Lucy Guerin fait danser le film noir
Motion picture De Lucy Guerin Avec Stephanie Lake, Briarna Longville, Alisdair Macindoe, Jessie Oshodi, Kyle Page, Lilian Steiner Film D.O.A. Mise en scène de Rudolph Maté Producteur : Leo C. Popkin Avec Edmond O’Brien, Pamela Britton, Luther Adler, Beverly Garland Compositeur : Dimitri Tiomkin Caméraman : Ernest Laszlo Distribution : United Artists Release, 30 avril 1950 Du 24 au 28 janvier 2017 Tarifs : 16 €, 22 €, 26 € Réservation Durée : 1h30 Théâtre des Abbesses M° Abbesses |
Du 24 au 28 janvier 2017 Enfin un spectacle où la danse et le cinéma se font les yeux doux sans sourciller ! C’est la chorégraphe australienne Lucy Guerin qui a eu l’idée d’associer spectacle de danse et projection de film, d’une manière complètement inattendue : doubler un classique de Hollywood par un spectacle de danse-théâtre ! Dead on arrival, grand classique du film noir, est ici illuminé par la danse, sans se contenter d’une doublure ou simple illustration. Au Théâtre des Abbesses, on pourra découvrir l’un des spectacles les plus singuliers de la saison. Un film sera projeté, mais on regardera une pièce de danse-théâtre. L’idée de Lucy Guerin, plus que surprenante, nous dit quelque chose sur la liberté d’imaginer en Australie. Un film et des danseurs en scène, voilà deux mondes qui ne peuvent que se marcher sur les pieds, si on leur propose un même plateau. Alors comment fait-elle ? Un film au fond Motion picture est basé sur D.O.A. (Dead on arrival / Mort à l’arrivée), un film en noir et blanc de 1950. Rudolph Maté a écrit l’histoire d’un notaire qui apprend qu’il a été empoisonné. Il lui reste vingt-quatre heures à vivre, ni plus ni moins ! Il en profite pour enquêter sur l’identité de ses meurtriers et les raisons de son assassinat. Le scénario est ingénieux. La manière de Lucy Guerin de rebondir à partir de ce grand classique du film noir ne l’est pas moins. Alors que les danseurs sont sur scène, le film est projeté au fond de la salle, derrière les spectateurs. Le public entend tout et perçoit les tremblements lumineux, comme en se promenant dans une rue, le soir, quand on voit le scintillement des téléviseurs éclairer les appartements derrière les rideaux. Cette agitation visuelle possède sa propre force lumineuse, son énergie spectaculaire. Elle nous parvient avec le son. Mais ce sont les interprètes qui regardent l’écran, pas le public. Sur scène, les danseurs-acteurs ne restent pas longtemps dans une idée d’incarnation des personnages du film dans les mêmes situations. La danse élargit, approfondit, dessine le contexte, révèle les pensées que les mots savent si bien cacher. La danse s’appuie sur le film, mais elle vit sa propre vie. Un personnage est doublé ou triplé, ou entouré d’autres personnes, rencontrées avant ou entièrement imaginaires. Inversement, un danseur peut jouer tout seul une scène à plusieurs.
Mais plus le spectacle avance, plus la danse se détache de l’action à l’écran. La chorégraphie s’intéresse alors à l’écriture du film, à ses cuts, ses perspectives, ses ambiances. Plus le venin envahit le corps de la victime, plus la danse infiltre le film. Lucy Guerin trouve ici un moyen extraordinaire pour allier la fascination de l’image filmée à celle des humains occupant la scène, avec leur présence en chair et en os. Dans la relation entre le film et le spectacle peuvent se glisser de l’ironie, des envolées très swing, des clins d’œil au public… Motion picture : le titre du spectacle est si générique qu’il semble vouloir revendiquer une paternité de genre. Et ce n’est pas totalement injustifié. Les croisements entre danse et arts visuels sont multiples. L’utilisation d’images filmées – en direct ou enregistrées – à l’intérieur d’une pièce chorégraphique s’est répandue fortement. Trop, peut-être. Lucy Guerin crée une relation d’un nouveau genre, où l’image se tient à distance. Elle ne risque donc pas de faire de l’ombre aux interprètes, ni d’être un simple décorum. Le film de 83 minutes est projeté en version intégrale et la relation entre l’œuvre de cinéma et les danseurs est complexe, vivante, tendue… Elle devient elle-même l’un des sujets du spectacle. Thomas Hahn |
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