusement non, pour la simple raison que je n’étais pas au courant qu’il y en avait ici aussi ! C’est à la fois dommage parce qu’en France il y a eu peu de communication autour de l’évènement, mais en même temps c’est magnifique parce que c’est une initiative citoyenne et spontanée. Dans notre société française, plutôt avancée, nous avons encore beaucoup de travail à faire. Et c’est un travail que l’on doit tous mener, parce que cela nous concerne tous. La prise de conscience doit être collective pour pouvoir mener des actions. On est tous liés et c’est notre responsabilité à tous. Récemment, j’ai collé un pochoir sur un mur privé -avec autorisation- à 4 mètres de hauteur. Un buste de femme sur lequel est inscrit « My body is my freedom ». Une évidence ? Pas pour tout le monde… Le pochoir a été endommagé : quelqu’un s’est hissé à 4 mètres pour gratter le message. C’est assez symptomatique : le message a été attaqué plus que l’œuvre elle-même. En un sens j’ai gagné… Cela signifie que quelqu’un a été suffisamment touché pour se révolter face à ce message. Ton prochain projet est de coller des portraits de Femen sur les places fortes de Paris. Qu’est-ce qui t’a interpellé dans le mouvement des Femen ? Est-ce que ces femmes, connues pour leurs controverses autant que pour leurs engagements, ne vont pas un peu trop loin dans la revendication, au risque de brouiller leur message ? Si, c’est vrai qu’elles peuvent aller trop loin. Mais ce n’est pas une fin. Les Femen, comme beaucoup de mouvement activistes, c’est un cri. Elles créent du bruit et du mouvement pour se faire entendre, pour que même les personnes qui ne veulent pas s’intéresser à des sujets aussi importants universels que les droits des femmes ou la place des femmes dans la société, lèvent les yeux vers elles. J’ai rencontré Inna Shevchenko, militante ukrainienne à l’origine du mouvement et aujourd’hui réfugiée à Paris, et Sarah Constantin, activiste française. Nous avons en commun notre rapport à l’espace public, et leur courage dans leur engagement physique m’a intéressé, d’un point de vue plastique. Je pars coller leurs portraits dans les places de Paris, pour retracer les différentes actions qu’elles y ont menées. Alors bien sûr, les Femen sont synonymes de scandale et de controverse. Je n’aurais jamais l’autorisation de coller ces portraits-là. On est à la limite du happening, je sais que mes affiches ne tiendront pas l’heure. Quand je colle mes portraits, je suis de passage. Je m’immerge dans la foule et disparais rapidement. L’un des portraits échelle 1 que j’ai réalisé à partir des photos qu’elles m’ont données, c’est une Femen avec l’inscription « Pope No More » sur le buste. Je veux la coller autour de Notre-Dame. Autant dire que je ne vais pas traîner quand j’irai les coller. Habituellement je signe mes œuvres, mais pas celles-ci ! C’est déjà bcp m’exposer, et le but de ce projet n’est vraiment pas de faire ma promotion, mais de faire passer un message, de véhiculer des idées. De toutes façons ces portraits ne passeront pas la journée. C’est un art éphémère et c’est pour cela qu’il est intéressant de le documenter. Les filles du collectif [P]ose ta bombe vont me suivre et prendre des photos. Il y a trois intentions réunies en un seul projet : retracer leurs actions, militer, et documenter.
Retour en images : Un street artiste sur les traces des Femen
[Crédits photos : © Charlotte Ricco] Anna Maréchal |
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