Orfeo ou la mythologie prise au mot aux Bouffes du Nord
Orfeo – Je suis mort en Arcadie D’après l’Orfeo de Monteverdi et autres matériaux Mise en scène de Samuel Achache et Jeanne Candel Avec Matthieu Bloch, Jusqu’au 5 février 2017 Du mardi au samedi à 20h30, dimanche à 16h Tarifs : de 14 à 30 € Réservation en ligne Durée : 2h Spectacle en coréalisation avec le Théâtre de la Ville Bouffes du Nord M° La Chapelle |
![]() Samuel Achache et Jeanne Candel se saisissent une nouvelle fois de l’opéra et sont allés puiser chez Monteverdi pour mettre en paroles et en musique cette puissante métamorphose. On y rencontre le bel Orphée descendu dans les Enfers de Dante pour retrouver son Eurydice parmi les essaims d’abeilles. Entre le tragique et la farce, les improvisations de cette équipe de joyeux drilles éclaboussent de fantaisie une musique sublime et transforment l’opéra en une comédie sacrément profane. De l’opéra à l’expérimentation L’Orfeo est le premier opéra à proprement parler et c’est une référence fondamentale tant la partition musicale composée par Monteverdi privilégie la puissance et la richesse de la voix chantée. Les nuances infinies, la pureté de la ligne mélodique expriment au plus haut point les passions humaines et sont simplement soutenues par un orchestre important dont la partition est très peu précise. Beaucoup d’improvisations sont donc possibles à travers les ponctuations musicales, bien que l’orchestre soit riche en instruments divers et très originaux. Le musicien Florent Hubert, qui avait déjà dirigé avec talent l’aventure artistique de Samuel Achache et Jeanne Candel dans Le Crocodile trompeur, adapté de Didon et Enée de Purcell, puis La Traviata présentée cet automne avec Benjamin Lazar, renouvelle aujourd’hui son expérimentation tous azimuts. Une grosse caisse, les cordes d’un piano à queue ouvert couché sur le sol, des violons, un violoncelle, une contrebasse constituent l’orchestre composé de musiciens chanteurs et acteurs qui n’ont peur de rien, mais qui possèdent beaucoup de talent. Le décor est un vaste terrain de jeu en lino noir brillant, strié de traces blanches qui sont comme la trace des nuages ou de l’air qui vrille l’herbe des pâturages. Au fond, une grosse cabane en vitres est une machine à jouer qui se transforme en palais ou en porte des enfers, dans laquelle les hommes pénètrent sans se retourner. Anne-Lise Heimburger, mama blonde à la peau laiteuse, étend ses formes généreuses en accueillant un vieil ami, alors qu’Amour (Léo-Antonin Lutinier) se met à se vexer et que Pan (Vladislav Galard) gambade et sautille sur les demi-pointes de ses interminables jambes nues. Tout autour, les apiculteurs s’activent, les fumigènes fulminent et La Musica (Marie-Bénédicte Souquet) entonne a cappella des chants sublimes. Jan Peters, le beau blond qui incarne Orphée, voit disparaître sa fiancée Eurydice (Marion Sicre) par deux fois sans qu’il puisse retenir la traîne de sa robe ni sa chevelure brune. Du mythe au burlesque De la pureté des arias de Monteverdi, délicatement et sensuellement chantées par Anne-Emmanuelle Davy, fine messagère aux cuisses fuselées, aux dialogues parlés et aux échanges cocasses entre Charon et Cerbère à la porte des Enfers, l’élégance champêtre de cette métamorphose vire au burlesque et à la farce, métissés de références à notre actualité. Ce qui fait que, hormis quelques longueurs et complaisances inutiles, on s’amuse beaucoup dans ce spectacle destiné à tous les publics, constamment transportés de surprises en charades poétiques et blagues métaphysiques. L’amour, bien sûr, et la mort sont omniprésentes, phares de la mythologie et de la vie. Mais ce voyage en forme de fanfare balkanique qui sillonne les siècles depuis l’Antiquité et l’époque baroque nous réchauffe le cœur aujourd’hui avec des images fortes et des voix puissantes, des garçons qui s’exhibent à la manière de starlettes et des filles qui prennent des poses de madone. Un gai rafraîchissement qui décoiffe nos certitudes et revigore notre mélancolie ! Hélène Kuttner [Photos © Jean-Louis Fernandez] |
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