Art [ ] Collector souffle ses 5 bougies

Du 14 novembre au 3 décembre 2016

Vous célébrez les 5 ans de votre action d’Art [ ] Collector au sein d’un lieu, le Patio Art Opéra. Pourriez-vous rappeler les grandes lignes de ce projet ?

Le projet partait d’un constat lié au contexte français de 2011. En effet, beaucoup d’artistes émergents, en milieu de carrière ou reconnus se retrouvaient dans un marché de l’art en retrait et donc avec moins de visibilité que dans bien d’autres pays, et cela en dépit de très bons musées, écoles et centres d’art, galeries, foires et marchands d’art.

La cause ? Une différence clé par rapport aux autres pays : si en France, les collectionneurs privés sont plus nombreux, ils sont moins actifs et surtout moins visibles que dans les pays du nord de l’Europe (Allemagne, Suisse et Benelux) et bien sûr, qu’aux États-Unis.

Nos artistes français seront d’autant mieux connus à l’étranger (ce qui n’est pas le cas actuellement et c’est ce qu’on leur reproche souvent !), si d’abord en France, tous ces nouveaux collectionneurs aident à les rendent plus visibles.

En même temps  les profils des collectionneurs changent et évoluent.

Ils défendent leurs choix, savent en parler, ils veulent les montrer et pas seulement dépenser ou investir. Ils désirent partager et donner du sens à l’acte même de collectionner.

Art [ ] Collector a eu dès l’origine l’ambition de promouvoir les artistes français de l’art contemporain grâce au soutien et à la valorisation par leurs collectionneurs. L’approche était nouvelle : chaque évènement  dédié à un artiste choisi permettait de présenter les œuvres déjà achetées et des œuvres nouvelles qui sont proposées à la vente.

Ces évènements (deux manifestations par an : septembre et novembre) permettaient d’élargir la rencontre entre les collectionneurs, galeries, critiques, journalistes, commissaires et bien sur le public invité.

Il s’agissait de partager nos « coups de cœurs » et de mutualiser nos réseaux afin d’accroitre la visibilité des artistes sélectionnées.

Dans ce sens des manifestations ont été organisées : vernissage, visites, débats… Un catalogue de l’évènement est édité.

Dès l’origine du projet, l’ambition était de construire une large communauté de ces nouveaux collectionneurs actifs (français et étrangers), dans leur soutien aux artistes français et d’organiser des manifestations à l’étranger

Pour cette exposition réunissant les 10 artistes que vous avez exposés, vous confiez le commissariat à Philippe Piguet. Quel est son propos ?

Conceptuellement, parce qu’elle procède de la réunion d’éléments hétérogènes et d’univers très différents, qui ne partagent pas nécessairement les mêmes préoccupations, une telle exposition de groupe ne peut reposer sur un thème précis.

Pour cette raison et pour rester en lien avec le propos d’Art [ ] Collector, Philippe Piguet a proposé que l’exposition soit composée selon une source duelle : en premier lieu, en choisissant deux œuvres de chacun des dix lauréats, issues d’une part de la collection d’Evelyne et Jacques Deret, de l’autre de celle d’un des collectionneurs de l’artiste ayant déjà participé à l’aventure ; en second lieu, en demandant à chacun des dix artistes de proposer une œuvre de leur toute dernière production ou réalisée spécifiquement pour l’occasion – idéalement, le type d’œuvre qu’ils souhaiteraient qu’un collectionneur leur commande ou qu’ils réaliseraient à destination spéciale de celui-ci

De la sorte, en rassemblant une trentaine de pièces, l’exposition « Art [ ] Collector  5 x 2 »  constitue un tout orchestré autour de la ligne directrice qui singularise cette manifestation périodique, celle du rôle du collectionneur et de sa relation à l’artiste.
 

Et nouveauté, vous éditez une estampe.

Oui, Art [ ] Collector lance l’édition originale d’une estampe de chacun d’eux, soit dix estampes au total, qui seront réunies en portfolio. Tiré en 35  exemplaires et édité par l’atelier Michael Woolworth – spécialisé dans l’impression d’éditions originales avec des artistes contemporains dont il réalise lui-même les gravures sur bois avec des presses manuelles.
 

Est-ce qu’un collectionneur se doit d’être acteur et moteur de la scène artistique aujourd’hui ?

Oui, acteur au-delà de l’acte d’achat. Il peut s’impliquer pour défendre les artistes qu’il collectionne et qui ont besoin de visibilité. Il peut se mobiliser pour eux en les montrant, en les soutenant, en suivant leur parcours, en mutualisant les réseaux… Bref en étant présent pour eux.

Comment qualifieriez-vous votre collection ? Quelles sont les grandes lignes ?

Si la passion est partagée, nous avons deux collections très différentes avec univers très personnels.

Mon univers de collectionneuse est particulièrement marqué par l’enfance, du côté du rêve à la « Alice au pays des merveilles » mais avec toutes ses ambivalences et ses complexités (curiosité pour le corps et ses excès, sexualité enfantine, compliquée et nimbée d’une cruauté dérangeante…).

Je m’intéresse aussi aux rapports complexes entre la dépression, la folie et la mort.

Parmi les artistes emblématiques de ma collection, on peut pointer Pat Andrea, Jean Michel Albérola, Anya Belyat Giunta, Abdelkader Benchamma, Katia Boudarel, Laurence Demaison, Valérie Favre, Marie Hendricks, Iris Levasseur, Frédéric Loutz, Marlène Mocquet, Françoise Petrovitch, Emmanuel Régent, René et Radka, Karin Rougier, Massinissa Selmani, Chiharu Shiota, Daniel Schlier, Djamel tatah, Cathryn Boch, Christian Bonnefoi, Myriam El Haik, Mat Collishaw, Florence Remond, Claire tabouret, Raphaël tachdjian, Claire trotignon, Jérôme Zonder …

La collection de Jacques Deret est davantage tournée vers l’art abstrait et l’art cinétique. Très tôt, sa curiosité pour l’architecture et la construction (« les arts du bâtir ») le mène vers les dimensions cinétiques et géométriques de l’œuvre de Victor Vasarely et vers ses travaux dans l’espace urbain.

De la peinture à la vidéo, sa collection va des jeunes artistes aux plus confirmés : François Morellet, Carlos Cruz-Diez, Kees Visser, Clément Bagot, Eve Nielsen, Eric Michel, Christine Barbe, Esther Stocker, Michael Delucia, Santiago Torrez, Godwin Hoffman, Vera Molnar, Dan Shaw Town, Claire Chesnier, Noémie Goudal, Adrien Couvrat, Georges Rousse, Olivier Masmonteil

Quels sont vos projets ?

Poursuivre le partenariat avec Jeune Création en 2016, élargir notre engagement de soutien et de promotion des artistes, en les accompagnant désormais à l’international et en partageant nos coups de cœur avec de nouveaux collectionneurs et amateurs : l’exposition 5X2 +1 (Medhi Georges Lahlou) sera présentée à Bruxelles à la patinoire Royale à l’automne 2017. De plus, le lauréat 2017 est Charles Fréger.

Propos recueillis par Stéphanie Pioda

[Crédits Photo 1 : Abdelkader Benchamma, Simulacre © DR collection Evelyne Deret / Photo 2 : Jacques et Evelyne Deret © Didier-Studio / Photo 3 : Iris Levasseur, D’après Hodler, 2012, 223×129 cm © collection Evelyne Deret / Photo 4 : Massinissa Selmani, L’horizon était là © collection Evelyne Deret / Photo 5 : Eva Nielsen, Display, 2014, encre sérigraphie et acrylique sur toile, 190x140cm © collection Jacques Deret / Photo 6 : Olivier Masmonteil, Sans titre, 2015, huile sur toile, 92×72 cm © collection Evelyne Deret / Photo 7 : Clément Bagot, Sans titre, 2016, encre noire sur papier blanc, 43x35cm © collection Jacques Deret / Photo 8 : Claire Chesnier, encre sur papier, 147×132.5cm © collection Jacques Deret / Photo 9 : Karine Rougier, Dans le bleu, 2016, huile sur toile, 27X35cm © collection Evelyne Deret]