Ultimo Tango : Émouvante histoire d’amour en mouvements
Ultimo Tango De German Kral Avec Maria Nieves, Juan Carlos Copes, Ayelen Alvarez Mino, Pancho Martinez Pey, Pablo Veron, Alejandra Gutty. Durée : 85 min. Sortie le 25 mai 2016 |
Comment résumer Ultimo Tango ? Factuellement, on pourrait sans doute s’arrêter à décrire le documentaire de German Kral comme l’histoire d’un fameux couple de danseurs de tango argentins. Mais ce serait évincer toute l’émotion d’un film qui pourtant n’en manque pas. Au risque de sombrer dans le cliché, on pourrait le réduire au simple récit d’une passion amoureuse, mais ce serait le cantonner dans une banalité qui ne lui sied guère. On pourrait aussi tenter la concision, en prétendant que c’est juste un film sur le tango, mais ce serait mentir. En réalité, Ultimo Tango est tout cela à la fois et, plus encore.
C’est par la voix de Maria Nieves, véritable héroïne de cette valse à laquelle s’adonnent autant les caméras que les corps, que le spectateur entre dans cette histoire. Son histoire, celle d’une jeune fille pauvre d’Argentine, qui apprend à danser en faisant semblant de passer le balai et court les milongas à l’âge de quatorze ans, car c’est le seul loisir réellement accessible aux jeunes des quartiers populaires de Buenos Aires. Elle aperçoit alors un jeune homme de trois ans son aîné, danseur maladroit mais au fort beau regard, qui « marche consciencieusement sur les pieds de ses partenaires » en pensant que c’est le seul moyen d’apprendre à danser. Mais un jour, le « Chariot » disparaît. Il ne reviendra qu’un an plus tard, touché par la grâce, sous la forme d’un élégant, talentueux et charismatique tanguero. Le surnom moqueur de « Chariot » sera peu à peu oublié pour révéler enfin Juan Carlos Copes. À mesure qu’ils dansent ensemble, Juan et Maria tombent amoureux. Et plus ils s’aiment, plus ils dansent. Les bals de quartiers deviennent alors trop étriqués pour leur créativité ; les amants lancent leur propre école de tango et le révolutionnent, inventant un style audacieux, jeune, inédit. Les plus grandes scènes commencent à convoiter le couple, d’abord à Buenos Aires, puis dans toute l’Argentine et enfin, à travers le monde. « Autres temps, autres mœurs » proclame le proverbe. Dans la société contemporaine, les corps se libèrent et se dévoilent. Autour du couple-star, des danseuses de plus en plus dénudées. Le regard de Juan s’égare et le reste aussi. « Je n’étais pas jalouse » insiste Maria avec une mauvaise foi réjouissante en évoquant ce souvenir. Une chose est sûre néanmoins : ce ne seront pas les dernières larmes versées par Maria pour Juan, qui la quitte pour partir en tournée internationale avec d’autres tangueras. Pourtant, ils ne sont qu’au début d’une carrière qui durera près de quarante ans et les emmènera sur les plus grandes scènes du monde. Le tango devient également moyen de porter un regard sur l’art délicat de la mise en scène, German Kral n’hésitant pas à dévoiler ses artifices (un harnais notamment, dans une scène où Ayelen Alvarez Mino semble s’envoler), renforçant le lien entre le présent du récit et le passé de la reconstitution, comme pour dire que l’adhésion du spectateur à la fiction compte fondamentalement moins que la transmission de l’émotion. Tout récit amoureux qu’il soit, Ultimo Tango n’en comporte pas moins une forte dimension féministe, de par la force qu’il donne à la voix de Maria Nieves et le regard admiratif qu’il porte sur son parcours. Plus encore, en filigrane, il compose un magnifique portrait de l’Argentine et de l’histoire de ses classes populaires en saisissant le tango comme fil d’Ariane, de la même façon que Buena Vista Social Club donnait à voir Cuba. Pas étonnant, donc, de retrouver Wim Wenders à la production de ce superbe et très touchant documentaire, qui envoûtera les passionnés de tango et donnera certainement envie aux autres de se laisser entraîner dans son étroit abrazo. Raphaëlle Chargois [embedyt] https://www.youtube.com/watch?v=YRqLNGZ09QE[/embedyt] [Crédits Photos : 2/ ©2015 German Kral Filmproduktion, 3/ ©Personal Archives Juan Carlos Copes, 1/ 4/ et 5/ ©2015 Gabriela Malerba.] |
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