Le Chevalier à la rose : éblouissant de nostalgie viennoise et d’humour à Bastille
Le Chevalier à la rose Der Rosenkavalier De Richard Strauss Mise en scène, décors et costumes de Herbert Wernicke Avec Michaela Kaune ou Anja Harteros, Peter Rose, Daniela Sindram, Martin Gantner, Erin Morley, Irmgard Vilsmaier, Dietmar Kerschbaum, Eve Maud Hubeaux, Francesco Demuro, Jan Stava, Charles Reid, Peter Gaillard, Martin Snell, Robert Wörle, Ruzan Mantashyan, Caroline Colineau, Laetitia Jeanson, Olga Oussova, Emanuel Mendes Mercredi 18 mai à 19h, dimanche 22 mai à 14h30, mercredi 25 mai à 19h, samedi 28 mai à 19h, Tarifs : de 5 à 215 € Réservation en ligne Durée : 4h05 Opéra Bastille M° Bastille |
Jusqu’au 31 mai 2016
Fable sur le temps qui passe, passion amoureuse en miroir triangulaire, équilibre majestueux entre le classicisme musical et la modernité du XXe siècle, Le Chevalier à la rose de Richard Strauss est aujourd’hui revivifié par le talent du chef d’orchestre Philippe Jordan dirigeant son orchestre avec un casting de voix superbes, dans la mise en scène subtile d’Herbert Wernicke. On succombe totalement ! Entre deux mondes Hugo von Hofmannsthal est un merveilleux poète. Le livret qu’il compose pour Richard Strauss, quelques années après Elektra, dessine la perspective d’un monde ancien, baroque, un monde en train de tanguer, de valser jusqu’à s’effondrer totalement. Nous sommes en 1911, peu de temps avant l’effondrement de l’Europe et de ses empires, en 1914, et cette toile de fond historique constitue la mise en abyme d’une histoire d’amour condamnée par le temps qui passe et la différence d’âge des deux amants dans une histoire passionnelle. Il y a du Mozart dans cette musique de Strauss, de l’effeverscence dans les rythmes et les valses, celui des Noces de Figaro avec ses ruptures et sa fraîche légèreté, mais il y a aussi une richesse polyphonique moderne qui donne à l’orchestre une puissance créative impressionnante et aux personnages une réelle épaisseur. Une scénographie en miroirs Herbert Wernicke, metteur en scène trop tôt disparu, a imaginé des panneaux de miroirs pivotant sur la salle et les toiles peintes pour mieux mettre à distance le monde clos de la chambre des désirs et des ébats amoureux. L’œuvre, toute empreinte de la douceur et de la passion amoureuses, débute sur les ébats sensuels et libres de la Maréchale et de son jeune amant le Chevalier. Fragilité sublime d’un moment amoureux rendu fugace par le tremblement des miroirs, merveilleusement incarné par Michaela Kaune dans le rôle de la Maréchale. Bienveillante et généreuse, timbre d’une suave douceur, projection précise, la soprano allemande s’accorde parfaitement avec Daniela Sindram qui dessine un Octavio formidablement vivant, vif et incisif, à la grâce tout androgyne, débordant de vitalité et d’une technique impeccable. Le couple ici, la blonde langoureuse et souveraine et la brune garçonne au charme mozartien, est un régal. De véritables acteurs Face au subtil duo d’amoureux, le Baron Ochs de l’Anglais Peter Rose se révèle grotesque à souhait, franchement grossier, paillard et roublard. Ce qu’il y a de très agréable dans cette production réside justement dans la justesse d’interprétation des chanteurs, tous formidables comédiens. Du coup, les situations les plus ridicules et les plus démodées sont jouées et chantées avec un humour délibérément farcesque. Et la musique épouse sentiments, ironie et revirements d’une intrigue simplement colorée par la psychologie des personnages prisonniers des codes sociaux. Quand le Chevalier se déguise en soubrette ou quand il conte fleurette à la pure Sophie (Erin Morley que l’on retrouve avec bonheur ici) dans le dos du pathétique Baron, nous sommes dans un Beaumarchais et son Figaro pré-révolutionnaire. Jordan impérial Dans la fosse, le chef bataille dans une mer de cordes et de cuivres, observant les nombreuses ruptures de tonalités et d’ambiances. Allers-retours permanents entre le romantisme straussien du XIXe, ses valses et les échappées modernistes du XXe siècle, Philippe Jordan respecte la partition avec précision, révélant chaque instrument avec sensibilité. Le final avec la Maréchale et le Baron, partant chacun d’un côté en calèche alors que le Chevalier, dont la rose d’argent se mue en véritable rose rouge, est aux côtés de Sophie, est éblouissant de beauté. Une reprise décidément réussie. Hélène Kuttner [Photos © Émilie Brouchon – ONP] |
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