“L’Envers du décor”, bien à l’endroit
L’Envers du décor De Florian Zeller Mise en scène de Daniel Auteuil Avec Daniel Auteuil, Valérie Bonneton, François-Éric Gendron et Pauline Lefèvre Du 15 janvier au 8 mai 2016 Du mardi au samedi à 20h30 Tarifs : de 28 à 73 € Réservations en ligne Durée : 1h45 Théâtre de Paris M° Blanche |
La dernière pièce de Florian Zeller traverse tous les passages obligés d’une pièce de boulevard : la trame de l’intrigue est basée sur le couple bourgeois qui retombe sur ses pieds et ses valeurs, la morale est sauve, la pensée grossière mais on y rit beaucoup et le dénouement est heureux.
Daniel, éditeur, et sa femme Isabelle, professeur, ont un couple d’amis de longue date qui s’est séparé, l’homme convolant et s’installant avec une jeune bombe, abandonnant ainsi Laurence. La pièce démarre sur un dilemme épineux, la question étant de savoir si, malgré la vieille amitié des deux couples, il est possible d’inviter Patrick, le mauvais mari, accompagné de sa conquête nommée Emma. Finalement, le dîner a lieu. Isabelle et Daniel, follement excités et inquiets, accueillent le couple en pleine lune de miel. Immédiatement, le principe d’écriture se met en place. Le façonnement de la pièce repose sur une technique tout du long, consistant à réduire les dialogues au profit des apartés. C’est-à-dire que chacun des personnages fait part constamment au public de ses réflexions intimes et inavouables. Le décalage ainsi opéré entre ce qu’ils se disent ouvertement tout en dînant et la réalité de leurs pensées fait surgir une machine à rire. L’écart entre la bienséance et le fantasme est tel que les spectateurs sont sans cesse placés devant une situation comique. Nul bien sûr n’ose dire le fond de ses réflexions, chacun se trouvant trop dérangé en ses habitudes et certitudes. Les jalousies, les remises en cause et les peurs de Daniel et Isabelle se débrident au contact des pétillants tourtereaux, la fameuse jeune Emma étant évidemment blonde et haut perchée sur des talons étroits. Étant très grande, sa simple présence auprès de Daniel, plutôt petit, déclenche le rire, l’homme ayant le nez dans ses seins. Daniel Auteuil signe ici sa deuxième mise en scène tout en jouant le rôle de l’éditeur. Dans un décor tout ce qu’il y a de net et milieu aisé intello classique, c’est en comédien qu’il est particulièrement en forme. Il s’y amuse follement, se fait délirant et impulse le ressort essentiel. Sa prestation, avec déballage de mimiques et contorsions, tient incontestablement la pièce et donne à cet exercice d’hypocrisie ultra-convenue tout son sel. Sa partenaire Valérie Bonneton ne manque pas non plus de faire ressortir avec un formidable piment son exaspération et sa ruse d’épouse qui ne veut surtout pas que son mari se mette à avoir des idées comme son copain Patrick. Autour d’eux, le couple formé par François-Éric Gentron et Pauline Lefèvre fonctionne bien quoique dans des rôles secondaires. Les fans de Florian Zeller retrouveront dans cette pièce sa recette qui obtient toujours un très large succès. Ses thèmes centraux tournent invariablement autour des conventions indéboulonnables, tous les clichés y sont, le mari las de la femme vieillissante, la jeune sexy qui est considérée a priori comme une pute, le méchant qui abandonne son épouse après tant d’années et plusieurs enfants, le couple pétri de mensonge et finalement heureux dans un confort triomphant qui rassure son petit monde vernis, lissage assuré. Émilie Darlier A découvrir sur Artistik Rezo : [Photo © Jean-Marie Leroy] |
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