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ArtList, le second marché du futur ?

28 juillet 2015
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Kenneth Schlenker

ArtList, le second marché du futur ?

Kenneth Schlenker est cofondateur et CEO de la plateforme en ligne ArtList, lancée à New York en janvier 2015. Cet ancien étudiant de Sciences Po franco-américain a travaillé entre la France et les États-Unis, pour des sociétés comme Google ou HSBC, avant de fonder le réseau de collectionneurs Gertrude en 2012, sa première entreprise dans le monde de l’art. Art Media Agency a eu l’occasion de le rencontrer pour en apprendre davantage sur la jeune plateforme ArtList qui souhaite révolutionner l’organisation du marché secondaire.

Tout d’abord, comment vous-êtes vous dirigé vers le marché de l’art ?

Je me suis intéressé à l’art en tant que jeune collectionneur lorsque j’ai emménagé à New York. À cette occasion, j’ai commencé à fréquenter des galeries, mais l’expérience m’a déçu. Alors j’ai souhaité créer quelque chose de différent. En 2012, j’ai fondé ma première entreprise dans l’art, Gertrude, une société d’événementiel. Il s’agissait d’événements plutôt intimes, rassemblant une quarantaine de personnes autour de l’art contemporain, afin d’apprendre, discuter et collectionner. En général, un expert présentait le travail d’un artiste contemporain chez l’artiste, chez un collectionneur ou dans une galerie. C’était l’occasion de rencontrer le spécialiste, l’artiste et d’autres collectionneurs dans une ambiance chaleureuse. On a ainsi commencé à constituer un réseau global de passionnés à partir de New York. Aujourd’hui, nous avons plus d’une centaine de commissaires dans le monde : Los Angeles, San Francisco, Londres ainsi que quelques événements à Paris.

Un an et demi plus tard, vous créez ArtList. Pouvez-vous présenter la plateforme ?

ArtList est une place de marché pour le marché secondaire. C’est un site Internet sur lequel des collectionneurs peuvent acheter et vendre des œuvres d’art. Nous prenons une commission de 10 %, transparente, que l’on partage avec l’artiste. Nous voulons transformer le marché de l’art en intervenant sur le marché secondaire, actuellement contrôlé par deux énormes entreprises, Sotheby’s et Christie’s, qui font le même business depuis 250 ans. Aujourd’hui, elles contrôlent les deux tiers du marché et rendent les interactions sur le marché secondaire — connecter un acheteur et un vendeur — compliquées, très chères et peu équitables. Avec la technologie, nous avons l’opportunité de réinventer le marché secondaire, de le rendre plus rapide, plus efficace et plus équitable. ArtList aspire ni plus ni moins à réaliser cette possibilité en permettant aux collectionneurs de se rencontrer et de négocier directement en dehors du système des maisons de ventes, plus rapidement et plus équitablement : chaque transaction sur ArtList génère un revenu pour l’artiste.

Pourquoi ce nom ?

En premier lieu, ArtList est une référence à une seconde plateforme, privée et confidentielle : Angel List. Elle fait se rencontrer des start-ups et des investisseurs. En second lieu, nous souhaitons que la technologie s’efface au profit de l’art. Le nom ArtList en découle, c’est une liste d’œuvres au sens propre. Nous voulons que notre site Internet soit transparent et accessible à ceux qui n’ont pas envie de passer du temps à comprendre comment il fonctionne.

Le public est-il le même que pour Gertrude ?

En partie, oui. Un tiers de notre communauté Gertrude a le statut Certified collector. Ce sont des personnes dont la collection privée inclut des artistes avec un marché secondaire important. Nous avons créé ArtList car une grande partie des collectionneurs qui venaient vers nous avec Gertrude souhaitaient qu’on les aide à acheter ou à vendre certaines œuvres sur le marché secondaire. Avant de lancer officiellement ArtList, nous avons testé le procédé à un niveau confidentiel avec une toute petite partie des collectionneurs de Gertrude. Cette version beta s’est soldée par un succès. Nous avons donc souhaité en faire notre activité principale.

Est-ce que vous sourcez également les collectionneurs d’une autre manière, avec du marketing par exemple ?

La question arrive à point. Nous avons publiquement lancé ArtList le 21 janvier 2015, avec 300 œuvres listées. Au bout de quatre mois, notre chiffre d’affaires s’élevait au-dessus du million de dollars, ce qui correspond à la somme que nous avons levée auprès de nos investisseurs — tous indépendants. Les quatre premiers mois ont été consacrés à l’optimisation du produit, à la collecte de feedbacks et à l’accroissement par bouche-à-oreille de notre réseau de collectionneurs. Nous avons fait tout cela en nous contentant d’une faible présence sur les réseaux sociaux — Instagram seulement. C’était très restreint. Cependant, nous entrons désormais dans une deuxième phase avec davantage de marketing. Nous avons par exemple commencé à organiser une série de dîners mensuels à New York.

Quelle est la structure de coûts d’ArtList ?

Nous sommes un équipe de sept personnes, avant tout produit technologique. Mes associés, collaborateurs et moi-même nous consacrons à la construction du meilleur outil possible pour acheter et vendre des œuvres d’art. La moitié de notre équipe est composée d’ingénieurs et de designers qui réfléchissent en permanence à l’amélioration de notre produit, de la plateforme, de la négociation en ligne, de la gestion de la transaction ou encore du transport. L’autre moitié se focalise sur les ventes et le service client. Par ailleurs, nous ne gérons pas d’inventaire donc n’avons pas de frais d’inventaire.

Pouvez-vous expliquer le processus de validation et de vente d’une œuvre listée ?

Nous le voulons le plus efficace possible. Il dure une demi-journée, le temps pour nous de rassembler plusieurs informations importantes sur l’œuvre afin qu’elle soit listée le soir même. Dès le lendemain quelqu’un peut l’acheter. Elle est livrée deux jours plus tard et le vendeur est payé trois jours après l’achat. Quant au processus de validation en tant que tel, il consiste en quatre critères : l’artiste doit avoir un fort marché secondaire ; l’œuvre doit être unique ou être une édition de moins de 30 exemplaires ; elle doit être listée au prix du marché à partir d’une fourchette que l’on donne au vendeur ; le vendeur doit prouver la propriété de l’œuvre et tracer sa provenance. Pour une œuvre évaluée à plus de 100.000 $, nous demandons également un certificat d’authenticité. Ce processus représente un certain investissement pour nous. Notre objectif est de pouvoir l’automatiser ou l’externaliser pour le rendre plus rapide et plus efficace. On travaille là-dessus. Cependant l’avantage de notre market place réside dans sa flexibilité : si une œuvre passe une deuxième fois par notre plateforme, comme cela est arrivé occasionnellement, le coût est beaucoup plus faible.

Quelle est la part d’œuvres acceptées par rapport au nombre proposé ?

Approximativement, nous acceptons un cinquième des œuvres qui nous sont proposées. Pour améliorer notre produit, nous devons faire attention à ne retenir que les œuvres que nous sommes en mesure de vendre. Lorsque nous aurons mieux développé notre public, nous pourrons accepter plus d’œuvres.

Comment voyez-vous l’évolution des ventes de marché secondaire en ligne ?

Le marché secondaire, en ligne ou non, est vraiment en train de se transformer. Il évolue notamment vers les ventes privées qui représentent aujourd’hui 20% du chiffre d’affaires e Christie’s et Sotheby’s. D’après certaines estimations, cette part s’élèvera à 30 % en 2016. Les collectionneurs sont aujourd’hui plus confiants et prêts à acheter une oeuvre à partir d’une image numérique. Il suffit de regarder la dernière édition de Frieze New York [14-17 mai 2015]. Plus de 50 % des œuvres ont été achetées avant d’être exposées sur la foire. Dans le futur, il existera une très grande plateforme en ligne, équivalente en importance à Sotheby’s ou Christie’s, sur laquelle les collectionneurs, marchands et artistes pourront échanger directement les œuvres qu’ils souhaiteront acheter ou vendre.

Pensez-vous que le marché soit suffisamment vaste pour les petites initiatives qui se multiplient ?

Contrairement aux grandes maisons de ventes, nous ne demandons pas l’exclusivité. Le collectionneur peut enlever l’œuvre à n’importe quel moment. On ne cherche pas à contrôler un certain pourcentage du marché. Notre plateforme peut en revanche couvrir une partie importante du marché. Les collectionneurs, les marchands et même les artistes peuvent l’utiliser comme un outil de vente flexible et non exclusif. Cela nous donne accès à un gros volume d’œuvres dans le monde entier. Donc je pense que ce marché est assez grand effectivement.

Comment voyez-vous l’avenir d’ArtList ?

Très bien. Nous générons une vraie tension sur le marché, entre ceux qui détestent et ceux qui adorent ce qu’on fait. Puis nous proposons une solution unique avec un potentiel important. Nous construisons la maison de ventes de demain, sans enchères, sans aspect public et inscrite dans un réseau de collectionneurs.

Art Media Agency

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