“Paris Merveilles”: Tout sur la nouvelle revue du Lido
Paris Merveilles De Franco Dragone Tarifs 85-400 € Durée : 90 min Le Lido |
Franco Dragone, metteur en scène des plus grands shows de la planète, fait entrer le Lido dans l’ère de la revue nouvelle. Il avait pour mission d’en relooker le clinquant et d’introduire du décalage, sans renoncer à tout ce qui fait la réputation du célèbre cabaret des Champs-Elysées: sa patinoire, ses fontaines etc., et avant tout ses célèbres Bluebell Girls, troupe de danseuses de haut niveau, à la fois libres et soumises à des critères stricts. La nouvelle revue revisite les codes du genre. Elle est portée par un travail chorégraphique surprenant et inclut des artistes d’exception de disciplines invitées, du hip hop aux arts du cirque, et bien sûr la chanteuse, la vraie meneuse de “Paris Merveilles”. A travers elle, cette revue 2.0 affiche un style décontracté et s’accorde même quelques notes d’autodérision. Dragone semble avoir gagné son pari. Après treize ans de représentations quotidiennes de la revue “Bonheur”, il fallait changer de style, suffisamment pour que ça se voie, et suffisamment peu pour ne pas perturber la clientèle. “Paris Merveilles” se présente donc comme une méta-revue, un spectacle qui s’amuse des traditions du genre. Qui est Franco Dragone? Le metteur en scène italo-belge a toujours aimé le spectaculaire et la liberté d’invention. D’abord cofondateur du Cirque Archaos, il signe ensuite les mises en scène qui font éclore le Cirque du Soleil, avant de devenir le spécialiste mondial des grandes messes ultra-spectaculaires, de Las Vegas à la Chine. A Macau, en Chine, il a créé “The House of Dancing Water”, spectacle qui se présente tel un film d’action joué en direct et ne mise que sur le gigantisme, sur des trajectoires aériennes pour corps, motos et autres appareils volants, au-dessus d’une piscine aux dimensions plus qu’olympiques. Et à Wuhan, “The Han Show” va même plus loin. Un nouveau théâtre, à l’architecture particulièrement orgueilleuse, a été construit spécialement pour accueillir la démesure dragonienne. Mais à Paris, dans l’exiguïté des Champs-Elysées, il lui fallait bel et bien redescendre des sommets de l’Empire du Milieu. Première étape: la constitution d’une équipe artistique sous la direction de Dragone. Une équipe artistique inattendue Les efforts de relooking ont commencé par le choix d’une équipe artistique très internationale, avec quelques têtes inattendues. Le travail chorégraphique est passé sous la direction de Benoît-Swan Pouffer. Dragone aurait pu faire appel à un chorégraphe plus médiatisé en France (et dans le monde), mais Pouffer a tout de même dirigé la compagnie newyorkaise du Cedar Lake Ballet de 2005 à 2013, après huit ans comme principal dancer du Alvin Ailey American Dance Theater. Pour “Paris Merveilles”,Pouffer impose un léger basculement de l’axe des danseuses. La verticalité n’est plus tout, le vocabulaire chorégraphique dialogue avec le ballet. Les décors ont été conçus par Jean Rabasse, scénographe très remarqué au cinéma, mais aussi en danse, dernièrement à Chaillot pour “Contact” de Philippe Decouflé. Ici, il créé un Paris 2.0 sous forme d’animations sur écrans LED montrant des vues artistiques des monuments principaux, de l’Arc de Triomphe au Château de Versailles. Le grand escalier, élément incontournable, représente une station de métro à la Hector Guimard. Et si Nicolas Vaudelet, créateur des costumes, est encore plutôt inconnu du grand public, il affiche néanmoins une riche expérience professionnelle acquise chez Dior, YSL, Lacroix et Gaultier. Vaudelet allège sensiblement le poids des coiffes et des couronnes. Tout devient plus dynamique, plus pointu, plus proche des tendances fashion actuelles. Mais pas forcément plus léger en termes de fabrication. Dans les ateliers Dragone à La Louvière en Belgique, la fabrication a été soignée jusqu’à faire venir d’Autriche les quarante mille pièces de strass cousus main sur les robes bleues qui marquent le spectacle. Les Bluebell Girls Elles sont impressionnantes comme des ballerines sur pointes et se complètent à merveille avec les danseurs masculins. Elles peuvent escalader le grand lustre qui mesure six mètres de haut ou porter les costumes à paillettes ou à plumes (des créations à couper le souffle, modernes et non sans une pointe d’ironie) comme on porte son tutu au ballet. Sur impulsion de Dragone, une nouvelle hiérarchie a été mise en place au sein de la troupe légendaire, fondée en 1941 par Margeret Kelly. , avec douze “Bluebells” comme bataillon de base. Au-dessus, les dix “Belles” (les seules qui dansent topless), et au top, cinq “Sublimes”, les étoiles du Lido. Ces filles de caractère sont libres dans le choix de la couleur des cheveux et du style. L’équipe cherche de la personnalité chez chacune, et tout particulièrement chez les cinq “Sublimes”, censées incarner différents types de féminité du XXIème siècle. De la personnalité, oui, mais pas à moins de 175cm, et sans dépasser les 184cm, car il ne faut pas dépasser les garçons qui doivent mesurer au moins ça… “Elles portent tout même des costumes volumineux et lourds, auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à trois kilogrammes de plumes sur la tête”, fait valoir Hervé Duperret, le directeur général du Lido. “Sur une personne plus petite, ça ne donne pas la même allure.” Pas une blague: En 2015, le premier Cancan au Lido! Grâce aux projections se crée un effet d’immersion et on se sent proche du personnage principal: Une secrétaire! Au début de son rêve d’évasion, on la voit bien droite dans son chemisier. Derrière ses énormes lunettes, elle rêve d’être meneuse de revue dans un cabaret parisien. Par ailleurs, rien ne garantit qu’il s’agit forcément du Lido. Car son rêve se termine par un tableau de cancan, et puis, veuillez le croire ou pas, c’est bien la première fois depuis son ouverture en 1928 qu’il y a du cancan au Lido! Le rouge des jupons est ici si survolté qu’on y voit volontiers un dernier salut au genre, une dernière carte postale, une apothéose des fantasmes touristiques que Dragone détourne avec une finesse étonnante. Toute autre forme d’évasion est purement artistique. Le programme fourmille de “special attractions” comme l’excellent B-Boy Mansour dans un superbe solo d’automate ou les stupéfiants acrobates ukrainiens Igor Gavva & Iulia Palii, véritables vedettes dans l’univers du cirque en tant que duo You & Me, primés au festival Cirque de Demain. Sans oublier les deux cygnes blancs, bien à l’aise sur scène en tant qu’Odette(s), grâce à l’aide apportée en amont par le chorégraphe Luc Petton. Manon, meneuse décalée L’un des changements les plus remarquables par rapport aux traditions concerne la meneuse, personnage-clé de toute revue. L’idéal traditionnel la veut plus sublime encore qu’une “Sublime” façon Lido. Mais pour “Paris Merveilles”, le choix s’est porté sur une meneuse d’un nouveau type, une personnalité à découvrir absolument. Manon Trinquier est petite, rondelette, tatouée. Chanteuse, pas danseuse. Sa voix sublime, très soul, a conquis tout le monde. Et Manon devint la voix de “Paris Merveilles”, sans rien cacher de sa différence, bienvenue dans le concept qui doit une partie de son âme à l’inspiration qui s’est dégagée de cette chanteuse si particulière. Son grain, sa fougue, sa profondeur font merveille avec les mélodies d’Yvan Cassar et les textes de Saule. A l’origine, Manon devait même jouer la secrétaire. Mais un rôle de femme forte lui convient tellement mieux… Le regard distancié qu’on peut poser sur le spectacle à travers elle est la merveille la moins attendue au Lido rénové. Thomas Hahn Photos : Stéphane Cardinale / Pascal Le Segretain, Getty Images |
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