« Guests » : les petits danseurs de Grenade et les sept chorégraphes géants
Guests Par le Groupe Grenade / Josette Baïz Le mercredi 4 février 2015 à 20h30 Le jeudi 5 février 2015 à 14h30 Le samedi 7 février à 20h30 Le dimanche 8 février à 15h Traifs : de 9€ à 26€ Tout public Durée : 1h15 |
Du 4 au 8 février 2015
Voilà un joli pied de nez aux conventions: Le Groupe Grenade invite, et tout le monde vient. Les voilà au Théâtre de la Ville avec des extraits de pièces signées Lucinda Childs, Emanuel Gat, Rui Horta, Wayne McGregor, Hofesh Shechter, Dominique Bagouet (transmis par Michel Kelemenis), le tout précédé par une création sur mesure signée Alban Richard. Chez Grenade, à Aix-en-Provence, il y a la Compagnie et le Groupe : les professionnels de plus de dix-huit ans et les jeunes, pas moins pros cependant quand ils attaquent sur le plateau. Pour la première fois, le Groupe Grenade est invité à se produire sur le grand plateau du Théâtre de la Ville. Le Groupe Grenade, c’est une pépinière fourmillante de jeunes danseurs du plus haut niveau technique et humain. La reconnaissance pour cette troupe est telle qu’ils ont déjà l’habitude des plus grandes scènes, interprètent leurs œuvres avec finesse et enthousiasme. Et pourtant, personne n’aurait pu imaginer un tel succès, il y a dix ans. Grenade, créé par Josette Baïz, ancienne pionnière de la compagnie de Jean-Claude Gallotta, a bouleversé l’image de la danse, en tournant avec ses danseurs et leurs créations à travers la France et à l’étranger. Il a fallu bien plus de temps aux institutions pour enfin reconnaître que Grenade est synonyme d’avenir de la danse. Sept pièces brèves, liées par des intermèdes chorégraphiques ou burlesques, le concept a de quoi étonner quand il s’applique non au ballet, mais à la danse contemporaine. Mais ça marche, et comment! La première mouture, créée pour les vingt ans de Grenade et montrée entre autres au Théâtre des Abbesses, avait rencontré un succès fulgurant. Il en va de même pour un programme actuellement en tournée, avec la troupe professionnelle de Grenade, composé d’extraits de chorégraphes femmes contemporaines d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Pour la première au Grand Théâtre de Provence, Lucinda Childs, Emanuel Gat et autres vedettes en personne avaient fait le déplacement. Les jeunes du Group Grenade sont donc entourés de très grands, dont bien sûr Josette Baïz, la fondatrice et directrice artistique ainsi que toute son équipe de professeures et répétitrices, composée d’anciennes danseuses de Grenade. Si ce nouveau type de soirées en danse contemporaine peut attirer l’intérêt grâce aux grands noms de chorégraphes, ce sont en vérité les danseurs qui occupent le devant de la scène et les stars de la scène chorégraphique sont leurs invités, les Guests. Le spectacle appartient à la jeunesse, ce qui apporte souvent un décalage pouvant révéler une pièce sous une lumière différente. Guests commence par cinq garçons face public, chacun sur un praticable, jouant sur la statuaire et les poses, en résistance à une musique techno assez infernale. Aussi, ils sont finalement emportés par le rythme, mais de façon contrôlée. Cette ouverture intitulée Tricksters est une création d’Alban Richard spécialement pour Guests. Et le moteur démarre. Les cinq garçons vont finir par nous conquérir dans la mesure qu’ils acceptent de tomber sous le joug de la techno. Du quintet en noir on passe à un duo en blanc, romantique et même un brin baroque. Mais ce flirt avec et par le ballet appartient à Dominique Bagouet et les quelques minutes de Déserts d’amour évoquent plutôt un jardin en fleur. Est-ce malgré le jeune âge des interprètes ou à cause de lui? Au-delà de l’aisance technique, le couple s’approprie les codes de la séduction avec une aisance stupéfiante, tout en laissant entrevoir un décalage troublant. Ce pas de deux cache quelque vérité sur le monde des pré-ados d’aujourd’hui. Après cette excursion vers la narration, on revient au costume noir et à l’abstraction, avec un extrait de Concerto de Lucinda Childs, au rythme très soutenu, ici par le clavecin de Górecki, demandant puissance, énergie, précision et endurance. L’extrait de cette pièce majeure est ici interprété par sept danseuses. Elle permet d’apprécier les petits liens souterrains entre les différentes parties, du dialogue ente les musiques aux structures des éclairages et des chorégraphies qui se répondent d’une pièce à l’autre, sans oublier les petits modules de transition, créés par les danseurs eux-mêmes en écho aux chorégraphies des grands. On y voit que leur compréhension des gestes et des structures est déjà profonde. Et on passe à la synthèse de tout ce qui a précédé, avec Entity de Wayne McGregor, en costumes noir et blanc. Ici, la séduction se double d’une énergie combattante. Force physique et mentale scellent un affrontement permanent avec l’autre sexe, la musique et l’érotisme, avec la personne en face. Amour et lutte ne font qu’un. Entity fait figure de powerhouse, la centrale énergétique de Guests, les lions et lionnes en scène étant constamment rejoints par d’autres dans un crescendo explosif. Changement de décor, enfin, de tapis. Du blanc au noir pour Spotlight Solo, et c’est un solo très rock’n’roll, à l’énergie rebelle et insolente pour un danseur-acteur-rockstar de Rui Horta qui marque le passage vers Brilliant Corners d’Emanuel Gat. On voit ici le début de la pièce, très axé sur le groupe, et une fois de plus un groupe très jeune affirme une troublante maturité, où quelque chose de dramatique semble se préparer. Et en effet, le point d’orgue arrive, de façon plutôt guerrière, avec un extrait tonitruant de Uprising de Hofesh Shechter, star israélienne de la scène chorégraphique britannique. Ici le groupe, ou la communauté, est soumise à des tensions et des violences extrêmes, pour inventer des manières acrobatiques de se déplacer que même côté Parkour, personne ne saurait imaginer. Thomas Hahn [Photos: Léo Ballani/ Cécile Martini] |
Articles liés
« Les Misérables », une nouvelle production brillante au Théâtre du Châtelet
Plus de quarante ans après la première création en français, l’opéra d’Alain Boublil et de Claude-Michel Schönberg revient au Théâtre du Châtelet dans une nouvelle version et une mise en scène de Ladislas Chollat. Quarante interprètes dont des enfants...
“Moins que rien” : l’histoire de Johann Christian Woyzeck adaptée au Théâtre 14
L’histoire est inspirée de l’affaire de Johann Christian Woyzeck (1780-1824) à Leipzig, ancien soldat, accusé d’avoir poignardé par jalousie sa maîtresse, Johanna Christiane Woost, le 21 juin 1821. Condamné à mort, il a été exécuté le 27 août 1824....
La Scala présente “Les Parallèles”
Un soir, dans une ville sans nom, Elle et Lui se croisent sur le pas d’une porte. Elle est piquante et sexy. Lui est hypersensible et timide. Il se pourrait bien que ce soit une rencontre… Mais rien n’est moins sûr, tant ces deux-là sont maladroits dans leurs...