Du classique à l’athlétique à l’Opéra de Paris
Roméo et Juliette De William Shakespeare Musique de Sergei Prokofiev Chorégraphie de Rudolf Noureev Avec Alexei Ratmansky, George Balanchine, Jerome Robbins et Justin Peck Musique de Scarlatti, Stravinsky, Chopin et Glass Tarifs : de 5 à 154 € Réservation en ligne Durée : 3h pour Roméo et Juliette, 1h45 pour Ratmansky Opéra Bastille M° Bastille Palais Garnier M° Opéra |
On a le choix. Côté classique, magnifié par Noureev, le superbe Roméo et Juliette pour tous publics à l’Opéra Bastille avec un couple d’étoiles du ballet chaque soir. Côté contemporain, quatre chorégraphes américains se partagent la soirée au Palais Garnier avec des musiciens sur le plateau. D’un côté comme de l’autre, l’excellence et le brio des meilleurs danseurs rompus à tous les styles et donnant beaucoup au public. Une chorégraphie fantastique et musclée Ce ballet est l’heureux fruit d’une rencontre féconde, celle du chorégraphe Rudolf Noureev et de la musique de Serguei Prokofiev qui crée en 1938 un ballet d’un caractère exceptionnel par sa variété et sa densité symphonique. Deux heures trente de musique qui cavalent à un rythme éblouissant sans temps mort, mélangeant les harmonies tonales et les insolences modernes où cuivres, percussions et violons tissent un véritable scénario cinématographique.
C’est West side story avant l’heure, d’autant que Noureev utilise magnifiquement cette partition assez exceptionnelle pour l’époque pour en faire un véritable opéra théâtral. Il crée des situations fantastiques au sein même de la tragédie de Shakespeare, en donnant à la Mort un visage prémonitoire qui multiplie ses ombres dans une scénographie chamarrée d’ors et de pourpres. Comme toujours, les rôles d’hommes, Mercutio ou Tybalt, sont développés et dramatisés, à l’image des répliques de Shakespeare. Emmanuel Thibault (Mercutio) flamboie et virevolte, généreux et fidèle compagnon de Roméo. Josua Hoffalt, gracile, aérien Roméo forme avec Myriam Ould-Braham (Juliette) un couple de rêve, adolescents romantiques qui vouent leur vie à l’amour. Le Tybalt de Stéphane Bullion est tranchant comme une lame, impulsant à l’histoire une frayeur de conte fantastique avec danses populaires et rondes nuptiales. Un ballet merveilleux à la théâtralité qui exacerbe le réel. Pureté de la danse contemporaine Pour accompagner l’entrée au répertoire du jeune Justin Peck, tout jeune et déjà brillant chorégraphe américain, l’Opéra de Paris a invité le Russe Alexeï Ratmansky, ancien directeur de ballet du Bolchoï de Moscou. Véritable ode à la pureté de la danse néo-classique, sa chorégraphie des sept sonates de Scarlatti jouées sur le plateau par Elena Bonnay conjugue la virtuosité des figures classiques à une nouvelle géométrie qui ploie les corps des danseurs, trois couples d’une élégance et d’une grâce totales. Laura Hecquet et Audric Bezard, Alice Renavand et Florian Magnenet, Aurélia Bellet et Marc Moreau prêtent leur talent et leur personnalité à ce chassé-croisé amoureux.
Puis c’est au tour du chorégraphe Jerome Robbins sur des mazurkas de Frédéric Chopin : splendeur intime du piano romantique alors que s’élance Mathias Heymann, félin, sensuel et viril, éblouissant dans des sauts et des fouettés triomphaux, démontrant avec une assurance confondante sa parfaite maîtrise de la technique. Dans ces deux sonates de Chopin, Ludmila Pagliero l’accompagne, grave et mélodramatique, passionnée et tendue, d’une grâce infinie. Les deux danseurs semblent s’accorder dans un même souffle à la tonalité en mineur du compositeur, ce qu’ils accomplissent sur scène est magnifique. Plus ludique, plus vif, le Duo concertant de Stravinsky, œuvre dédiée au violoniste Samuel Dushkin, fait véritablement dialoguer les musiciens et les deux danseurs. Laura Hecquet et Hugo Marchand, collant noir et maillot bleu azur, s’amusent à broder de leurs corps souples les respirations de ce drôle de concerto enivrant et entêtant. Les figures de leur danse sont comme des tentatives de réponse à l’imaginaire poétique du musicien.
Enfin, c’est l’Américain Philip Glass que choisit Justin Peck pour In creases, une pièce pour huit danseurs qui joue sur les combinaisons arithmétiques de deux pianos qui se font face. Une danse propulsive, qui projette les corps en une tension nerveuse jaillissante, dessinant dans l’espace des météorites, arcs et flèches tracent l’architecture d’une modernité nerveuse et bouillonnante. Comme un éblouissant miroir du monde. Hélène Kuttner [Photos © Sébastien Mathé et Julien Benhamou – Opéra national de Paris] |
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