Le XXe siècle était une Rhapsodie démente
Rhapsodie démente De François Verret Avec Germana Civera, Jean-Pierre Drouet, Charline Grand, Scénographie : Vincent Gadras Son : Manu Léonard Images : Claire Roygnan Costumes : Laure Mahéo Lumière : Nicolas Barraud Collaboration informatique musicale : Ircam — Grégory Beller Du 4 au 5 juin 2015 Tarifs : 11-22 € Nouveau Théâtre de Montreuil M° Mairie de Montreuil (ligne 9) |
Du 4 au 5 juin 2015
Le festival Manifeste de l’Ircam présente Rhapsodie démente, spectacle chorégraphique de François Verret qui interroge l’Europe sur son entrée dans le monde “moderne” à travers la guerre. Concert dansé, cabaret macabre, théâtre gestuel, oratorio robotique, performance de film muet, installation vivante… voilà une pièce qui tient ce que son titre promet ! Pourquoi accepte-t-on de se battre, de soumettre son corps à des attitudes désincarnées et martiales ? Quels rôles jouent l’histoire familiale, la violence des pères, la quête d’amour maternel inassouvi ? Verret trouve des éléments de réponse dans ce que chacun d’entre nous porte en son for intérieur qui le conditionne à son insu. Cinq ans pour en découdre avec un siècle, pour tendre un miroir artistique (et pourquoi pas un brin déformant) à ce XXe, réputé pour ses barbaries et au passage incontestablement “responsable” d’une accélération exponentielle dans tous les domaines de la vie. Nourri de certains univers qui ont redéfini le corps en scène au cours du XXe siècle, de Kantor à Castellucci, de Nadj à Maguy Marin, de Sankai Juku au hip-hop, voici un traité qui met en rapport la violence familiale et celle qui se déverse sur le champ de bataille. Dans Rhapsodie démente, les femmes occupent le centre du plateau et du spectacle. De Germana Civera à Charline Grand, de Chiharu Mamiya à Natacha Kouznetsova, elles incarnent des traversées personnelles et artistiques, entre danse, théâtre, cirque et performance. Marc Sens à la guitare et Jean-Pierre Drouet derrière ses machines musicales encadrent les personnages errant entre terreur et mémoire, enquête et rituel. La dimension musicale a son importance, dans un festival consacré à la recherche sonore mais ouvert aux autres disciplines. Aussi, Manifeste inclut toujours des propositions chorégraphiques. La veillée des femmes est traversée par les gestes et la voix du patriarche, Monsieur Loyal du grand cirque de l’existence, incarné par François Verret, autre fervent baladin antre les arts du corps. Par ailleurs, il n’officie ici pas en chorégraphe, mais comme metteur en scène ! Et puis, une apparition au début va marquer de son sceau tout ce qui suivra. C’est Jean-Christophe Paré, visage et buste poudré de blanc et silencieux devant l’éternel, comme un Ushio Amagatsu traversé par Méphisto. Ancien danseur, lumineux penseur de la danse par-dessus le marché, Paré dirige aujourd’hui le Conservatoire de Paris (CNSMDP). Dans Rhapsodie démente, il tient un rôle principal, celui de la mort, seul personnage muet. Rhapsodie démente est un bel exemple de fusion des genres. Dépasser la question des disciplines artistiques permet de libérer le regard, de trouver la forme qui épouse le thème, à la perfection. Aussi, la question des mots et du langage fait partie des interrogations de départ. De quelle manière les mots sont-ils porteurs de violences à venir, d’éruptions d’énergie destructrice? À quel degré naissent-elles d’une envie de libération ? “Je veux voltiger comme un obus…” Verret a beaucoup lu pour cette création, à travers les réflexions de Svetlana Alexiëvitch, Ulrike Meinhof, Jean-Luc Godard, Bertrand Cantat, Angelica Liddell, Heiner Müller, le Comité invisible et tant d’autres. Aussi, et comme résultat de ses interrogations sur la mémoire, sommes-nous loin d’une représentation réaliste ou décalée de tranchées ou de batailles. Les personnages ne vivent que dans des espaces mentaux et subjectifs, délimités par la présence d’autres énergies. Telles des barrières ou forces majeures, elles conditionnent les énoncés gestuels ou vocaux saccadés par des violences psychiques. On n’est plus dans une danse seule, et pas non plus dans une logique théâtrale classique, mais dans une dramaturgie énergétique et psychologique, qui constitue le noyau de toute création dramatique. Cette dramaturgie renvoie chaque personnage immédiatement vers lui-même. La guerre impose son énergie, et la guerre est partout. Thomas Hahn
[Photos © Jean-Louis Fernandez] |
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