L’année 2014 étant passée et enterrée, le monde de l’art se tourne à présent vers la programmation de l’année à venir. Il s’agit de prospecter, de repérer les foires, les expositions, les prix et les ouvertures les plus cruciaux qui sont prévues pour les douze mois à venir. 2015 semble s’engager sur la voie tracée en 2014, poursuivant l’éblouissante programmation d’événements, d’expositions et d’ouvertures qui ont permis à l’année dernière d’être si prolifique et féconde pour les professionnels de l’art et les amateurs. AMA sélectionne les faits qui marqueront le tempo artistique en 2015.

Foires

L’événement exceptionnel de l’année est sans doute la 56e Biennale de Venise, qui célèbre cette année son 120e anniversaire. Elle se déroulera du 9 mai au 22 novembre. Le titre de cette édition, choisi par le premier commissaire africain de l’événement, Okwui Enwezor, est « All the World’s Futures » qu’il décrit comme « consacré à une nouvelle appréciation de la relation de l’art et des artistes à la situation mondiale actuelle ». La Biennale est organisée en trois thématiques : « Liveness: On epic duration », « Garden of Disorder » et « Capital: A Live Reading », chacune présentée comme une « constellation de paramètres qui circonscrivent plusieurs idées, qui seront abordées à travers une grande diversité de pratiques artistiques ».

Un important ajout récent pour l’agenda culturel de 2015 est la New Museum Triennial, qui a été inaugurée en 2009 et présentera sa troisième édition du 25 février au 24 mai. Intitulée « Surround Audience » elle vise à être « prédictive plutôt que rétrospective » et proposera plus de 51 artistes émergents de plus de 25 pays.

La Biennale d’Istanbul, fondée en 1987, réalisera sa 14e édition du 5 septembre au 1er novembre 2015 intitulée « Saltwater: a Theory of Thought Forms ». Elle accueillera notamment les travaux d’océanographes et de neuroscientifiques, dont le concept est décrit comme « un projet de ville à l’échelle du Bosphore, qui considère les différentes fréquences et formes des vagues, les courants et la densité de l’eau, à la fois visibles et invisibles, qui façonnent et transforment poétiquement et politiquement le monde ».

2015 accueillera également la Biennale de Sharjah 12 intitulée « The past, the present, the possible ». Cette manifestation se tiendra du 5 mars au 5 juin à Sharjah aux Émirats Arabes Unis. Pour cette nouvelle édition, plus des deux tiers de la cinquantaine d’artistes (comme Danh Vo, Hassan Sharif et Mark Bradford) participants présenteront de nouvelles œuvres. La biennale, dont la première édition a eu lieu en 1993, est organisée par la Fondation Sharjah Art, dont le but est de développer la proposition de programmes artistiques et culturels contemporains dans cette région.

L’Outsider Art Fair aura lieu à New York et à Paris cette année, respectivement 29 janvier au 1er février et du 22 au 25 octobre. L’Outsider Art Fair expose des œuvres d’artistes dits « outsider » et autodidactes, qui sont devenus de plus en plus populaires ces dernières années ; Christian Berst, de la galerie Christian Berst Art Brut, a décrit l’Art brut à AMA comme « essentiel dans la compréhension des mécanismes de la création et de la définition même de l’art ».

Espérons que, suite à la réussite de Art Basel Miami Beach en 2014, où se sont pressés environ 73.000 visiteurs en cinq jours, la 3e édition de Art Basel Hong Kong en fera tout autant du 15 au 17 mars 2015. La foire sera divisée en six sections : Galeries, Insights, Découvertes, Rencontres, Magazines et Films, qui retraceront 12 ans d’histoire de l’art à travers une large sélection de peintures, sculptures, dessins, installations, photographies et vidéos, réalisées par plus de 3.000 artistes.

La Frieze New York, Art Basel, la Frieze de Londres, la FIAC à Paris et Art Basel Miami Beach vont toutes reprendre leur place habituelle dans le calendrier : la Frieze New York du 14 au 17 mai ; Art Basel du 18 au 21 juin ; la Frieze de Londres du 14 au 17 novembre ; la FIAC Paris du 22 au 25 octobre et Art Basel Miami Beach du 3 au 6 décembre.

Expositions

Du côté des expositions muséales, 2015 prévoit une programmation de qualité, axée particulièrement sur les Maîtres anciens dans la peinture, avec par exemple l’exposition « Rubens et son héritage », qui prendra ses quartiers à la Royal Academy de Londres à partir du 24 janvier et jusqu’au 10 avril. Cette dernière est citée à la fois par la BBC et The Guardian comme l’une des expositions les plus importantes de l’année. Il s’agit de la première grande exposition monographique dédiée à Rubens, qui réunira des chefs-d’œuvre du « prince des peintres» ainsi que les grandes œuvres d’artistes qu’il a influencés.

Ailleurs, et à Paris notamment, la popularité des Maîtres anciens est confirmée par la présence d’expositions telles que « Vélasquez et le triomphe de la peinture espagnole », qui se tiendra du 25 mars au 13 juillet au Grand Palais. Les œuvres de Vélasquez seront exposées aux côtés d’œuvres qui sont censées l’avoir influencé, le parcours mettant ainsi en lumière les variations de son style dans ses œuvres de jeunesse.

À Londres, « Adventures of the Black Square: Abstract Art and Society 1915-2015 » qui investira la Whitechapel du 15 janvier au 6 avril, est une de ces expositions qui fera sans doute date sur la scène artistique londonienne. L’exposition prend pour point de départ le Carré noir de Malevitch, exposé pour la première fois il y a 100 ans, afin d’examiner les travaux qui ont été influencés par ce pionnier de l’abstraction, des œuvres qui « symbolisent les aspirations utopiques et les ruptures du modernisme. » L’exposition sera divisée en quatre sections : « Utopia », « Architectonics », « Communication » et « Everyday ».

Du côté des artistes plus contemporains, le musée de Brooklyn proposera la première grande exposition des carnets de Jean-Michel Basquiat du 3 au 23 avril, avec à l’affiche 160 pages de ses croquis. Ces cahiers illustrent l’interaction entre les mots et les images, un thème récurrent dans le travail de Basquiat. Cet événement offrira aux spectateurs un aperçu essentiel du processus de travail de l’artiste, tout en mettant en lumière le développement des motifs emblématiques de l’œuvre de Basquiat : ceux du tipi, de la couronne, des silhouettes squelettiques et des visages grimaçants.

Le MoMA organise la première exposition individuelle de Yoko Ono « Yoko Ono: One Woman Show, 1960-1971 », du 17 mai au 7 septembre, qui dévoilera 125 des œuvres créées dans la période de gestation de l’exposition officieuse « One woman show » organisée par l’artiste au MoMA en 1971. L’exposition promet d’impliquer directement le spectateur à travers des œuvres telles que Painting to Be Stepped On et Bag Piece.

Ailleurs à New York, le Musée Guggenheim accueillera l’exposition « Alberto Burri: the Trauma of Painting » d’octobre 2015 à janvier 2016, une rétrospective dédiée à l’œuvre de l’artiste italien. Burri, issu d’une formation médicale, a commencé à peindre lors de son internement dans un camp de prisonniers de guerre au Texas pendant la Seconde Guerre mondiale. Son travail utilise des matériaux non conventionnels tels que de la toile de jute, de la ferraille, de la résine, du ciment, du plastique, du goudron et du PVC.

À Madrid, le Museo Thyssen Bornemisza offre un regard neuf sur les œuvres de l’artiste fauve Raoul Dufy. Cette exposition, intitulée « Raoul Dufy: de l’Extérieur à l’Intérieur », se déroulera du 17 février jusqu’au 17 mai. Dans le cadre de l’exposition, seront présentées pour la première fois les gravures de Dufy créés pour le Bestiaire d’Apollinaire, une collection de trente poèmes publiée en 1911.

Le MAC (Musée d’Art Contemporain) de Marseille accueillera la première rétrospective française de l’artiste chilien Alfredo Jaar du 4 juillet au 1er novembre. Son travail explore les limites de l’art et questionne son pouvoir et son obligation morale qui est de représenter des événements tels que les catastrophes et les génocides, étroitement liés à la politique et à la sociologie contemporaine. Il est célèbre en particulier pour son installation The Rwanda Project, basée autour du génocide rwandais de 1994, qui traite des questions entourant la capacité de l’art à documenter la mort à une telle échelle.

L’exposition « Where I Want To Go », qui se déroulera du 24 avril au 14 septembre au Musée Leopold de Vienne, se donne pour objectif de proposer des parallèles entre des œuvres d’artistes de périodes différentes, et présentera des artistes tels que Tracey Emin et Egon Schiele côte à côte. Elle établira un dialogue entre la figure de proue des « Young British Artists » et l’expressionniste autrichien.

Cependant, les musées ne sont pas les seuls à déployer une programmation prometteuse pour l’année à venir. Les galeries ne sont pas en reste, à l’instar de la Marianne Boesky Gallery de New York, qui accueillera l’exposition des derniers travaux de John Waters intitulée « Beverly Hills John », du 9 janvier au 14 février. Ses œuvres récentes comprennent une nouvelle vidéo intitulée Kiddie Flamingos, un réinterprétation du Pink Flamingos de Waters un film des plus dérangeants, moment culte du cinéma underground sorti en 1972.

À New York toujours, de mai à juin, la galerie David Zwirner accueillera une exposition des œuvres de l’artiste japonaise Yayoi Kusama, dans l’espoir de revivre l’énorme succès de l’installation présentée à la galerie en 2013, qui a généré des files d’attente de plusieurs heures, attirant près de 2.500 visiteurs par jour.

Ouvertures

L’ouverture tant attendue du Louvre Abu Dhabi, situé dans le quartier culturel de l’île de Saadiyat, devrait avoir lieu le 1ᵉʳ décembre prochain, une ouverture qui exposera au public plus de 300 œuvres prêtées par 13 des musées les plus importants de France. Malgré les controverses concernant le musée, des critiques s’attaquant à l’utilisation du patrimoine culturel français pour une fin purement commerciale, et des enquêtes concernant les conditions de travail des ouvriers, l’ouverture est inscrite sur l’agenda 2015 et a l’ambition de marquer le début de ce qui pourrait jeter un pont entre l’art occidental et oriental.

Une seconde ouverture importante à retenir pour l’année à venir est celle de la National Gallery de Singapour en novembre dans l’ancien hôtel de ville. Le musée sera dédié aux arts d’Asie du Sud-Est du XIXᵉ siècle à nos jours, à travers plus de 10.000 pièces.

Le Musée Rodin de Paris prévoit de continuer sa rénovation avec la fermeture de l’hôtel Biron (l’espace où est installée la collection permanente de sculptures) de janvier à septembre, afin de rendre la zone plus accessible et d’ouvrir de nouveaux espaces d’exposition.

La Wellcome Collection, à Londres, va augmenter de 30% son espace actuel d’exposition. La décision s’est imposée au regard d’un nombre de visiteurs atteignant 490.000 personnes en 2012 contre 100.000 prévues. C’est encore au Royaume-Uni qu’une partie de l’Université de Manchester, la Whitworth Art Gallery, ouvrira son nouvel espace rénové pour la somme de 20 M€, le 14 février 2015. Par ces travaux, le musée a doublé son espace d’exposition et s’est doté d’un nouveau centre d’étude.

Le 1er mai prochain, le Whitney Museum of American Art inaugurera son nouveau bâtiment de neuf étages conçu par Renzo Piano, situé dans le Meatpacking District de Manhattan. Cet événement clôt le projet lancé en 2007, ajoutant environ 4.000 m² d’espace à la structure intérieure et 1.200 m2 d’espace extérieur d’exposition au musée, faisant du Whitney le musée sans colonne de New York.

À cette même date, la Fondazione Prada de Milan ouvrira son nouveau siège administratif et un espace d’exposition situé dans une distillerie réaménagée. Cet espace courra sur sept bâtiments, couvrant un total de plus de 21.000 m² d’espace. Conçu par le cabinet d’architecture de Rem Koolhaas, les bâtiments comprennent un auditorium, un espace d’exposition temporaire et une tour de neuf étages pour abriter la collection de la fondation.

Enfin, 2015 marquera également la première organisation par une ville écossaise du Turner Prize à l’occasion de sa 31e édition, qui se tiendra d’octobre 2015 à janvier 2016 à l’espace The Tramway de Glasgow

Art Media Agency

[Visuels : © Céleste Boursier-Mougenot ; Peter Paul Rubens, Tiger, Lion and Leopard Hunt, 1616. Oil on canvas, 256 x 324.5 cm. Rennes, Musée des Beaux Arts. Photo © MBA, Rennes, Dist. RMN-Grand Palais / Adélaïde Beaudoin. Exhibition organised by the Royal Museum of Fine Arts, Antwerp, Royal Academy of Arts, London, and Centre for Fine Arts, Brussels ; © TDIC, AJN, ARrtefactory, Louvre Abu Dhabi]