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Rencontre avec Jean-Claude Dreyfus, le géant au grand cœur !

8 octobre 2015
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dreyfus

Rencontre avec Jean-Claude Dreyfus, le géant au grand cœur !

Dreyfus-1Un café, comme il les aime, là où il peut se poser, regarder les autres, les gens. A la terrasse de ce restaurant où nous nous retrouvons, il est comme blotti dans une sorte de petite loge d’artiste qui donne sur la rue des Batignolles, en face de la mairie, c’est son coin, à la Terrasse du 17° arrondissement de Paris à deux pas de chez lui et des théâtres parisiens. Jean-Claude Dreyfus a toujours ce petit rire un brin moqueur au coin des lèvres et respire la gentillesse. Son style élégant de géant au grand cœur le rapproche bien évidemment de l’ogre sentimental qu’il joue dans ‘’Le Chant des Oliviers’’  à l’affiche de la rentrée théâtrale.

Artistik Rezo : Dans ’’Le Chant des Oliviers’’  votre personnage est assez primaire, un réactionnaire. Une sorte de Tchao Pantin rural. Attaché aux traditions, en particulier à ses recettes à l’ancienne, lui, l’ancien restaurateur, appartient à un décor entre garrigues et pins maritimes. Il a la truculence d’un Raimu tout droit sorti d’un livre de Pagnol ou de Giono et pourtant malgré ce décorum, vous ne tombez pas dans le travers de la caricature. Dans votre interprétation il y a de la place pour forcer le jeu et vous ne le faites pas. La haute Provence, le mas des lavandes,  le personnage haut en couleurs, la bouffe ! Pourtant ici pas de faconde exagérée, pas de rajout à la truculence. Là où certains en auraient fait des tonnes vous restez plausible, avec une certaine vérité avec vos grands coups de gueule et votre force émotionnelle. Comment avez vous travaillé votre personnage ? N’est-ce pourtant pas tentant de ‘pagnoliser’ ?

JC Dreyfus : il fallait absolument éviter les travers, ne pas tomber dans les clichés. On a banni l’expression à la marseillaise, pas d’ accent ! . Avec Anne Bouvier, qui met en scène et avec Julia Duchaussoy et Frédéric Quiring, comédiens, nous sommes partis hors du Boulevard directement dans la théâtralisation de ce que Maryline Bal désirait dire au public, à savoir un secret de famille, une pièce joyeuse et grave. Ensuite, se greffaient des antagonismes, des émotions fortes que le naturel fait mieux passer qu’en forçant le trait

Qui est Jacques, votre personnage ?

JC D : C’est un raciste, vieux con réac’, comme beaucoup trop de personnes aujourd’hui mais c’est toutefois un grand cœur, un gentil. Il représente la société d’aujourd’hui qui a peur de tout et comme elle, il est hostile aux nouveautés. Il est la société puisqu’on on vit dans une époque où les gens sont mal élevés, nombrilistes ne pensant qu’à eux. On regarde passivement les horreurs un peu partout dans le monde. On subit. Il est cela, Jacques mais il est cependant ouvert à l’autre, représenté par Fahed  qui fait un effort de compréhension ce qui change leur rapport, transformant son rapport à l’autre.

Avant que Jacques ne se livre à lui, on le verra dans la pièce, moi, je me laisse aller à ces nuances, il faut les montrer au public.

Jean_Claude_Dreyfus_02_-042_2_copie_copieComment avez-vous abordé le texte de Marilyne Bal ?

D’abord je dois dire que j’aime jouer les auteurs contemporains. J’ai déjà donné beaucoup aux anciens. On a autour de nous des auteurs de talent, je pense à Emmanuel Darley qui a mis en scène Le Mardi à Monoprix et m’a offert deux prix Molière du comédien. Je participe àLa Mousson d’Eté, à Pont-à-Mousson pour des Lectures qui permettent de révéler des auteurs d’aujourd’hui et éventuellement les monter. Je l’ai fait seul durant 3 semaines sur un bateau ‘Mousson sur l’eau’ et ça a bien fonctionné pour atterrir dans grande salle Théâtre ouvert de Pont-à-Mousson durant deux fois deux mois.

Maryline Bal, c’est sa première pièce. Elle est prometteuse. En lisant son texte, j’ai trouvé qu’il y avait un joli fond, qu’il s’agissait d’une belle histoire. On a beaucoup travaillé ensemble, avec Anne bouvier, metteuse en scène et avec les comédiens, Julia Duchaussoy et Frédéric Quiring,pour Avignon et pour la tournée. Ce que voit le spectateur est vraiment bien équilibré. Il y a de la joie, de la gravité, de la truculence, une histoire sensible, un rapport profond entre Jacques et Fahed qui pour être conflictuel en demeure pour autant profond.

On constate que la cuisine tient un rôle dans cette pièce.

Ce n’est pas l’enjeu principal. Mon personnage est attaché aux recettes traditionnelles et le futur mari de sa nièce veut monter un restaurant tendance moléculaire d’où une divergence sévère entre les deux hommes. Apprenez que le père de l’auteur, Maryline Bal est restaurateur. Ceci explique bien des choses.

Vous cuisinez ?

Je possède un grand nombre, voire tous les livres de cuisine et je suis jury du Livre et du Vin à Saumur (prix Epicure), cependant, je ne cuisine pas.

Quand je serai vieux, si j’arrive à être vieux, je ne me mettrais pas à la cuisine pour autant. Ce qui n’empêche que j’aime bien manger. Quant aux recettes, elles demeurent pour moi à l’ancienne et je ne mettrai jamais deux cents euros dans un menu moléculaire !

Une représentation à 19 heures, est-ce le bon créneau ?

C’est aujourd’hui le meilleur des horaires, parfait pour aller au théâtre. Ce qui compte, c’est que pour la survie des théâtres à Paris, les tarifs doivent demeurer intéressants.

Dreyfus-2Faisons un retour sur Raymond Devos, une de vos étapes.

Isabelle Georges qui a joué à mes côtés dans « Petit traité de manipulation »au XXe Théâtre, avait auparavant écrit et interprété « Une étoile et moi », son hommage à Judy Garland, à Paris (puis au Fringe Festival d’Edimbourg 2005 où elle a obtenu le Fringe Report Award de la meilleure chanteuse – ndrl). Elle m’avait demandé d’intervenir dans son spectacle et de dire « L’artiste » de Raymond Devos. A partir de là,J’ai travaillé avec le metteur en scène Christophe Correla afin qu’il me donne un coup de main à la mise en scène de nombreux textes de Raymond Devos dont des inédits qui ont donné naissance au spectacle “d’Hommage sans interdit(s) Devos/Dreyfus” en 2011. 

Voilà encore Dreyfus, l’ami, le poète, le jongleur, le prestidigitateur que vous étiez à vos débuts, le charmeur, le comédien qui ne se lasse pas de changer de registre, le chanteur, également, qui prolongeait avec Devos en 2013 un peu de votre tour de chant(s) de 2009 au vingtième-Théâtre.

Je vous confie que dans le Chant des Oliviers, au début comme vers la fin, je chantonne… une de mes chansons !  J’aime la musique. Nicolas Ehretsmann a accompagné à la guitare électrique ma lecture d’Émile Zola, l’Inondation en 2013. Et récemment, il est intervenu sur scène pour inaugurer la…Cuvée de Vin signée Jean-Claude Dreyfus.

C’est une de vos passions audoises, le Minervois ?

J’assemble, je choisis en effet les cépages dans le Minervois chez Sicard.

Antoine Ros, producteur et réalisateur de cinéma, originaire de la région a eu cette idée de faire parrainer des cuvées spéciales par des artistes. Les vignerons locaux en sont ravis. J’ai choisi le domaine Philippe Sicard, à Aigues-Vives dans l’Hérault. (La cuvée «Jean-Claude Dreyfus» est un AOC minervois rouge composé de 60 % de mourvèdre, 20 % syrah, 10 % grenache et 10 % carignan, élevée pendant 24 mois en fût de chêne français –ndrl.) De plus, il serait bon de ne pas rater ma « Rosé Cochonne ». Par ailleurs, je participe au prochain assemblage d’une cuvée qui s’appellera «Le pinard, c’est pas du cochon, c’est de l’art»

Vous confiez cet été à nos confrères de La Dépêche : « Je vis depuis 13 ans dans le Minervois, je suis devenu le plus Audois des Parisiens. J’aime tout dans ce pays, le vin, les olives, les gens qui l’habitent..  

Je maintiens, j’aime cette région du sud. Mes parents venaient autrefois à Séte. En jouant le Malade imaginaire à Pézenas, j’ai pris cette décision d’acheter une maison dans l’Aude non loin de Lésignan.

Je suis parrain de l’association qui met en place le reboisement du canal du Midi.

Chez moi, j’y suis bien. J’y ai créé un petit théâtre avec son plateau, ses projos, sa régie où je répète les textes de mes spectacles. Je me partage entre Paris et le sud.

Des projets ?

Je vais tenir le rôle d’Oscar Wilde dans une mise en scène de Jean-Luc Moreau. Peut-être un Falstaff à venir. Et un Karl Marx de Xavier Lemaire, comédien-metteur en scène, (Cie Les Larrons) dont “Les Coquelicots des tranchées” a reçu le Molière 2015 du théâtre public.

Par ailleurs, je suis parrain de l’école d’art(s) dramatique(s) Berlyze, (J’ai fait Berlize) située à Paris dans les bâtiments du Café de la Gare, sorte d’anti-école conventionnelle qui prône un enseignement pluridisciplinaire qui s’appuie sur des méthodologies anciennes ou plus novatrices qui ont fait leurs preuves.

 
Que faites-vous en dehors du métier ?

Je m’occupe de ma maison, de mon bateau et de ma roulotte, une vraie roulotte toute réaménagée. J’en ai fait un gîte rural sur le canal du Midi.

Et je me pose, avec vous, à la terrasse d’un café…

 
Propos recueillis par Patrick DuCome

A découvrir sur Artistik Rezo :
Le Chant des Oliviers : une comédie pleine de fraîcheur

[Crédit Photos : © Olivier Denis ]

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